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Philatélie

Les timbres de fantaisie

Depuis les premières émissions de timbres dans le monde, depuis, surtout, qu'il existe des philatélistes, on a vu bien souvent éclore, en de nombreux pays, des figurines n'ayant de postal que leur aspect et que les collectionneurs, dans la crainte de les voir accaparer et devenir introuvables, se sont empressés d'acquérir sur-le-champ.

Généralement nées à la faveur de circonstances irrégulières, ces figurines doivent, la plupart du temps, leur origine à de plus ou moins authentiques célébrités. Mais quelquefois ce ne sont que carottes tirées par d'ingénieux escrocs, désireux de réaliser des gains faciles en abusant de la bonne foi des amateurs novices, à moins qu'il ne s'agisse simplement des fruits de l'imagination d'aimables plaisantins.

Nous sommes ici dans le domaine des timbres de fantaisie. S'ils n'ont aucun caractère officiel, si, de ce fait, ils ne sont pas catalogués et ne peuvent trouver place, dans les albums, auprès des véritables timbres-poste, ces timbres n'en présentent pas moins, souvent, un réel intérêt de curiosité, qui les fait rechercher, en « à côté » de la collection normale, par de nombreux spécialistes.

Les timbres de l'Office Lorin, ce bureau de messageries de la rue Saint-Lazare qui, pendant la Commune de Paris, se chargea de l'acheminement des correspondances à destination des départements et de l'étranger, bien que résultant de l'initiative privée, étaient néanmoins autorisés par l'Administration. Au nombre de trois — un 5 c. pour les imprimés, un 10 c. pour les lettres simples et un 50 c. pour les chargements — ces timbres, qui portaient en leur centre les armoiries de la capitale, avaient leur partie supérieure seule gommée.

Les plis remis au bureau devaient être revêtus à la fois d'un affranchissement normal et de l'une des figurines de l'office. Celui-ci les déposait à la poste de Saint-Denis, après avoir détaché la partie flottante de la vignette pour établir sa comptabilité. Trois timbres-taxe, aux mêmes valeurs de 5 c., 10 c. et 15 c., auxquelles s'ajoutait le montant de l'affranchissement ordinaire et, s'il y avait lieu, celui d'un avis, étaient également en usage pour les lettres en provenance de la province et de l'extérieur.

Des fantaisies, plus ou moins réussies, ont été réalisées sur les modèles des timbres Lorin. Souvent dentelées, alors que les figurines authentiques ne le sont pas, elles se présentent parfois avec des variantes, comme : « Lettre », au bas d'un 50 c., « Imprimé », au bas d'un 10 c. Certaines portent des mentions telles qu'« Office Lorin », « Ballon monté » ..., d'autres n'ont pas d'inscription du tout. Durant la Commune, on vit d'ailleurs fleurir encore diverses figurines qui n'eurent jamais une utilisation postale.

En 1873, le Comte de Chambord, en faveur duquel des préparatifs avaient eu lieu en vue de sa proclamation, par l'Assemblée nationale, comme roi de France sous le nom de Henri V, déçut ses propres partisans en déclinant une restauration qui aurait fait litière des principes dont il s'affirmait le représentant.

C'est pour sa propagande que l'on grava à ses traits — de façon médiocre, du reste — une vignette sur laquelle figure l'inscription : « Postes – France - Postes » et qui, non dentelée ou dentelée, fut tirée, avec la valeur de 10 c., en rouge et en orangé, et avec celle de 15 c., en bleu, lilas, rouge, vert, brun, noir.

L'année suivante, une fantaisie macabre dentelée, assurément destinée à la lutte antirépublicaine, se montra, représentant, soigneusement imprimée en taille-douce, en noir sur papier blanc glacé, une tête de mort placée au-dessus des ailes d'un vampire. Cette fantaisie, œuvre du graveur Rops, porte la légende : « République Française – 1874 » et la valeur : « 1 Ce ».

Le général Boulanger qui, en 1887, avait été congédié du ministère de la Guerre, groupa autour de lui, en tant que chef du parti nationaliste, tous les mécontents. Sa popularité se traduisit, au cours d'élections partielles, par de véritables plébiscites, dont le dernier, dans le département de la Seine, fut un triomphe. Cependant le gouvernement, exploitant ses hésitations, le menaça d'arrestation. Il s'enfuit en Belgique, où il se suicida.

Une série de timbres en lithographie, qui sans doute auraient eu un usage officiel si la tentative de dictature de Boulanger avait réussi, fit à l'époque son apparition.

Imprimée en Allemagne, cette série était formée de onze figurines — de 1 centime à 20 francs — non dentelées et dentelées sur papier blanc et sur papier teinté, au portrait du général uniformément tiré en gris à l'intérieur d'un médaillon ovale, et dont le fond, où se lit en haut : « Poste Française », varie de couleur avec chacune des valeurs.

Une seconde série de timbres reproduisait le groupe allégorique de Sage, le buste de Boulanger, de dimension minuscule, y remplaçant le chiffre dans le cartouche et la valeur étant imprimée dans la partie supérieure, en surcharge noire.

On trouve en d'assez nombreuses couleurs des vignettes non dentelées et dentelées, au profil de Napoléon 1er, se détachant sur le fond plein d'un cercle perlé, semblable, dans son encadrement, à celui de nos premiers timbres français. Ces vignettes, qui ne renferment pas de valeur, mais seulement la légende : « Empire Français-1804-1814 », furent éditées, en 1896, à l'occasion de la visite du Tsar en France et vendues ensuite aux Invalides, où elles étaient frappées d'un cachet circulaire contenant la mention : « Tombeau de Napoléon - Invalides ».

Notons ces figurines rappelant, comme celles d'une des séries Boulanger, le timbre de J.-A. Sage, et qu'une maison parisienne employa, vers 1900, pour sa publicité. Elles portent l'inscription : « Parfumerie du Ministère des Postes et Télégraphes - Déposé 1,25 ». Inscription osée, abusive à coup sûr, qui amena la saisie du stock et même provoqua un procès de l'Administration contre des commerçants trop ingénieux !

1906, année de la réduction à 10 c., depuis si longtemps demandée, de la taxe des lettres ... En commémoration de cette décision populaire, une petite vignette vit le jour, qui représente le Président Fallières. Entourée de la légende : « République Française - Postes - 10 cent. », elle existe en rouge sur papiers blanc, bleuté, jaune et verdâtre.

Quand, en 1914, le Gouvernement belge se réfugia au Havre, un projet de timbre-poste fut proposé par un comité, en vue de l'émission dans cette ville d'une série de figurines avec surtaxe, dont le montant serait allé aux familles belges nécessiteuses. Cette émission ne put être officiellement réalisée. Cependant, on effectua de petits tirages, et c'est ainsi que l'on rencontre, à l'effigie du roi Albert 1er, encadrée du lion belge et du coq gaulois, des timbres non dentelés et dentelés, de diverses valeurs — de 5 c. à 10 fr. — imprimés en des couleurs variées, les uns portant la date : « Août 1914 » et les autres : « Postes 1914 ».

Citons encore cette vignette, parue pendant la dernière guerre mondiale, où le profil, d'un dessin malhabile, du général de Gaulle, figure à la place de l'effigie de Pétain, dans le cadre du timbre de 1 fr. 50, au type Bersier.

Dans le domaine des timbres de fantaisie, en ce qui concerne la France seulement, le champ qui s'offre au curieux ne manque pas, on le voit, d'être assez vaste. D'autant plus qu'à ce domaine se peuvent rattacher les projets de timbres-poste, d'origine privée, qui, à titre d'essai, firent l'objet d'un tirage. Mais les recherches sont ardues, les trouvailles rares, certaines pièces ne se rencontrant que par un hasard heureux dans les carnets de circulation des érinnophiles, ces passionnés amateurs de vignettes non postales. Ce qui n'est pas pour diminuer l'attrait de leur collection.

DRAIM.

Le Chasseur Français N°665 Juillet 1952 Page 441