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L'armement des Gaulois et des Francs

Encore au moment de l'invasion de la Gaule par Jules César, l'armement gaulois était en bronze non seulement pour les éléments défensifs comme le casque, mais encore les épées et autres armes offensives.

Le casque est du reste remarquable par sa forme pointue, bien qu'il ait été réservé exclusivement aux chefs.

La défense était complétée par une cuirasse en deux pièces et un bouclier qui pouvait être de deux formes : l'une ovale et l'autre rectangulaire, bombée et plus large au milieu.

Outre l'épée, les Gaulois disposaient de haches, dont le « celt ». Ce qui est remarquable, c'est l'épée, qui était soit de forme grecque, soit sans garde. Nos ancêtres avaient également emprunté aux Romains la lance, le javelot et l'arc, ainsi que l'enseigne, mais celle-ci était ornée d'un sanglier.

Qu'étaient les Gaulois ? On ne sait exactement, malgré les remarquables travaux de Camille Jullian, mais on suppose qu'ils ne furent pas les premiers habitants de ce que l'on a appelé, faute de mieux, la Gaule. Ils seraient probablement des envahisseurs venus des régions germaniques, ou au moins d'outre-Rhin.

Ainsi s'expliquerait que le casque gaulois, très spécifiquement pointu, ait été retrouvé dans les régions de Munich et de la Bavière.

Les fouilles effectuées à Hallstadt, en Autriche, ont également démontré cette interférence, bien qu'on ait eu la surprise de trouver dans des centaines de tombes simultanément des armes de bronze, de fer et de pierre, et également le casque gaulois. Or on retrouve également toutes ces armes, y compris le celt, dans les Îles britanniques.

En toute logique, l'âge du fer devrait se terminer au Ve siècle, au moment de la chute de l'Empire d'Occident. Cependant maints archéologues et historiens reportent son terminus à la fin de la période carolingienne, soit en 987. Actuellement, on estime que, si cette solution facilite le travail des historiens, elle est aussi inexacte que la première. Logiquement, on doit considérer que l'âge du fer s'est terminé au moment où est née la chevalerie, soit au VIIe siècle.

Cette question d'appellation est extrêmement complexe, car, si le fer fut d'un emploi universel, son adoption généralisée ne fut pas simultanée en toutes régions. Déjà en 202 avant J.-C., les Romains l'avaient adopté exclusivement pour les armes offensives.

En 450, l'Helvétie avait été dévastée par les Romains, au point de devenir un désert inhabité, et ce ne fut qu'après un siècle que les Burgondes la repeuplèrent, en même temps que les Alemans et les Ostrogoths au sud. C'est cette pluralité de peuplement qu'expriment aussi les armes découvertes dans les fouilles, car leurs dimensions et leur poids correspondent parfaitement aux statures différentes.

Chez les Germains, la lance, la hache et l'épée étaient très répandues. Les boucliers mesuraient 8 pieds de haut et 2 de large, constitués de peaux tendues sur une ossature d'osier, et peints de couleurs vives comme rouge sur fond blanc. Ultérieurement, ces boucliers furent remplacés par d'autres en bois de tilleul cerclé et bordé de fer. D'autres, de caractère moins répandu, étaient ronds avec centre saillant. Ce modèle, encore plus accusé, paraît avoir été très en faveur dans la région rhénane. Inversement, la cuirasse paraît avoir été presque ignorée des Germains.

Aux Gaulois succédèrent les Francs, et leur armement est mieux connu, autant par les descriptions d'auteurs que par les reliques découvertes.

Leurs armures défensives se réduisaient au petit bouclier rond de50 centimètres, en bois recouvert de peaux. Les chefs portaient toutefois casque et cuirasse. Les simples soldats protégeaient leur tête partiellement rasée par une natte faite du reste de leur chevelure ramenée sur le dessus et teinte en rouge.

Moins sommaire était l'armement offensif : d'abord une épée à double tranchant, longue de 80 centimètres, mince, plate et aiguë, ensuite un coutelas assez long, 50 centimètres, que l'on a nommé « scramasaxe ».

Ce scramasaxe est d'une importance capitale pour l'archéologue militaire, car il est l'ancêtre de toutes les armes à un seul tranchant. Il se maniait à deux mains.

L'arc et la flèche ne furent pour les Francs que des armes de chasse, à l'inverse de l'angon à pointe barbue, de la framée, ou longue lance, et de la hache. Il faut répéter que cette hache était à un seul tranchant et que tout autre est la francisque, qui cependant doit son nom aux Francs.

Le Cabinet des médailles, à la Bibliothèque nationale, possède une pièce unique de cette époque, vers le milieu du Ve siècle : elle est constituée par l'épée de Childéric 1er.

Les armes de la fin de la période mérovingienne et du commencement de la carlovingienne sont rares, et, comme les documents scripturaux ne le sont pas moins, la documentation est assez obscure.

De Charlemagne, on possède l'épée et les éperons qui se trouvent exposés dans la Galerie d'Apollon au Louvre, mais on a contesté l'authenticité de la première.

De Charles II, le Chauve, la Bible illustrée fournit quelques renseignements sur l'armement, mais l'artiste a certainement agi avec beaucoup de fantaisie ou d'incompétence, sinon les deux, en rappelant par trop des armements romains.

Un autre document émanant d'un moine de Saint-Gall semble plus exact en présentant Charlemagne bardé de fer, ainsi que sa monture, car des édits de ce grand empereur constituent des indications précises sur des brassards, jambières, boucliers, casques et autres, envers ses hommes d'armes.

Avec les Croisades (1096-1270), on est, par contre, renseigné avec beaucoup de précisions et maints détails.

L'homme de guerre n'a pas de cotte de mailles et porte le casque à timbre bombé sur certains documents, tandis que le manuscrit d'Ælfric figure le chevalier avec une cotte de mailles et le casque sans nasal et avec une forme assez particulière. Un troisième document présente par contre un casque à nasal.

Le manuscrit d'Ælfric est particulièrement important, car richement illustré avec minutie et représentant maintes formes d'épées avec les dates correspondantes. On y trouva en particulier de magnifiques pommeaux trilobés.

Tous ces documents sont encore confirmés par une statue du dôme de Naumbourg figurant une armure avec haubert à longues manches et haut et bas de chausses tout en mailles, un bacinet et un long bouclier convexe.

Au passage du Xe au XIe siècle, le chevalier porte une longue tunique ou haubert descendant jusqu'aux genoux, et aux coudes pour les manches. La tête était protégée par un capuchon nommé camail. Les deux étaient en peaux ou en forte toile, avec des anneaux de fer cousus dessus ainsi que des chaînettes. Les pieds sont simplement protégés par des lanières.

À cette période, le haubert normand est une sorte de justaucorps en forme de combinaison complète, mais le camail protégeant la nuque est séparé, bien qu'enveloppant également la tête sauf la face. La protection est assurée par de gros anneaux cousus, et aussi par un sac recouvrant encore le tout.

Au XIIIe siècle, en Bohême, l'armement n'était guère encore plus avancé, mais on voit paraître les chaussures à la poulaine, le chapeau de fer et le grand bacinet moulant la tête. Ce qui est plus important encore, c'est que les montures portent un caparaçon treillissé avec des anneaux et des têtes de gros clous. On y trouve même, bien que rarement, des chevaliers avec des jambières à plaques et des solerets à poulaine.

Chez les Normands, l'armement avait pour complément le bouclier en forme de cœur, de très grande hauteur, alors que celui des Anglo-Saxons était rond et bombé comme celui des Francs. L'épée était aussi longue que pointue avec la garde en croix droite. Elle se complétait comme arme offensive de la hache et de la lance à pavois. Les véritables armes de jet étaient la fronde et l'arc.

On pense généralement que la véritable cotte de mailles provient d'Orient, apportée uniquement par les Croisés. C'est faux, car elle existe déjà en Europe au XIe siècle. Mais, trop lourde, elle fut rapidement abandonnée.

Le petit bacinet ou cervelière ne doit pas être confondu avec le grand bacinet, casque se situant sur les XIIIe et XIVe siècles. On le plaçait sur ou sous le camail, alors que, directement sur la tête, on portait un bonnet d'étoffe ; matelassé, il donnait le chaperon. Plus tard, on conservait même le grand bacinet sous le heaume devenu immense. L'épée et la lance sont sans changement.

Avec le XIVe siècle se situe un changement radical. L'armure d'origine allemande va acquérir droit de cité.

A. DE GORSSE et Janine CACCIAGUERRA.

Le Chasseur Français N°664 Juin 1952 Page 377