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La licence de camping

Une des questions qui m'est le plus fréquemment posée est la suivante :

« Je désire faire du camping : la possession de la licence est-elle obligatoire ? »

Avant de répondre, il s'agit de préciser ce que l'on entend par « licence de camping ». Pour cela, il me faut faire un peu d'historique.

Avant 1936, aucune réglementation de la pratique du camping n'existait en France, à l'exception toutefois de celle qui avait été instaurée par l'administration des Eaux et Forêts. À cette époque, on ne pouvait camper en forêt domaniale qu'à certains emplacements désignés et après en avoir sollicité l'autorisation de l'officier des Eaux et Forêts local, par demande écrite, formulée au moins huit jours à l'avance. De plus, une perception de un franc par mètre carré et par jour (avec trois francs de minimum par jour et par tente) était opérée par le garde forestier.

Des facilités furent bientôt données aux campeurs membres de clubs spécialisés.

L'administration accorda tout d'abord la gratuité, puis, à partir de 1936, autorisa les membres de certains clubs à s'installer sur les emplacements désignés, sans autorisation préalable. Le T. C. F. bénéficia le premier de cette mesure, suivi, un mois après, par le Camping Club de France. Ensuite d'autres associations obtinrent le même avantage, Auto-Camping et Caravanning Club de France, Club Alpin Français, Canoé Club de France, etc. ...

Cela facilita beaucoup la pratique du camping dans les forêts domaniales, mais compliqua la tâche des préposés forestiers. Car chaque club avait sa carte et sa licence de camper particulières.

Aussi, lorsque, en 1939, fut fondé l'Union Française des Associations de Camping (l'actuelle Fédération Française de Camping et de Caravanning), une de ses premières réalisations fut de créer une licence unique. Mais, comme les clubs tenaient à garder leur propre carte, il fut décidé que la licence fédérale aurait la forme d'un timbre destiné à être collé sur la carte des clubs affiliés à l'U. F. A. C.

D'autre part, depuis 1936, trois clubs avaient souscrit une assurance pour garantir leurs membres contre les accidents causés aux tiers. Le Touring Club de France, le Camping Club de France, l'Auto-Camping et Caravanning Club de France. La nouvelle licence fédérale comporta obligatoirement l'assurance contre ces mêmes risques.

À l'heure actuelle, la licence de camping est donc constituée par la carte d'un club membre de la Fédération Française de Camping et de Caravanning, revêtue de la vignette-timbre fédéral, les deux — carte et vignette — au millésime de l'année en cours.

La question souvent posée : « Faut-il, pour camper, avoir la licence ? » revient donc à celle-ci : « Faut-il, pour camper, faire partie d'une association fédérée ? »

À cette question, je répondrai en toute franchise : « Non ; administrativement, dans l'état actuel de la législation, il n'est pas obligatoire, sauf dans les forêts domaniales, de posséder la licence pour camper, mais c'est l'intérêt du campeur de posséder cette licence, et c'est un intérêt majeur pour le propriétaire du terrain que de n'accepter que des campeurs licenciés. »

Intérêt du Campeur.

— C'est l'intérêt du campeur, comme c'est l'intérêt de l'automobiliste, d'être assuré contre les risques d'accidents et d'incendie causés aux tiers.

Outre le fait qu'il pourra ainsi camper dans les forêts domaniales — et il y en a un très grand nombre en France — aux emplacements désignés, il devient de plus en plus courant de rencontrer des camps organisés par des municipalités, des syndicats d'initiatives, des particuliers ou des clubs où la possession de la licence fédérale est obligatoire.

D'autre part, pour le camping à l'étranger, la carte de présentation internationale et la carte de l'A. I. T. ne peuvent être délivrées que par des associations membres de la F. I. C. C. ou de l'A. I. T. Or ces associations sont toutes habilitées à délivrer des licences. (À titre d'exemple, un club français ne peut adhérer à la F. I. C. C. s'il n'est pas membre de la F. F. C. C.).

Enfin, le fait d'avoir la licence entraîne le campeur à faire partie d'une association spécialisée. Et c'est là un avantage précieux.

Loin de moi l'idée que le campeur ne doit participer qu'aux activités d'un club et ne prendre part qu'à des sorties collectives et organisées. Je respecte trop la liberté individuelle pour comprendre tous ceux qui désirent camper en isolés. Mais c'est l'intérêt de ceux-là même de se grouper pour défendre leurs intérêts généraux.

En plus des avantages fournis par les clubs — service d'une revue ou d'un bulletin, documentation sur les camps et les itinéraires, soirées de projections, conférences, sorties hebdomadaires, location de terrains privés, etc., etc. ..., — le campeur doit penser qu'il y a des intérêts généraux à défendre vis-à-vis des pouvoirs publics, ou simplement des adversaires du camping.

Mon grand ami Léon Vibert, un des pionniers du camping français, campeur sauvage par excellence, écrivait en 1937 :

« Se grouper pour soutenir un droit, obtenir quelque faveur, défendre ce que l'on croit utile, beau, juste, profitable, est aujourd'hui une nécessité de l'homme. L'isolé, dans nos sociétés modernes, risque fort d'être bousculé, bafoué et écrasé. Or le camping, surtout depuis qu'il a fait des progrès dans la classe ouvrière et la petite bourgeoisie, a des revendications à présenter ... Nul mieux que le comité élu d'un club ne peut se substituer aux citoyens pour obtenir satisfaction ... Les parlementaires, les ministres prêtent une grande attention à ceux qui parlent au nom de cent mille personnes. Il en est de même pour le camping.

» À un autre point de vue, l'adhésion à un club permet à un campeur de rencontrer, de temps en temps, des gens qui ne sont pas de votre milieu, de votre profession, du cercle de vos relations habituelles et qui peuvent devenir de vrais et bons amis ...

» Un club ne vous oblige pas à abandonner votre personnalité : il ne vous demande jamais d'abdiquer votre liberté : il constitue un lien puissant et utile entre des campeurs qui désirent satisfaire les mêmes goûts. »

Je n'ai rien à ajouter à ces lignes, qui expriment, mieux que je n'aurais pu le faire, toute ma pensée à ce sujet.

Intérêts des propriétaires de terrains.

— Pour les propriétaires de terrains, communes, sociétés commerciales ou particuliers désireux d'accueillir des campeurs, la question ne se discute même pas. Leur intérêt évident est de recevoir des gens éduqués, aussi bien dans le sens habituel du mot qu'au point de vue technique du campeur, et des gens solvables dans le cas où un accident arriverait.

Certes, il s'est créé depuis peu des camps strictement commerciaux, dont les propriétaires ne pensent qu'à s'enrichir vite et aux moindres frais au dépens des campeurs. Et ceux-là seront bien tentés de recevoir le maximum de « payants », sans s'inquiéter s'ils sont ou non membres d'un club.

C'est humain, mais je suis sûr qu'au bout d'une saison ou deux tout le monde aura compris quelle sécurité représente un bon campeur ...

Car beaucoup de ces camps sont, hélas ! comparables à l'ancienne zone de Paris et sont appelés à être interdits par mesure d'esthétique et d'hygiène.

C'est donc l'intérêt de tous d'aider les clubs à former de vrais campeurs, et cela est possible en exigeant la présentation de la licence de camper ...

Jacques-J. BOUSQUET,

Président du Camping-Club de France.

Le Chasseur Français N°666 Août 1952 Page 479