Oui, faisons le point. Depuis quelques années, nous nous
sommes efforcés de donner dans les colonnes du Chasseur Français des
renseignements d'ordre pratique. Cela n'aura pas toujours été facile de
présenter d'une façon un peu claire les questions si complexes de la
fabrication du vin, surtout quand il nous a fallu employer ou expliquer des
noms scientifiques assez compliqués et difficiles à retenir.
Après sept années où en sommes-nous ?
Nous constatons que, si quelques parcelles de vigne ont été
abandonnées par suite de l'âge ou de la disparition de l'exploitant, par contre
de nombreuses plantations surgissent un peu partout, pour remplacer les vignes
dont les plants avaient vieilli prématurément faute de soins, pendant cinq ans.
Il est logique de remplacer les plants anciens par d'autres
plus vigoureux, plus productifs et moins sujets aux maladies.
Par ailleurs, on constate que la tendance actuelle est
nettement orientée vers la diminution du prix de revient par une meilleure
utilisation de la main-d'œuvre.
Citons quelques exemples.
La préparation du terrain en vue de la plantation est
effectuée par d'importantes défonceuses tirées par un tracteur puissant.
Pour l'ameublissement et le nivellement du terrain, peu de
nouveautés, à part l'outillage américain.
Par contre, les plants ont été bien étudiés. Pour les
greffés, on trouve des plants greffés-soudés, racinés ou non, très bien
sélectionnés.
Les appareils de greffage ont fait de sérieux progrès et on
trouve des modèles parfaitement au point.
Mais les plus grands progrès ont été certainement faits dans
la production des hybrides. Les maisons spécialisées fournissent actuellement
en rouge et en blanc non seulement des plants donnant des raisins qui
fournissent de bons vins de cuve, mais encore des raisins de table musqués ou
non.
À ce propos, il y a eu, voici quelque temps, dans le
chef-lieu de l'Agenais, un concours de dégustation organisé par la Fédération
nationale de la vigne nouvelle (soit les hybrides). Cette compétition
portait sur les vins rouges, rosés et blancs de l'année, les vins rouges vieux
et les jus de raisin.
Nous ne pouvons que louer ce genre d'initiative, car c'est
par l'organisation de telles manifestations, jointes aux résultats des
vignobles pilotes, que l'on arrivera à renseigner l'exploitant d'une façon
précise.
Pour les façons culturales le vigneron a à sa disposition
toute une gamme d'outils, depuis le tracteur à chenilles de forte puissance
jusqu'au motoculteur de 2 CV. Ces derniers possèdent en général des jeux
de pièces travaillantes interchangeables.
La lutte contre les accidents et les ennemis des cultures a
fait d'immenses progrès.
Si, dans la section accidents, on est encore insuffisamment
outillé contre la grêle, par contre la gelée peut être évitée d'une façon
certaine, à l'aide d'un matériel très facilement transportable.
Sont également très au point les appareils de prévision des
gelées, et les appareils avertisseurs sonores. En ce qui concerne les
insecticides nous avons sur le marché une gamme impressionnante de produits,
tous d'une efficacité absolue, qu'ils soient à base de D. D. T., de
H. C. H., de S. P. C., de roténone de derris ou de tout
autre produit du même genre, en passant par la vieille nicotine et les huiles
blanches.
De même pour les anticryptogamiques (appelés aussi
fongicides), nous avons à notre disposition des soufres micronisés (le radical
de ce mot est micron, unité de mesure qui vaut un millième de
millimètre). Ces soufres peuvent être envoyés sous forme de brouillard par des
soufreuses très puissantes.
Les soufres mouillables sont beaucoup mieux préparés.
En ce qui concerne les bouillies, nous avons donné dans le
numéro de mai de nombreuses formules. Mais, tout récemment, il est apparu sur le
marché des produits organo-métalliques de synthèse ne contenant pas de cuivre.
Ces produits ont l'avantage d'être rapidement préparés, de
ne pas boucher les orifices des papillons et de pouvoir être mélangés sans
inconvénient soit avec du soufre mouillable, soit avec un insecticide soluble
dans l'eau ; on arrive donc, toujours en vue de la diminution du prix de
revient, à employer en une fois une bouillie polyvalente.
Nous arrivons aux engrais. Il y a un demi-siècle, on
enseignait dans les écoles d'agriculture que les engrais complets devraient
être uniquement réservés à l'horticulture florale et au maraîchage.
Les temps ont bien changé.
Les principales maisons d'engrais livrent actuellement pour
la vigne des formules d'engrais complets très bien étudiés, dont certains
contiennent un produit organique.
Tous les constituants en sont assimilables rapidement.
Là encore, économie de transport, d'épandage et de sacherie.
Des travaux récents sur la physiologie des plantes ont démontré que l'absence
de bore dans le sol provoque pour la vigne un dépérissement du bourgeon
terminal, la coulure et réduit la grosseur du grain de raisin.
Pour des raisons diverses, la présence du magnésium,
du soufre et du zinc est nécessaire.
Ces corps passent-ils dans la sève pour se loger dans
quelque organe ? Il est plus probable qu'ils servent de catalyseur,
aidant par leur seule présence la formation des tissus végétaux.
Ajoutons qu'il en est exactement de même pour le règne
animal.
C'est le rôle des fabricants d'engrais d'ajouter dans leurs
produits des doses fort petites de ces corps. Ajoutons encore pour finir que le
soufre est apporté au sol par les superphosphates et par le sulfate de potasse.
En vinification, le système coopératif continue à se
développer.
En vinification industrielle, on emploie depuis longtemps
l'anhydride sulfureux qu'il faudrait introduire dans la moyenne et la petite
exploitation ; les résultats sont supérieurs à ceux donnés par les métabisulfites.
Les levures sélectionnées s'emploient de plus en plus, ce
qui amène à prévoir le réchauffement du moût pour avoir au départ une fermentation
tumultueuse.
Le moyen de chauffage dernier-né, et le plus pratique, est
obtenu par les rayons infra-rouges qui sont pénétrants, et aussi par les rayons
de haute fréquence (qu'il ne faut pas confondre avec la haute tension).
Ces rayons de haute fréquence sont, comme les infrarouges,
pénétrants, mais seraient peut-être plus particulièrement réservés à la
pasteurisation des moûts, l'opération ne durant que quatre à cinq secondes-au
lieu de vingt à trente secondes par le procédé ordinaire.
Il y a quelques années ces rayons de haute fréquence avaient
fait l'objet d'un essai pour la destruction des insectes.
Puis le silence s'est fait. Sans doute le procédé n'était-il
pas au point, il ne faut pas désespérer de voir un jour quelqu'un se promener
dans un vignoble ou un verger avec une petite boîte dans le dos et tenant à la
main une sorte de tube de verre donnant des effluves.
La haute fréquence qui rend de réels services à l'industrie
sera-t-elle mise un jour, d'une façon pratique et économique, à la disposition
du vigneron. Mystère !
Enfin le froid est aussi employé par le vigneron. Il peut
servir à réfrigérer le moût dans les pays chauds.
Il sert à la concentration des moûts et des vins. Pour ces
derniers, un procédé à l'étude, pour l'exportation, permettra de le réduire à un
quart de son volume sans atténuer sensiblement ses qualités gustatives.
Nous conclurons en écrivant que, dans presque tous les
domaines, la viticulture et la vinification ont à leur disposition un matériel
et des procédés qui permettent de diminuer le prix de revient tout en
augmentant la qualité !
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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