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Élevage

Allaitement artificiel des veaux

Dans les circonstances actuelles, où la production du lait a atteint, en 1951, 160 millions d'hectolitres contre 133 en 1938 et 76 millions seulement en 1945, l'allaitement artificiel des veaux ne s'impose pas tant que les difficultés d'exportation qui troublent le marché n'auront pas été supprimées ou, tout au moins, améliorées ; mais le procédé reste valable et rentable pour d'autres époques, où les conditions économiques seront changées.

Pour le pratiquer, qu'on utilise le lait pur et complet ou le lait écrémé et corrigé, l'allaitement se fait au baquet ou au seau, ou à l'aide d'instruments spéciaux, plus ou moins perfectionnés et pratiques, faisant office de biberons, dont il est plus facile d'assurer le parfait état de propreté. Certains veaux n'acceptent pas volontiers de boire au seau ou au baquet. Pour leur en faire prendre l'habitude, il faut leur présenter une petite quantité de lait dans un récipient assez vaste ; un aide place le doigt du milieu de la main droite dans la bouche du veau et, en même temps, lui appuie la main gauche sur la tête pour que ses lèvres soient en contact avec le liquide, qui ne doit pas entrer dans les naseaux, auquel cas l'animal ne pourrait ni boire ni respirer. L'agitation répétée du doigt dans la bouche du veau l'oblige à des mouvements de lèvres qui, progressivement, se transforment en aspirations, et le goût de la première gorgée avalée le décide bientôt à boire de ses propres moyens.

Le lait distribué doit être à une température aussi rapprochée que possible de celui qui sort de la mamelle : 37 à 39° ; s'il s'agit de lait complet, celui-ci doit être utilisé dès qu'il est trait, tandis qu'avec du lait écrémé il est nécessaire de le chauffer, voire de le réchauffer si besoin — car le veau boit lentement, — en s'assurant toujours qu'il n'a pas subi la moindre acidification, cause fréquente de diarrhées très préjudiciables à la croissance et à la santé du sujet.

La quantité de lait à faire prendre varie avec la race et l'âge de l'animal ; elle est, en moyenne, du sixième du poids vif, vers la fin de la première semaine, soit de 6 à 8 litres, et du huitième vers la fin du second mois, soit de 10 à 12 litres. Dès le début, la ration journalière est répartie en trois repas, réduits à deux à six semaines environ et, dans ces conditions, il est permis d'escompter une augmentation de poids vif de 800 grammes à 1 kilo pour 10 à 12 litres de lait consommés. Dans une récente réunion de l'Académie d'agriculture de France, dans le courant de mars, le professeur Letard a fait une communication sur le sevrage des veaux, tendant à la suppression complète du lait naturel à partir du quinzième jour de la naissance. Pendant les quinze premiers jours, on donne du lait entier à raison de 1 litre le premier jour, 2 litres le deuxième, en progressant jusqu'à 5 litres. Le quinzième jour, le lait naturel est supprimé et on donne, jusqu'au deuxième mois, du lait écrémé associé à une farine de complément, dont le commerce offre de nombreuses variétés. Cette méthode, d'après l'auteur, serait susceptible de donner d'excellents résultats pour la croissance des animaux, l'augmentation de leur poids, sans que leur état sanitaire — maladie et mortalité — s'en trouve affecté, et les éleveurs y trouveraient occasion de réaliser une économie pouvant s'élever à 50 p. 100 des dépenses de nourriture.

Nous voulons bien le croire, mais nous n'en pensons pas moins que les résultats obtenus seront certainement très irréguliers du fait de la variété de composition et de qualité de ces farines, qui ne méritent pas toutes les références que leur prodigue une publicité intéressée, et aussi de la manière dont elles seront utilisées.

Le plus souvent, c'est après huit ou dix jours seulement que beaucoup de cultivateurs se hâtent de remplacer, sans autre précaution, le lait entier par une quantité égale de lait écrémé tel qu'il sort de la turbine ou simplement additionné d'une poignée de farine d'orge ou de maïs. La farine ainsi ajoutée tombe au fond du seau ou baquet et on l'y retrouve quand le veau a cessé de boire. Si, pourtant, une certaine quantité de cette farine a été absorbée, elle se trouve dans un état tel qu'elle ne peut que nuire à la santé de ces jeunes animaux dont l'estomac et l'intestin ne sont pas encore capables de digérer semblable nourriture. Pour remédier à cet inconvénient, au lieu d'un simple mélange de lait et de farine, il faut préparer une véritable bouillie, analogue à celles qui sont faites couramment pour les enfants. Le lait écrémé nécessaire pour un ou plusieurs veaux étant séparé en deux parties égales, on en place une sur le feu en y ajoutant la quantité de farine appropriée et on fait bouillir le tout jusqu'à ce qu'on obtienne une bouillie bien épaisse, dont on évitera la formation de grumeaux en l'agitant fréquemment. À ce moment, on ajoute, toujours en tournant, l'autre quantité de lait écrémé froid mise de côté et le mélange se trouve ainsi ramené à une bonne température pour être utilisé immédiatement.

Cette manière de procéder fait gonfler les grains de farine, les rend plus digestes et les empêche de se déposer au fond du récipient dans lequel le lait est présenté.

En règle générale, et l'attention des cultivateurs doit être spécialement en éveil à ce sujet, la dose de 40 grammes de farine par litre de lait écrémé ne doit pas être dépassée, car elle devient indigeste et provoque de la diarrhée. D'autre part, il faut observer aussi que la substitution de cette bouillie au lait doit être faite petit à petit, progressivement, dans l'espace de quatre à six jours. Si, parmi les régimes artificiels capables de remplacer le régime lacté naturel, celui du lait écrémé est le plus répandu, il en existe beaucoup d'autres (petit-lait des fromageries, thé de foin, décoction de céréales. associés à des farines diverses, grains moulus, tourteaux, etc.) qui sont également recommandables selon les circonstances — les moyens du bord et le but recherché — que nous passerons en revue prochainement en signalant leurs avantages respectifs.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°665 Juillet 1952 Page 424