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Travaux d'été

La motorisation constitue un progrès considérable de la technique agricole, susceptible d'assurer une augmentation des rendements, sinon par elle-même, du moins en permettant d'exécuter, et cela au moment le plus favorable, des travaux auxquels l'agriculteur devait trop souvent renoncer faute de temps, ou de moyens, à l'époque de la traction animale.

Les moissons se font maintenant dans des conditions de rapidité qui auraient paru utopiques à la fin du siècle dernier et la moissonneuse-batteuse a, en maints endroits, détrôné la lieuse qui constituait, il n'y a pas si longtemps, le dernier mot du progrès.

Le temps ainsi gagné a permis de généraliser les déchaumages, qui jouent un rôle important dans l'amélioration des techniques culturales. Leur rôle est multiple. Ils servent d'abord et surtout à contribuer au nettoiement du sol.

De nombreuses plantes adventices ont végété en même temps que les céréales et, à la moisson, ont échappé à l'action des machines. Il ne faut pas les laisser mûrir. D'autres, plus précoces, ont déjà disséminé leurs graines, qui doivent être détruites le plus tôt possible. Le déchaumage, en retournant la couche superficielle du sol, anéantira cette végétation inopportune et favorisera la germination et la levée de ces graines dont la production sera détruite par les labours d'automne.

On ne saurait négliger ce procédé de destruction des adventices sous prétexte qu'on dispose maintenant de moyens de lutte inconnus autrefois, comme les colorants nitrés et les hormones végétales. La lutte contre les mauvaises herbes ne souffre pas de relâchement et des champs propres restent à la base des gros rendements.

Le déchaumage doit rester superficiel, trois à cinq centimètres, sous peine de manquer son but. En augmentant la profondeur, on risquerait d'enterrer trop profondément les graines, qui ne germeraient pas dans les jours suivants et se trouveraient ramenées en surface lors des labours subséquents. C'est alors qu'elles se développeraient, ce qu'on veut précisément éviter. De toute façon, le déchaumage n'assurera pas la destruction de toutes les plantes, ce serait trop beau ; il en fera cependant périr beaucoup. Trop profond, le déchaumage deviendrait aussi trop coûteux et trop lent. Une déchaumeuse à disques tractée retourne dans une journée normale de huit heures six hectares environ ; avec la traction animale, on ne retourne guère plus d'un hectare et demi dans le même temps. Il s'agit cependant, dans un cas comme dans l'autre, d'un travail rapide, en rapport avec la superficie de l'exploitation.

Le déchaumage doit s'effectuer le plus tôt possible après l'enlèvement des récoltes, alors que la terre bénéficie encore de la protection qui lui était assurée par la céréale et n'a pas encore reçu trop directement l'action du soleil. Elle est alors moins dure qu'elle ne le serait quelques jours après et l'eau n'en a pas été évaporée, considération qui a son importance puisqu'un des buts secondaires, mais non négligeable, du déchaumage est précisément de conserver l'eau du sol, d'une part en rompant la capillarité qui fait remonter l'eau des couches profondes jusqu'à la surface, d'où elle s'évapore, d'autre part en facilitant la pénétration des eaux de pluie, qui se fait plus facilement en sol meuble qu'en sol tassé.

Un autre effet favorable du déchaumage est de préparer et de faciliter les labours d'automne, qui s'attaqueront à un sol moins compact et déposeront au fond de la raie une terre déjà émiettée.

On a pu se demander ce qu'il convenait de faire quand on avait utilisé la moissonneuse-batteuse, et si la hauteur des chaumes restants n'allait pas rendre l'opération impossible. Incontestablement, ceux-ci constituent une gêne et la tentation a été grande de les détruire, si grande que beaucoup y ont cédé et qu'on peut voir en divers côtés des fumées s'élever dans les champs, la moisson terminée. On ne saurait trop protester contre ce procédé qui n'a pas sa raison d'être, car il existe des déchaumeuses spécialement conçues pour l'enfouissement des chaumes laissés par la moissonneuse-batteuse et qui donnent satisfaction aux usagers. Il a été reconnu, en outre, que la paille ainsi enfouie dans le sol donnait par la suite un excellent humus, qu'il serait bien malheureux de laisser perdre.

La diminution du taux d'humus des terres n'est pas immédiate, ou du moins ne fait pas sentir immédiatement ses effets ; les rendements n'en sont affectés que lentement. Elle se traduit cependant progressivement par une augmentation de l'effort de traction demandé par les instruments de travail du sol et par une baisse de productivité. Si les inconvénients sont lents à apparaître, le remède est lent à agir et les apports de matière organique ont d'autant moins d'effet immédiat que le taux d'humus est plus faible, par suite de l'activité microbienne ralentie. De toute façon, il n'y a aucune raison de détruire ces pailles qui sont sur place et qu'il suffit d'enfouir dans le sol qui les a portées.

D'autres travaux s'imposent pendant l'été. Rappelons la nécessité des pulvérisations contre le mildiou de la pomme de terre. Les dégâts causés par cette maladie, contre laquelle il fut si difficile de traiter en 1951 en raison des pluies presque quotidiennes de l'été, sont trop connus et trop considérables pour qu'il soit nécessaire d'insister sur l'importance de cette lutte. Ajoutons-y celle contre le doryphore, qui n'a pas anéanti la culture de la pomme de terre, comme on l'avait craint il y a vingt ou vingt-cinq ans, mais qui ne reste pas moins un ennemi redoutable.

Les betteraves aussi demandent des soins, dont la production est pour beaucoup fonction des binages reçus. L'effeuillage, parfois pratiqué pour assurer aux animaux un complément de production, n'est cependant pas à conseiller, car il réduit la production des racines dans des proportions supérieures au profit espéré par la récolte anticipée de la partie aérienne.

Bien d'autres travaux sollicitent encore l'agriculteur pendant l'été, ne serait-ce que le charroi du fumier, plus facile à effectuer en été qu'en hiver, surtout quand ce dernier est pluvieux. Les moyens de traction modernes permettent maintenant de faire face à tous ces besoins en temps utile et d'assurer leur exécution dans des conditions de régularité qui sont un élément favorable des futures récoltes.

R. GRANDMOTTET,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°666 Août 1952 Page 484