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Le contrôle de la vinification

Le mois dernier, nous avons cité les principales dispositions du Code du vin, pouvant intéresser les producteurs.

Dans la présente étude, nous allons décrire très succinctement les divers appareils que le vigneron peut avoir à sa disposition pour contrôler son moût et son vin.

Qu'on nous comprenne bien : les appareils que nous allons présenter ne doivent pas servir à corriger un moût ou un vin douteux en vue de l'introduire dans le commerce et de se placer ainsi en marge de la loi.

Ces appareils ont uniquement pour but de déterminer le moment des vendanges, de surveiller la vinification ainsi que les vins en cave. C'est tout.

Les vins s'achètent d'après la dégustation et au degré-hecto, et certains esprits diront qu'il n'est pas besoin d'acheter des appareils puisqu'ils sont toujours sûrs de vendre leurs produits.

Nous avons écrit plusieurs fois dans ces colonnes que nous nous dirigeons vers la surproduction et qu'il s'agit de produire des vins de qualité si on ne veut pas qu'ils aillent à la distillerie ou à la vinaigrerie.

Les appareils mis à la disposition du vigneron sont de très ancienne date, ils ont suivi les procédés d'analyses et sont en service chez beaucoup de pharmaciens, chez les négociants et dans les grands chais.

Le premier en date de ces appareils est un densimètre applicable aux moûts, vins, alcools et autres produits.

Le densimètre est né du principe trouvé par le physicien-géomètre grec Archimède, qui vivait deux cent cinquante ans avant notre ère. Nous avons presque tous appris ce principe à l'école. Rappelons-le : tout corps placé dans un liquide reçoit de la part de ce dernier une poussée de bas en haut égale au poids du liquide déplacé.

Cette découverte a depuis régi les règles des constructions navales, elle a permis de déterminer avec précision la densité des corps solides et liquides ; enfin tous les pèse-moût, pèse-sirop, pèse-essence, pèse-lait, les aréomètres, alcoomètres, etc., sont basés sur le même principe.

Commençons par le moût. On a construit plusieurs modèles de pèse-moût qui se valent, mais le plus connu est celui qui porte le nom de mustimètre, c'est un instrument en verre, portant un flotteur cylindrique surmonté d'une tige graduée, et possédant à sa partie inférieure un lest assurant son équilibre.

Un thermomètre placé dans le flotteur permet de déterminer la température du liquide et de faire la correction nécessaire, car on sait qu'un liquide froid est plus dense que s'il est tiède.

L'appareil est livré avec une éprouvette (pour introduire le moût), dans une boîte transportable avec un tableau et le mode d'emploi.

L'appareil donne : la densité du moût, le degré Baumé correspondant, la richesse sucre en grammes par litre et le degré probable d'alcool qu'on pourra obtenir.

Il existe aussi un modèle avec la graduation Œschlé pour les vins d'Alsace.

Cet instrument permet de suivre la maturité du raisin (un modèle est transportable dans le vignoble). Il suffit alors de fouler un certain nombre de grappes, d'en extraire le moût par un moyen quelconque et de le peser ; on se rend compte ainsi du moment exact de la vendange. Le même appareil permet de suivre la marche de la vinification et de déterminer le moment du décuvage. (Le mustimètre doit alors marquer 1.000.)

Dans les vignobles (c'est presque toujours le cas) qui sont encépagés avec des plants ayant des époques de maturité différentes, il rendra de réels services.

Les indications du mustimètre seront judicieusement complétées par celle de l’acidimètre. En effet l'acidité du jus de raisin décroît avec la maturité, c'est-à-dire avec l'augmentation de la richesse en sucre de la pulpe. De même, lors de la fermentation en cuve, cette acidité décroît.

L'emploi des deux instruments est donc utile pour conduire rationnellement la vinification.

Comme appareil, on choisira de préférence le tube acidimétrique, plus commode d'usage.

Un autre dosage très ancien est celui de l'alcool, avec les usages commerciaux actuels, c'est le plus important.

Il est obtenu par deux procédés, celui de la distillation et l'ébullioscope.

Dans la distillation, on emploie un petit alambic, composé de trois parties : une chaudière en verre ou en métal, un serpentin réfrigérateur, et un tube appelé col de cygne reliant les deux premières parties.

On opère ainsi : à l'aide d'une mesure, on introduit un volume connu de vin dans la chaudière ; celle-ci, fermée, est reliée au serpentin, lequel doit être constamment alimenté en eau fraîche.

On chauffe à l'aide d'une lampe à alcool et on recueille une bonne moitié ou plus de la quantité de vin mise à distiller. L'opération terminée, le liquide incolore distillé, qu'on appelle le distillat, est amené au volume initial de l'échantillon de vin prélevé avec de l'eau froide ; après agitation, on verse le liquide dans l'éprouvette et on le pèse avec un alcoomètre, on fait la correction de température, celle du distillat est donnée par un thermomètre.

L'appareil est livré dans une boîte portative avec une notice explicative.

Le second appareil, l’ébullioscope, est d'un maniement plus simple, et ses résultats sont admis en matière de transactions commerciales.

Il est basé sur le principe suivant ; l'eau distillée à la pression atmosphérique de 750 millimètres bout à 100° C. Dans les mêmes conditions, l'alcool absolu bout à 78°,3 C. Quel sera le degré alcoolique d'un liquide (mélange des deux) bouillant par exemple à 82° C ?

L'ébullioscope est essentiellement constitué par une chaudière métallique qu'on peut fermer hermétiquement et qui est surmontée par un réfrigérant et par un thermomètre de précision divisé en dixièmes de degré, dont la cuvette plonge dans la chaudière.

Le procédé est simple : d'abord faire ce qu'on appelle le point d'eau ; pour cela, introduire dans la chaudière une quantité connue d'eau, ne rien mettre dans le réfrigérant ; lorsque la vapeur sort par le tube central supérieur, noter la température du thermomètre qui servira de repère à une règle à calcul, laquelle sera ensuite bonne pour la détermination des degrés alcooliques que l'on va déterminer par la suite.

On opère de même avec le vin à essayer ; on remplit d'eau le réfrigérant, et on note le nombre de degrés au sommet de la colonne de mercure ; le chiffre lu est reporté sur la règle qui donne en regard le degré alcoolique vrai.

Pour les vins, le degré alcoolique se complète par celui de l'acidité déterminée de préférence par le tube acidimétrique.

Pour ceux qui veulent également déterminer la richesse en calcaire de leurs sols, il existe un appareil mixte : le calcimètre acidimètre, qui n'est autre que le calcimètre de Bernard, connu et utilisé depuis longtemps. Par un changement de réactifs et avec une technique spéciale, il sert à déterminer l'acidité des vins.

Pour la bonne conservation de ceux-ci, il faut vérifier de temps en temps leur acidité volatile que le Code du vin fixe à un maximum de 1gr,5 par litre exprimé en acide sulfurique ; là encore un appareil portatif permet d'effectuer ce contrôle.

Pour les vins blancs, il est prudent de doser la teneur en anhydride sulfureux, dont la quantité ne doit pas excéder 450 milligrammes par litre. Un appareil spécial très commode d'emploi permet de faire rapidement ce dosage, il porte le nom de tube sulfuro-œnométrique.

Personnellement, nous estimons que les auteurs du Code du vin ont été très tolérants en limitant à 1gr,5 la quantité d'acide acétique par litre et à 450 milligrammes celle de l'acide sulfureux. Pour un dégustateur au palais délicat, ces doses maximum communiquent aux vins un goût assez spécial ; aussi nous insistons pour que ces doses ne soient jamais dépassées.

Terminons cet exposé en écrivant qu'il existe aussi des appareils portatifs pour le dosage du sucre, de l'extrait sec, du tanin en vue d’un collage, pour la recherche du plâtrage, le dosage des chlorures, enfin de la recherche du fer responsable de la maladie dite de la casse ferrique.

Tous ces appareils peuvent être mis dans les mains d'une personne soigneuse et intelligente.

Toutefois, pour l'exploitant ayant surtout l'habitude de tenir les mancherons, le sécateur ou le pulvérisateur, et dont les mains sont devenues malhabiles, il pourra être utilement remplacé par un membre de sa famille, un enfant, par exemple.

Avant de terminer, revenons sur ce que nous avons écrit dans l'étude : « Le mildiou au vignoble ».

Nous citions un nouveau traitement de produits mixtes : sulfure de cuivre, pentoxyde de vanadium et sulfate de cuivre.

Le marché va être approvisionné de produits organiques de synthèse ayant une efficacité semblable à la bouillie bordelaise à 2 p. 100, mais beaucoup plus faciles à préparer et ne bouchant pas les papillons ; citons l’éthylène bis-dithiocarbamate de zinc. C'est un nouvel anti-mildiou. Aux vignerons curieux de l'essayer.

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°665 Juillet 1952 Page 422