Accueil  > Années 1952  > N°664 Juin 1952  > Page 353 Tous droits réservés

Culture de la truffe

Le diamant de la cuisine.

— C'est sous cette désignation que, dans la Physiologie du goût, Brillat-Savarin qualifie la truffe, ce curieux cryptogame souterrain qui ne nous a pas encore dévoilé tous ses secrets.

Sans doute la truffe, de même que les autres champignons, se reproduit-elle par spores, mais comment ces spores germent-elles et quel est leur mode de nutrition ?

Ce que l'on sait, c'est que la truffe, au parfum subtil, qui transmet son arôme aux mets les plus appréciés, ne peut naître et prospérer qu'au voisinage des arbres et des arbustes, dits « truffiers », tels que châtaigniers, hêtres, noisetiers, mais surtout sous le couvert des chênes verts et des chênes blancs.

C'est probablement par l'intermédiaire de son mycélium que la truffe vit en parasite et prend ses sucs nourriciers sur les radicelles traçantes des essences qui lui conviennent. Mais, si l'on ne peut admettre la théorie de la génération spontanée, comment expliquer le fait que, sur un terrain n'ayant jamais produit de truffe, ce champignon apparaisse au bout d'un certain nombre d'années, si on y plante ou si on y sème des glands de chêne ?

Les truffières naturelles.

— On rencontre un peu partout, en France, des truffières naturelles, notamment dans les régions crétacées, où la teneur du terrain en carbonate de chaux n'est pas inférieure à 25 ou 30 p. 100, et dont le sol peu profond, léger et caillouteux, fait tracer les racines des arbres et des arbustes qui y croissent.

Sans doute, la truffe pourrait encore faire son apparition dans les terres riches et profondes, où les racines ont une tendance à pivoter et relativement pauvres en chaux, mais les champignons y restent petits et ils y acquièrent souvent une saveur musquée qui les déprécie.

Comme ces truffières sont habituellement d'un rendement assez faible, on a intérêt à créer des truffières artificielles, ensemencées avec des variétés à maturité échelonnée, comme la truffe noire du Périgord, qui mûrit pendant tout l'hiver, à partir de novembre jusqu'en mars, ainsi que la variété de Bourgogne, un peu plus précoce, que l'on récolte d'octobre en février, ou encore la truffe d'été, la plus petite, caractérisée par la présence de verrues saillantes sur toute sa surface, dont la maturité s'échelonne de juin à septembre.

Les truffières artificielles.

— La création des truffières artificielles a été préconisée et mise au point par un professeur du Vaucluse, M. Zacharewiez.

Sachant que l'on peut provoquer l'apparition et la croissance du précieux cryptogame soit en semant des glands, soit en plantant des chênes verts et des chênes blancs, M. Zacharewiez donne les instructions suivantes :

Pour les semis, les glands sont ramassés le plus tard possible dans les truffières produisant les variétés que l'on veut reproduire. Le ramassage ayant lieu fin novembre, les glands auront pu s'enrober de spores au contact du sol. On les mettra aussitôt en stratification dans le sable, ni trop sec ni trop humide, pour éviter qu'ils ne se dessèchent ou qu'ils ne pourrissent. C'est vers le mois d'avril, lorsque les radicelles sont bien apparentes, que les glands sont mis en terre ; mais il est recommandé de couper l'extrémité du pivot, afin de favoriser le développement des racines traçantes.

Le terrain ayant été labouré au préalable et ameubli en surface, on trace des rayons distants de 6 mètres pour les chênes verts et de 8 mètres pour les chênes blancs. Les glands étant distribués en poquets distants de 6 mètres et recouverts de 6 à 8 centimètres de terre fine, on éclaircira les touffes en conservant le plus beau pied.

C'est seulement cinq à six ans après le semis que l'on commencera à récolter des truffes. Pendant ce temps, on peut pratiquer des cultures intercalaires adaptées à là nature du terrain.

Si on procède par plantation de jeunes chênes, on les prendra âgés de trois ans et l'on aura soin de raccourcir le pivot, toujours dans le but de faire tracer les racines, afin que les truffes qui vivent en symbiose sur elles puissent se développer.

Bien que les plantations de petits chênes permettent de réduire à trois ou quatre ans l'apparition des premières truffes, au lieu de cinq à six ans, les semis donnent généralement de meilleurs résultats comme fructification.

Les soins et la récolte.

— Qu'elles proviennent de semis ou de plantations, les soins à donner aux truffières sont les mêmes. Ils consistent en binages répétés, ayant pour objet la destruction des mauvaises herbes, tout au moins pendant les premières années. Aussi a-t-on intérêt à pratiquer les cultures intercalaires, ou à y semer des fourrages artificiels.

Lorsqu'on s'aperçoit de la disparition des herbes, c'est que la fructification est commencée: On peut effectuer la récolte en utilisant pour cet objet les chiens ou les porcs, qui viennent fouiller avec leur groin les endroits où les truffes se trouvent dissimulées.

C'est ainsi que, dans les truffières en production, les récoltes peuvent se succéder pendant une partie de l'année si on a propagé les différentes variétés à maturité échelonnée.

Pour intensifier la production, on aura recours aux engrais, en donnant la préférence au fumier de ferme, tout au moins pendant les premières années, Par la suite, on emploiera les engrais chimiques que l'on appliquera tous les deux ans, à la dose de 100 kilogrammes de superphosphate, 18 kilogrammes de sulfate de potasse et 12 kilogrammes de nitrate de soude, le tout pour un hectare. Cette fumure activera et augmentera le volume des truffes. Dans les situations ou on pourrait disposer d'une eau courante, les irrigations par submersion produiraient aussi de bons résultats, pendant les périodes de sécheresse, sur la fructification.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°664 Juin 1952 Page 353