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Nos beaux arbustes d'ornement

L'hortensia

Introduit de la Chine ou du Japon, d'où il est originaire, en 1796, l'hortensia fut reconnu aussitôt par les divers botanistes, qui s'occupèrent de lui faire place dans la classification, pour une saxifragée. Mais il y eut moins d'unanimité pour le rattacher à un genre. Finalement, l'avis du Dr Smith prévalut et le nouveau venu devint un Hydrangea. C'est toujours, depuis lors, l’Hydrangea hortensis, bien plus connu sous le nom d'hortensia.

Pendant plus d'un siècle, diverses variétés se propagèrent dans les cultures. Je citerai seulement les H. japonica, otaksa, Mariesii, hortensis rosea. Ces plantes, d'ailleurs, n'avaient pas une très grande vogue, car elles étaient fréquemment attaquées par une maladie bactérienne qui provoquait la chute des feuilles et rendait les plantes inutilisables.

À partir de 1909, deux horticulteurs français, MM. Lemoine, de Nancy, et Mouillère, de Vendôme, commencèrent, presque simultanément, à pratiquer des hybridations et des semis d'hortensias. Bientôt après, on voyait apparaître des variétés bien supérieures aux anciennes à la fois comme beauté, floribondité et résistance aux maladies. C'est de cette époque que datent les variétés Avalanche, la Lorraine, Bouquet rosé, obtentions de Lemoine, ainsi que Madame L. Mouillère, Générale Vicomtesse de Vibraye, Souvenir de Madame Chautard, de Mouillère, dont l'une au moins. Madame Mouillère, à fleurs blanches, est encore cultivée et fort appréciée.

Un peu plus tard étaient mises au commerce, par les mêmes obtenteurs, d'autres variétés. Je citerai Étincelant, Radiant, la Marne, Maréchal Foch, Ami Pasquier qui, tous, ont connu une certaine vogue. Puis M. Cayeux, directeur des Jardins de la Ville du Havre, obtenait à son tour Triomphe, Normandie, Splendens, Rosabelle et enfin Merveille. Cette dernière, l'une des plus remarquables en rose, est actuellement de beaucoup la plus cultivée.

Les horticulteurs étrangers, et notamment les Allemands et les Hollandais, travaillaient aussi cette belle plante et en obtenaient de très belles variétés parmi lesquelles Hambourg, Europa, Paris furent importées en France dans la période précédant la deuxième guerre mondiale.

Multiplication.

— Bien qu'on puisse propager l'hortensia par marcottage en butte et même par éclatage des touffes, C'est par boutures que se fait le plus communément cette multiplication.

On fait les boutures, à deux époques : de janvier à fin avril ou début de mai, avec le secours de chaleur artificielle, et de mai à septembre, sans chaleur artificielle.

On prend comme boutures des pousses de 5 à 10 centimètres. Elles doivent être le plus possible rapprochées du verre. Dès qu'elles ont quelques racines, c'est-à-dire au bout de douze à quinze jours en moyenne, on les rempote dans de petits godets enterrés sous châssis et sur couche au printemps, ou bien sous châssis froid en été. On les tient quelques jours à l'étouffée pour favoriser la reprise.

Sol convenable.

— L'hortensia redoute le calcaire et se plaît particulièrement bien en terre de bruyère. Toutefois, la plupart des spécialistes de sa culture recommandent le mélange ci-après :

Terre de bruyère 75  p. 100.
Terreau de feuilles (chêne ou châtaignier) 20  —
Terre franche 5  —

À celui-ci, on ajoute, quelque temps avant l'emploi, un engrais organique azoté : poudrette ou corne broyée (1 kg. environ pour 100 kg. de terre), et un engrais phospho-potassique ne renfermant pas de chaux, par exemple du phosphate de potasse à dose moitié moindre.

Emploi.

— Lorsque l'hortensia est cultivé en pots, on le soumet à de nombreux traitements, notamment au forçage et au bleuissement de ses fleurs. Pour obtenir la coloration bleue, un certain nombre de recettes ont été données préconisant le mélange à la terre d'ardoise pilée, d'alun, de sulfate de fer, etc. La méthode la plus certaine, et celle qu'emploient beaucoup de professionnels, réside dans l'emploi exclusif de la terre de bruyère d'Angers. Il faut, bien entendu, que les eaux employées pour l'arrosage, dont l'hortensia est très gourmand, ne contiennent pas de chaux.

Le forçage a pour but de faire fleurir l'hortensia plus tôt qu'il ne le ferait naturellement. Les plantes à forcer sont rentrées en serre par séries à partir de la fin de décembre. On les soumet d'abord à une température de 15° environ pendant une semaine, puis on chauffe davantage. On bassine très fréquemment et on arrose de temps à autre à l'engrais dès que les feuilles sont bien développées. Lorsque les inflorescences sont proches de leur terme de développement, on passe les plantes dans un local moins chauffé et on aère le plus possible pour leur donner plus de résistance et leur permettre de mieux supporter le séjour en appartement.

Culture de pleine terre.

— L'hortensia prospère assez bien au jardin, en pleine terre, même ordinaire, mais il est préférable de lui fournir, sinon de la terre de bruyère pure, du moins un compost léger et riche en humus végétal, par exemple un mélange en parties à peu près égales de terre de bruyère, terre franche siliceuse et terreau de couches ou de feuilles de préférence. Les endroits frais, mi-ombragés, lui sont des plus favorables. On en fait, sous bois assez clair, des massifs d'un très bel effet qu'il vaut mieux constituer avec une seule variété. Dans cette situation, il convient de tenir compte de la concurrence des racines des arbres et d'arroser très abondamment.

La résistance au froid de l'hortensia n'est pas très grande, et, sinon ses rameaux, du moins les boutons terminaux gèlent fréquemment ; toutefois, lorsque la souche est protégée, ce qu'il est prudent de faire dans le Nord et l'Est de la France, elle émet facilement de nouvelles pousses. Quand le bouton terminal n'est pas détruit, la floraison est beaucoup plus précoce et plus certaine.

Il est utile de débarrasser les hortensias, avant l'entrée en végétation, des pousses faibles et de celles qui ont fleuri l'année précédente, mais les pousses vigoureuses, terminées par un gros bouton pointu, doivent être rigoureusement conservées, car celui-ci renferme la future inflorescence.

Dans les petits jardins, on peut faire avec les hortensias de magnifiques corbeilles ou des lignes superbes sur le devant des massifs d'arbustes. Des groupes plus ou moins importants ont encore leur place sur les pelouses.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°665 Juillet 1952 Page 419