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Au rucher

Nourrissement d'août

Il est communément admis à présent que la saison apicole commence en août et non au printemps seulement. En d'autres termes, c'est dès le mois d'août que l'on doit préparer les colonies afin de les avoir en pleine force pour la miellée.

En effet, nous savons que ce sont les abeilles nées à la fin de l'été qui sont chargées du premier élevage, donc du démarrage de la ruche, par conséquent, à part la valeur de la reine, c'est du nombre d'abeilles nées tardivement que dépend la puissance de développement printanier. Nous en avons eu un exemple cette année même dans notre région du Sud-Ouest : le temps assez pluvieux de l'été 1951 a maintenu une floraison tardive exceptionnelle et la reine est restée en ponte hors saison ; comme résultat, des ruches bondées d'abeilles et de provisions — là où la reine était normale, bien entendu, — donc un excellent hivernage et un bon départ dès les premiers beaux jours.

Comme, malheureusement, ces miellées tardives sont assez rares chez nous, il est nécessaire de remplacer la nature en donnant un nourrissement en août afin de provoquer la ponte tardive désirée. Mais, attention, il faut d'abord compléter les provisions hivernales par doses massives de sirop concentré ou mieux de miel, l'idéal étant des cadres operculés, et ensuite on provoque la ponte de la reine par une nourriture liquide de sirop à petites doses d'environ 300 grammes, distribué tous les trois jours pendant au moins deux semaines. Il faut s'y prendre assez tôt pour que les abeilles aient le temps d'utiliser le sirop liquide avant les premiers froids et ne pas risquer de provoquer la dysenterie dans la colonie traitée.

Le nourrissement destiné à compléter les provisions doit être épais, soit environ un tiers d'eau et deux tiers de sucre, donné le soir dans des nourrisseurs à raison de 1 kilogramme par jour, à défaut de cadres de miel operculé, qui doivent être utilisés de préférence, lorsque cela est possible, et ceci jusqu'à ce que la nourriture emmagasinée soit suffisante pour arriver à la prochaine récolte si on ne veut pas nourrir également au printemps. Le nourrissement qui doit provoquer une nouvelle série de ponte doit, au contraire, être assez dilué, soit, en poids, autant d'eau que de sucre ou, mieux, de miel pour imiter une miellée. Réduire les entrées lorsqu'on nourrit en dehors de la miellée pour éviter le pillage.

À fin août, sauf en pays de récolte tardive, il faut que la ruche soit bien garnie de miel, car la consommation ne sera plus compensée par de nouveaux apports et il ne faut pas se leurrer en pensant que le peu qui s'y trouve quelquefois suffira pour traverser la mauvaise saison ; on s'expose à des déceptions lors des premières sorties si l'on raisonne ainsi, et l'apiculteur fera alors son mea-culpa lorsqu'il trouvera des colonies mortes de faim ; comme nous l'avons souvent dit, les abeilles ne consomment pas plus qu'elles ne doivent le faire et rendent largement les avances qu'on leur fait.

Par le nourrissement dit spéculatif de fin d'été, on assure un développement précoce de la colonie ce qui lui permet de profiter au maximum des premières miellées d'arbres fruitiers et d'aborder la grande miellée avec un fort contingent de butineuses, lesquelles assureront une récolte pour peu que le temps s'y prête.

La réussite en apiculture peut se résumer en quelques mots : n'avoir que des ruches fortes. Or ce résultat est obtenu d'abord par la valeur de la reine et ensuite par une quantité suffisante de provisions de manière que cette dernière puisse donner libre cours à sa ponte. N'oublions jamais, en effet, que la reine règle sa ponte selon la quantité de nourriture accumulée dans la ruche et le nombre de nourrices. Il faut qu'elle nage dans l'abondance, et alors, à moins d'une non-valeur, vous pouvez être certain de trouver du couvain en plaques serrées, lequel, à son tour, donnera les nombreuses butineuses nécessaires lors de la miellée.

Il est des cas où le nourrissement stimulant n'est pas indispensable, c'est lorsque le corps de ruche est bondé de rayons de miel ; on se contentera de désoperculer quelques cadres des extrémités ; l'effervescence obtenue par ce moyen suffira pour que la reine soit amenée à augmenter suffisamment sa ponte et obtenir ainsi de jeunes abeilles pour l'hivernage.

Nous préconisons en principe de ne pas ajouter d'ingrédient quelconque à la nourriture, notamment de l'acide tartrique, qui risque de faire périr vos colonies, malgré ce que certains conseillent. Le plus simple est de faire bouillir le sirop auquel on ajoutera un peu de miel pour éviter la cristallisation si on a employé le sucre pour sa fabrication. Le seul produit que nous ajoutons est le formol, à raison de 5 gouttes par kilogramme de préparation à titre de désinfectant ; à ce taux, il n'y a aucun risque. Nous procédons ainsi depuis de longues années sans aucun ennui.

Si l'on a laissé arriver le mois d'octobre, il est trop tard pour compléter les provisions avec du sirop liquide ; dans ce cas, nous utiliserons le candi, dont la formule a déjà été donnée dans le numéro d'octobre 1950 ou, mieux, avec des cadres de provisions si vous avez le bonheur d'en posséder. Avec la ruche Langstroth et les autres divisibles, il est toujours facile d'avoir des cadres de miel en réserve, tandis que ceux qui ont des Dadant ou des Voirnot n'ont pas cette chance. Voici donc un moyen très simple pour en obtenir : choisir une ou plusieurs ruches très fortes selon les besoins présumés et, en mai, au lieu de poser une hausse, placer un corps de ruche entier ou encore pratiquer le plan Demarie, toujours sur de puissantes colonies ; vous aurez ainsi un certain nombre de cadres pleins qui vous seront d'un grand secours le moment venu avec l'avantage d'une opération facile et rapide pour compléter les provisions des ruches faibles et la certitude de donner une nourriture saine et naturelle.

R. GUILHOU,

Expert apicole.

Le Chasseur Français N°665 Juillet 1952 Page 427