Le long des côtes de la France, 645 feux, répartis en
phares, balises et bouées lumineuses, assument la sécurité de milliers de
navires voguant annuellement vers le continent.
Certains sont très anciens. Le doyen est celui de Cordouan,
proche de l'embouchure de la Gironde, construit en 1610 ; il est suivi de
ceux des Baleines de Chassiron, dans la Charente-Maritime, datant de 1679 ;
de celui d'Ouessant, le Stiff, de 1695, dans le Finistère, et du cap Frehel
dans les Côtes-du-Nord, remontant à 1695.
Mais les plus puissants sont aussi les plus récents ou, au
moins, les derniers modernisés quant à leurs systèmes optiques. Le plus
lumineux portant ses éclairs au plus loin à travers brumes et brouillards
atteint 500 millions de bougies, à Creach (Finistère). Puis viennent ceux de
Cap-Gris-Nez (Pas-de-Calais), de la Coubre (Charente-Maritime) et du Planier
(Bouches-du-Rhône) avec 100 millions ; ceux d'Antifer (Seine-Inférieure), Gatteville
(Manche), Belle-Île (Morbihan), île d'Yeu (Vendée), approchant ou atteignant
les 20 millions de bougies.
Aujourd'hui, la source lumineuse est presque toujours
électrique, puisque 345 foyers l'utilisent, dont 342 à incandescence et
seulement 3 encore à arc. 175 restent au gaz, 80 au pétrole vaporisé et 45 au
pétrole courant.
Cette situation est récente, car l'entre-deux-guerres
connaissait surtout l'usage de la lampe à arc, dont la très grande qualité
résidait dans une parfaite brillance d'un point lumineux très petit. On a dû
cependant l'abandonner en raison de la trop grande chaleur dégagée et la
nécessité impérieuse de réglages constants et de remplacement des charbons.
Cette supériorité de l'électricité sur tous les autres modes
d'éclairage réside en ce que, d'une part, la source lumineuse a un foyer
extrêmement petit et donc très concentré. Il en résulte une grande diminution
des frais d'aménagement, car, pour les plus puissantes lampes, la distance
focale arrive à descendre à 50 centimètres au lieu de 1m,50. Le diamètre des
tours en est donc réduit en proportion.
Cependant, le pétrole reste indispensable pour les lampes de
secours et également quand il s'agit de feux isolés en mer. Les mèches
multiples et concentriques ont toutefois fait leur temps, et l'on préfère de
beaucoup la gazéification du pétrole avec envoi de son mélange à de l'air sous
forte pression pour rendre incandescent un manchon incombustible.
La grande question des phares reste leur allumage et leur
extinction, car on ne saurait concevoir leur permanence durant le jour, sauf en
des cas spéciaux et rares. Rien de bien difficile à réaliser quand il s'agit de
feux avec équipes de gardiens. Mais il y a des phares sans veilleurs et, pour
eux, on a prévu des « valves » solaires ou photoélectriques. Malgré
les progrès de la technique, elles ne sont, cependant, ni les unes ni les
autres, sans risques de défaillance.
Il en est de même, du reste, dans les « feux »
avec gardes, qui peuvent tomber en panne. Normalement, il existe pour les
phares électriques une batterie de secours à branchement automatique. Mais la
capacité réduite des accumulateurs ne leur permet de couvrir que le temps
nécessaire à la mise en route des autres dispositifs de sécurité, généralement
à pétrole.
La vie des gardiens de phare est extrêmement rude et,
périodiquement, la grande presse rapporte l'héroïsme de quelques-uns d'entre
eux, tombés malades et isolés par la tempête, n'en ayant pas moins continué à
faire leur devoir. Aux époques des grandes marées, il est fréquent que ces
hommes restent durant des semaines sans relation avec la terre ferme.
Cette rudesse de labeur a fait donner des noms fort imagés
aux phares dans l'argot de la profession. On y distingue les enfer, purgatoire
et paradis, selon leurs dangers ou inconvénients. Si la profession est
relativement bien rétribuée, il faut savoir cependant que le recrutement en est
strict, car un gardien de phare doit savoir un peu tout faire — depuis la
cuisine jusqu'aux réparations de radars — pour se tirer de toutes les
embûches du métier. Sans parler de l'absence de confort des installations de repos.
Toutefois, si les jeunes gardiens sont affectés surtout aux
phares les plus pénibles, ceux de Bretagne, il est certain que, pour la
majorité des feux, construite sur la terre ferme, l'activité pourrait se
comparer à celle d'un garde-barrière, mais avec travail exclusif de nuit.
La technique moderne s'efforce, chaque jour, de diminuer la
peine de ces obscurs et silencieux hommes de devoir en concevant des
dispositifs aussi automatiques que possible et en perfectionnant des
équipements de télécommande. Le problème le plus ardu réside dans la mise en
route immédiate de dispositifs de secours en cas d'avaries. C'est de la sorte
qu'à Nividic, dans l'île d'Ouessant, une installation secondaire double, en
quelque sorte, le phare géant de Creach, avec commande par câbles depuis la
côte.
Mais les phares ne sont pas les seuls dispositifs
assurant la sécurité. Il y a les « bouées et balises », dont les
têtes colorées et aux formes diverses assurent l'orientation des navigateurs.
Il y en a de très diverses formes et concepts, certaines avec des cloches,
sirènes ou même feux. Ces engins flottants s'opposent aux « amers »
constitués par des points de repère à terre, comme les maisons isolées, les
clochers, etc.
Les équipements les plus perfectionnés font appel, bien
entendu, à la radio, et la France et son Union en comportent déjà 34, dont 28
dans la métropole. Une dizaine d'autres sont en construction, en particulier au
Maroc, en Tunisie, en Algérie. Ce sont fort simplement des émetteurs de radio
que le navire repère grâce à un cadre récepteur de détection orientée. Tout une
réglementation a été établie sur ces nouveaux dispositifs qui, en France,
fonctionnent deux minutes consécutives suivies de quatre de silence.
Ces radiophares servent surtout non pas pour la marine, mais
pour l'aviation transocéanique ; aussi arrivent-ils à des portées de
l'ordre de 350 kilomètres et plus.
Le prochain progrès sera l'utilisation du radar, mais, pour
le présent, seuls les grands paquebots possèdent les équipements voulus, car
ils sont à la fois onéreux, délicats et encombrants.
À l'heure actuelle, on s'en tient encore aux phares
classiques à équipement optique. Toutefois, les nécessités de la
reconstruction, après les destructions de la guerre, ont permis d'harmoniser le
style de ces longs cylindres verticaux avec le site, et il faut tout
particulièrement signaler le phare du cap Frehel, rebâti en style fortifié ;
celui de la Garouppe, au cap d'Antibes, et, enfin, l'architecture magnifique du
phare du Planier, au large de Marseille, dû au prestigieux talent de
l'architecte André Arbus.
Ces phares servent de repère à la fois la nuit et le jour.
Pour le jour, il existe des codes mentionnant leurs formes, hauteurs,
dimensions et couleurs. Ciment blanc, briques rouges ou goudron noir servent à
réaliser la visibilité par contraste sur le fond du pays, sans recourir à des
peintures très onéreuses et facilement attaquées par les embruns marins.
Pendant la nuit, l'indicatif de reconnaissance d'un phare
est fourni avec une rigoureuse précision par sa couleur, son éclat et les
occultations de son feu en rotation. Certains sont encore fixes et orientés
selon un seul secteur.
La construction actuelle des phares tient compte de la
navigation aérienne, aussi comptent-ils en leur optique des panneaux de prismes
relevant vers le ciel une partie du faisceau normalement réservé aux seuls
navires.
Alex ANDRIEU.
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