La destruction des plantes nuisibles constitue une partie
importante du travail normal au jardin : c'est une véritable lutte engagée
contre la rapidité et la puissance de reproduction des mauvaises herbes. Si
l'amateur jardinier veut être vainqueur, il ne doit négliger aucun des procédés
possibles de destruction.
C'est une nécessité de détruire les mauvaises herbes.
1° Elles puisent dans le sol une grande partie des éléments
nutritifs au détriment des plantes cultivées. Les plantes nuisibles sont donc,
de manière indirecte, de vrais parasites, désignées plus communément
sous les noms de plantes adventices ou de mauvaises herbes. L'eau soutirée par
elles, et pourtant si utile aux légumes, peut être évaluée, pour 100
kilogrammes de mauvaises herbes, à 50.000 litres.
2° Elles entretiennent au sein des cultures une obscurité et
une humidité favorisant le développement des maladies cryptogamiques, privant
d'air et de soleil les légumes.
3° Elles diminuent ainsi le rendement des récoltes de moitié
et, parfois, elles peuvent complètement étouffer ces dernières.
4° Elles compliquent les opérations culturales ; elles
nécessitent des binages et sarclages répétés, et leur destruction peut devenir
une véritable corvée. Parfois elles nuisent au séchage des récoltes (pois, fèves,
haricots).
Difficultés de lutter contre les mauvaises herbes.
— 1° La nature même de la plante : les végétaux
nuisibles sont fort nombreux et appartiennent à des familles botaniques très
différentes : celles de la famille des Graminées ont un enduit cireux les
protégeant ; les Liliacées, de par leurs bulbes souterrains, sont
difficilement tuées. Elles sont annuelles ou bisannuelles : renoncules,
fumeterre, ravenelles, mercuriales, etc. ..., ou vivaces : chardons,
laiterons, liseron, ail des vignes, chiendent, prêle, etc. ...
2° Leur reproduction rapide : la mauvaise herbe, en
moyenne, se développe trois fois plus vite que la plante cultivée et, à peine
en floraison, elle donne déjà des graines qui lèvent. On compte trois
générations par an. Une des plantes nuisibles les moins prolifiques, l'Adonis
goutte de sang, donne 100 graines par pied ; la renoncule, 150 ; les
sanves et ravenelles, de 2.000 à 6.000 ; le chardon donne jusqu'à 15.000
graines. Éparpillées par le vent, ce seront autant de nouvelles mauvaises
herbes.
D'autres se reproduisent par l'intermédiaire d'organes
végétatifs : le chiendent étale ses rhizomes dans le sol ou à même la
surface, et des bourgeons donnent rapidement naissance à de nouveaux pieds ;
le laiteron se propage par bourgeonnement des racines ; l'ail des vignes
se reproduit par bulbes passablement enterrés.
3° Leur grande faculté germinative et leur puissante
résistance : les graines de nombreuses plantes nuisibles possèdent des
téguments très solides et imperméables ; de fait, leur germination peut
s'échelonner sur de longues années ; elles méritent bien le qualificatif
de « graines dures » : ainsi les sanves (graine oléagineuse)
peuvent rester de trente à cinquante ans en terre, mais, dès leur arrivée à la
surface, elles germent. Les plantes vivaces (type chiendent) renaîtront
toujours tant que la moindre parcelle de racine restera en terre. Des graines
de chériopodes ne germent que dans la proportion de 38 p. 100 en sept
années, et celles du liseron dans celle de 10 p. 100 seulement. Ainsi
s'expliquent les apparitions soudaines et généralisées de mauvaises herbes dans
des jardins propres, du moins superficiellement, depuis longtemps, et leur
accumulation en quantités considérables, constituant en quelque sorte de
véritables réserves : on a trouvé jusqu'à 14.400 graines de plantes
nuisibles au mètre carré dans un sol en parfait état de culture et 45.600
graines au mètre carré dans une terre mal cultivée.
Pratique de la destruction des mauvaises herbes au
Jardin.
— Certes, à chaque mauvaise herbe correspond un mode de
destruction ; cependant des règles générales bien observées empêcheront
leur développement.
1° Ce qu'il ne faut pas faire.
— Avant de bêcher le terrain, on aura soin d'enlever
soigneusement toutes les mauvaises herbes et tous les détritus ne pouvant que
nuire aux cultures, refuges de larves, d'oeufs, des limaces, courtilières, etc.
Il coûte peu de les ramasser et de les brûler.
C'est une mauvaise pratique que de les jeter au fond de la
jauge au moment du bêchage.
De même, on ne les jettera pas sur les tas de terreau ou de
compost, car, à leur tour, ils seraient vite envahis de graines et
réensemenceraient le potager.
Il ne faut jamais tarder à détruire la mauvaise plante :
si on la laisse fleurir, elle monte vite à graine et se multiplie. Quand elle
est encore petite, elle mange encore peu et elle est peu nuisible, mais, dès
qu'elle se développe, elle absorbe tout ce qu'elle peut atteindre.
Ne jamais laisser grandir aucune mauvaise herbe.
2° Quand faut-il désherber ?
— Le désherbage est en fonction du temps : les
jours pluvieux (période pluvieuse longue), on se contentera d'extirper les
grandes herbes qui, par leur hauteur, dépassent les légumes dans les carrés.
Par beau temps, le désherbage sera pratiqué au maximum :
à la binette, tous les carrés seront désherbés entre les lignes de semis ou de
plantations ; à la main sur les lignes de semis. On opérera, par beau
temps, de préférence le matin, parce qu'en sarclant on coupe les racines de
nombreuses mauvaises herbes.
3° Méthodes de désherbage.
— A. Préventive :
a. Un assolement rationnel pratiqué au jardin permet
le nettoyage régulier des parcelles cultivées.
b. Les opérations culturales, binages, sarclages,
exécutés en temps voulu et avec un instrument au tranchant aussi vif qu'un
rasoir, permettront de couper net et radicalement, entre deux terres, les
plantes nuisibles et empêcheront la levée des mauvaises graines pendant le
cours de la végétation des plantes cultivées.
c. On n'emploiera que des semences très pures,
sélectionnées, exemptes de mauvaises graines.
— B. Lutte proprement dite :
Procédés de destruction mécanique. Sarclages et binages
répétés permettent d'arracher ou de couper les mauvaises herbes en végétation.
Le sarclage par arrachage des herbes à la main se fait surtout à genoux ;
il demande du temps, de la peine, mais il est efficace.
Procédés de destruction chimique : les traitements
seront également effectués avant que les mauvaises herbes n'aient pris un trop
grand développement.
a. Notons d'abord que les traitements aux hormones
(désherbant sélectif à base d'hormone du type 2-4-D) ne peuvent encore être
utilisés au jardin : toutes les autres plantes doivent être supprimées
durant une assez longue période précédant leur application. Des recherches, menées
activement, sont entreprises dans ce domaine, mais la difficulté réside dans
l'adaptation du produit à chaque famille.
b. Formule d'un mélange désherbant à employer en
poudrages : le commerce fournit des mélanges désherbants prêts à être
employés, mais pour la destruction des mauvaises herbes dans les allées.
On peut préparer soi-même un mélange bien homogène, qui
présente l'avantage d'être à la fois désherbant et sélectif :
Cyanamide en poudre |
100 kg. |
Sylvinite finement moulue |
300 kg. |
Ce mélange, répandu à la main, à raison de 6 kilogrammes à
l'are, entre les lignes de plantations, le matin par la rosée quand la journée
s'annonce belle, donne de bons résultats.
c. Si l'on ne craint pas de rendre le terrain ou une
parcelle stérile pendant un an, on pourra recourir à l'emploi du chlorhydrate
d'ammonium. Résidu de la fabrication du gaz d'éclairage, on l'obtient dans les
usines à gaz. Il s'emploie à la dose de 1 kilogramme par 50 litres d'eau et
pour 50 mètres carrés de terrain. L'efficacité est augmentée si le sol est déjà
mouillé (pluie ou arrosage). Mais ce produit, très efficace, détruit non
seulement les plantes nuisibles et vivaces (liseron), mais tous végétaux dont
il a touché les racines. Le terrain est rendu stérile pour un an.
d. Procédé particulier pour la destruction des
plantes vivaces : liseron. On opère par étouffement, comme suit : la
parcelle infestée sera bêchée après une première récolte (pois ou pomme de
terre précoce) et ensemencée de vesce, trèfle, moutarde, etc.). On sèmera très
dru après une pluie d'été si possible. On laissera un an et, dès que la plante
aura fleuri (ou en pleine floraison), on brûlera sur place, on retournera :
le liseron aura disparu étouffé. De plus, on aura apporté au sol de l'engrais
vert organique et de l'azote profitables à la terre.
BOILEAU.
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