Lorsque nous avons, dans ces causeries, entretenu nos
lecteurs des conditions dans lesquelles il convenait de se placer pour utiliser
au mieux armes et munitions, nous avons presque toujours envisagé le cas où le
chasseur se déplace et a pour objectif un gibier dont la nature et la distance
peuvent varier à chaque instant.
Mais il est encore d'autres occasions de faire parler la
poudre utilement ; tous les chasseurs connaissent l'affût aux nuisibles
avec l'aide du grand-duc, empaillé ou vivant, la chasse au poste, délassement
très apprécié dans certaines régions, et l'affût aux grives et aux pigeons,
lors des passages.
On objectera que ces exercices ne sont pas de la chasse,
puisqu'il n'y a pas recherche du gibier, mais ils constituent d'excellents
exercices de tir raisonné et, à ce titre, nous nous proposons aujourd'hui
d'examiner les meilleures conditions balistiques à utiliser.
En ce qui concerne l'affût pratiqué avec usage du grand-duc,
faisons tout d'abord connaissance avec nos objectifs les plus courants. On sait
que la clientèle du grand-duc se compose de trois groupes bien distincts,
principalement au point de vue de la taille et du poids.
En premier lieu les corbeaux, le geai et la pie, trois
compères dont tous nos lecteurs connaissent bien les caractéristiques ;
les variétés de corbeaux qui viennent bien au leurre sont les moins lourdes,
mais elles sont particulièrement dures à tuer ; les pies et geais sont de
faible poids et tombent facilement.
En second lieu, nous avons le groupe des petits rapaces diurnes,
poids légers :
Petit épervier commun |
Taille moyenne |
33 cm., |
envergure |
65 cm. |
Crécerelle |
— |
35 cm., |
— |
44 cm. |
Hobereau |
— |
32 cm., |
— |
82 cm. |
Enfin les gros rapaces sont représentés par :
Le busard St-Martin |
Taille moyenne |
47 cm., |
envergure |
115 cm. |
La buse vulgaire |
— |
63 cm., |
— |
150 cm. |
Le gros busard |
— |
58 cm., |
— |
135 cm. |
Nous ferons remarquer, tout d'abord, qu'à égalité de taille
une plus grande envergure est un facteur supplémentaire de vulnérabilité par
rupture des humérus. Pour le reste des autres blessures possibles, l'énergie
destructrice à fournir à chaque projectile pour en obtenir la touche
pénétrante, mortelle une fois sur cinq, varie avec la masse individuelle comme
dans le cas de tous les autres gibiers. En l'absence de détermination précise
des coefficients de vulnérabilité propres aux espèces ci-dessus, nous pouvons
admettre que ceux des petits rapaces, de la pie et du geai sont au-dessous de
celui de la perdrix et ceux des autres oiseaux doivent être de la valeur de
celui du faisan.
Nous allons d'ailleurs montrer que les conditions dans
lesquelles on opère conduisent à disposer en pratique d'un excès d'énergie
destructrice.
Il est généralement admis par les spécialistes que, dans
l'organisation de la destruction des nuisibles au grand-duc, le leurre doit
être placé à une vingtaine de mètres de la hutte. Étudions, dans ces
conditions, le comportement d'une cartouche moyenne, calibre 16, charge en
plomb n°8.
À la distance envisagée, chaque grain possède une énergie
destructrice de 0kg,180, c'est-à-dire plus que suffisante pour la
pie, le geai et toute la série des petits rapaces. En ce qui concerne le
groupement, un canon cylindrique mettra utilement la moitié de sa charge dans
un cercle de 0m,52, représentant 21 décimètres carrés. Nous aurons
ainsi environ 10 plombs par décimètre, ce qui constitue un groupement plus que
suffisant.
Avec le même calibre chargé en plomb n°6, nous disposerions
d'une énergie de 0kg,400, surabondante sur les plus gros oiseaux,
avec une densité de plus de cinq plombs au décimètre, donc très suffisante à
cette distance. La même cartouche, tirée en canon choke, nous donnera un excès
de puissance pour des parties plus grandes, en assurant encore un groupement
suffisant une quinzaine de mètres plus loin.
C'est pourquoi nous pensons que l'on aurait avantage, dans
la plupart des cas, à placer le leurre à 25 mètres minimum de la hutte et à
employer le plus souvent possible le plomb n°8, réservant la cartouche de n°6
aux gros oiseaux qui passent franchement au delà du leurre. Dans la pratique,
les spécialistes que nous avons eu l'occasion de consulter se déclarent
satisfaits de la combinaison 6 et 8. En réalité, les oiseaux à détruire se
classent un peu par espèces, en raison de l'époque des passages, et la
consommation des munitions probables en découle naturellement.
Enfin l'emploi des forages choke et demi-choke est un motif
supplémentaire de placer le leurre un peu plus loin.
Avant d'en terminer avec ce genre de chasse, il nous reste
un point sur lequel nous désirons attirer l'attention de nos lecteurs. On sait
qu'indépendamment de la mise en place d'un leurre il est très utile d'avoir à
proximité de la hutte un arbre de faible hauteur, aussi dénudé que possible,
dit arbre de pose. Il est d'ailleurs beaucoup plus facile d'amener sur le
terrain quelque végétal bien choisi que de compter sur ceux que peut fournir le
paysage. On aura avantage à le placer un peu plus près que le leurre, de telle
manière que les oiseaux qui viendront s'y poser (pies et geais principalement)
tournent le dos à la hutte en regardant le grand-duc. Nous en profiterons pour
les détruire commodément.
Il est bien inutile, en effet, pour tuer un oiseau très
visible, placé à 20 mètres, d'employer une cartouche calibre 16 en faisant
ainsi du bruit bien malencontreux. Une petite carabine fera parfaitement notre
affaire et, en ce qui concerne le calibre, nous donnerons la préférence à la
munition Bosquette 6 millimètres ordinaire, ou à balle ogivale. On pourra
employer également la 22 conique. Les munitions 22 short et 22 L. R. sont
trop puissantes et traversent l'oiseau sans le faire tomber à coup sûr. En
outre, la 22 L. R., tirée sous des angles correspondant à la hauteur de
l'arbre de pose, possède une trajectoire assez tendue et d'une portée
considérable pouvant donner lieu à des accidents.
Cette destruction à la muette augmentera certainement le
tableau ; il ne nous sera pas interdit, en outre, de surveiller les arbres
des environs, s'il y en a, et d'en descendre ce qui pourra venir s'y percher en
supplément. Les jours de grand passage, si notre hutte est assez vaste, nous
pourrons charger quelque camarade de prendre en main la carabine.
Ainsi pratiquée, la chasse à la hutte gagne en intérêt
sportif et voit son rendement sensiblement augmenté.
Dans le même ordre d'idées, nous terminerons par quelques
mots sur les munitions destinées au tir des gibiers posés sur des arbres
élevés, de hauteur bien connue. C'est le cas, par exemple, de la chasse aux
grives pendant l'hiver, alors qu'elles abondent dans les touffes de gui qui
garnissent certains hauts peupliers. Le tir à balle serait bien tentant, mais
il nous a toujours paru d'un faible rendement exécuté à bras francs sur un
objectif aussi petit que la grive.
En outre, l'oiseau se trouve souvent protégé par les
brindilles environnantes, nécessitant l'emploi d'un plomb plus gros que celui
qui répond exactement à la masse de la grive. Il convient donc de rechercher
ici le groupement serré d'une cartouche ordinaire (la grive le vaut bien) et de
s'assurer par quelques tirs en cible, à distance égale à la hauteur des arbres
(1), que la densité du groupement est suffisante ; en général, le n°8
conviendra bien jusqu'à 30 mètres, ce qui constitue une bonne distance, compte
tenu de l'obliquité possible du tir.
Nous pouvons également recommander le n°6 sur le pigeon
ramier. Sur ce dernier gibier, le tir à balle aurait quelque chance de succès
si la visibilité était suffisante, ce qui n'est pas toujours le cas.
Nous serions heureux si quelques-uns de nos lecteurs
trouvaient dans ces notes l'occasion de perfectionner leurs méthodes de chasse.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
(1) Nous rappelons que la dispersion est la même en tir
vertical ou en tir horizontal, à égalité de distance.
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