L'œilletonnage est le procédé de multiplication de
l'artichaut le plus employé parce qu'il assure une production rapide et permet
de conserver intégralement les caractères des variétés. En œilletonnant, on
poursuit d'ailleurs un double but : obtenir du plant pour le remplacement
des vides créés par les gelées et débarrasser les touffes en rapport des
drageons inutiles qu'elles ont émis au cours de l'année précédente.
Dans toutes les régions de France, sauf dans le Midi et en
Bretagne où l'on opère plus tôt, c'est dans le courant d'avril que l'on
pratique l'œilletonnage, et par temps doux de préférence. L'opération doit se
faire avec précaution, car il est important de détacher avec le rejet une
portion de la plante mère à laquelle il est adhérent et qu'on appelle le talon ;
en même temps, il faut éviter de blesser trop gravement le vieux pied, ce qui
pourrait amener la pourriture. Les œilletons, une fois détachés, doivent être
habillés, c'est-à-dire qu'on doit retrancher du talon les portions froissées ou
déchirées et raccourcir un peu les feuilles ; c'est dans cet état que les
œilletons doivent être plantés.
On doit choisir, pour établir une plantation
d'artichauts, une terre bien ameublie en profondeur, riche, fraîche et presque
humide, sans cesser d'être saine. Les fonds des vallées à terre noire et
presque tourbeuse conviennent particulièrement bien à la culture de ce légume.
Très sensible à l'influence des engrais, la production des
artichauts sera d'autant plus rapide et considérable que le terrain aura reçu,
au préalable, une bonne fumure. Dans les potagers des particuliers, on pourra
se contenter d'incorporer à la terre une dose de 250 à 300 kilogrammes de
fumier bien décomposé. En grande culture, l'emploi du fumier additionné
d'engrais chimiques sera plus économique. Une formule qui, dans les terrains de
qualité moyenne, donne d'excellents résultats est composée de la façon suivante :
Fumier de ferme |
200 |
kg. à l'are. |
Superphosphate de chaux |
3 |
— |
Chlorure de potassium |
1 |
— |
Après la reprise, on complète cette fumure par un épandage
de 2 kilogrammes de nitrate de soude.
Dans l'un ou l'autre cas, les engrais doivent être enfouis
un mois au moins avant l'utilisation du terrain.
La plantation s'effectue en lignes espacées de 0m,80
à 1 mètre. Sur ces lignes, les plants sont disposés de 60 en 60 centimètres et
en quinconce. Pour repiquer, on utilise un plantoir ordinaire et, à chaque
emplacement d'une future touffe, on dispose deux œilletons distancés de 15 à 20
centimètres l'un de l'autre.
Une sage précaution consiste à ne pas trop enterrer les
œilletons afin d'éviter qu'ils pourrissent ; mieux vaut les borner
en pressant fortement la terre à leur collet, puis on donne un bon arrosage et
l'on se contente ensuite de tenir la terre en bon état pendant toute la belle
saison par des binages répétés et d'arroser abondamment toutes les fois que
cela est nécessaire.
Si l'eau et les engrais ne font pas défaut, les pieds
devront produire dès la fin de l'été ou en automne.
Les sujets qui ne produisent pas dans l'année de la
plantation pourrissent parfois pendant le premier hiver, surtout si ce dernier
est pluvieux. Il convient donc d'activer la végétation, de manière à obtenir
une première production l'année même de la plantation. Un ou deux nitratages
complémentaires pratiqués en juin ou juillet permettent d'obvier dans une
certaine mesure à cet inconvénient.
À l'entrée de l'hiver, fin octobre, courant de novembre, il
est prudent de protéger les plants d'artichauts contre les froids qui, souvent,
les font périr sous notre climat. Pour cela, on enlève les tiges qui ont fleuri
et que l'on coupe le plus près possible de la racine. On coupe également les
feuilles les plus longues et l'on butte les pieds en ramenant la terre tout
autour jusqu'à 0m,25 ou 0m,30 au-dessus du collet de la
racine, mais en prenant soin de ne pas recouvrir le cœur des plantes. En
période de fortes gelées, il est bon de disposer sur les pieds d'artichauts une
couche de feuilles sèches ou de paille, mais il est indispensable de les
découvrir dès que la température se radoucit, afin d'éviter la pourriture. Fin
mars, début d'avril, quand les grands froids ne sont plus à redouter, on débutte
les pieds, on fume et, tout en labourant, on procède à l'œilletonnage.
A. GOUMY,
Ingénieur horticole.
|