La reproduction, qui constitue le principal facteur
zootechnique de l'amélioration et de la prospérité des espèces animales, à côté
des avantages qu'elle met à la disposition des éleveurs ou cultivateurs — réserve
faite pour les manifestations inconnues de l'hérédité ! — leur
fournit aussi bien des occasions de risques et de déceptions, en particulier
ceux qui se produisent à propos de tout avortement.
Au cours de la gestation des femelles domestiques,
spécialement des vaches et des juments, parmi les propriétaires qui suivent
avec intérêt et plus ou moins d'attention l'évolution de cet état particulier,
il en est beaucoup qui en escomptent le résultat à la manière de « Perrette
et son pot au lait », sans trop se soucier que chaque jour qui passe,
avant la date normale de cette échéance, peut détruire brutalement leurs
calculs et leurs espoirs.
Afin que les intéressés ne pèchent pas par ignorance, nous
souhaitons qu'ils puissent faire leur profit des quelques considérations
générales, mais d'ordre pratique, que nous allons énumérer succinctement pour
leur montrer le danger de 1' « avortement » ou de 1' « accouchement
prématuré » et ce qu'il est possible de faire dans l'un ou l'autre cas.
L'avortement est l'accident qui consiste dans l'expulsion ou
la résorption du produit de la conception avant qu'il vienne à terme ou soit
viable. Dans l'accouchement prématuré, le fœtus est toujours expulsé vivant,
mais le plus souvent dans des conditions telles que son avenir se trouve plus
ou moins compromis au point de vue de son élevage.
La durée de la gestation dans les différentes espèces
animales a été établie aux moyennes suivantes, exprimées en nombre de jours :
chez la jument, 340 jours, soit onze mois environ ; chez l'ânesse, 365
jours ou un an ; chez la vache, 285 jours ou 9 mois et demi ; chez la
brebis et la chèvre, 150 jours ou 5 mois ; chez la truie, 120 jours ou 3
mois, 3 semaines, 3 jours, pour venir en aide à la mémoire. Compte tenu de ces
repères, on pourra dire qu'il y a avortement si l'expulsion du fœtus a lieu
chez la jument avant le trois centième jour de la gestation ; chez la
vache avant le deux centième ; chez la brebis ou la chèvre le cent
trentième et chez la truie le centième jour. Après ces temps révolus, il y a
accouchement prématuré ; dans le premier cas, le produit expulsé est
appelé « avorton » ; dans le second, on le qualifie de « prématuré » ;
on dit encore que l'avortement est « embryonnaire » quand il se
produit au début de la gestation et « fœtal » quand le produit
expulsé est déjà suffisamment développé.
Au point de vue de la santé des femelles gestantes,
l'avortement le moins grave est celui qui se manifeste à une époque voisine de
la conception, à telle enseigne qu'il en est qui passent inaperçus — on
dit alors que la bête en état de gestation a « coulé » — mais
qui n'en sont pas moins susceptibles de suites fâcheuses, entre autres une
stérilité temporaire ou définitive.
La médecine vétérinaire classe les avortements en deux
catégories : les avortements sporadiques, qui se manifestent sous forme de
cas isolés, des suites de causes banales, accidentelles, et les avortements
contagieux ou épizootiques, sévissant sur un grand nombre de femelles à la fois
et provoqués par une infection des voies génitales de la gestante ou de son fœtus
par les microbes spécifiques.
Parmi les causes, aussi nombreuses que variées, pouvant
provoquer un avortement sporadique, nous citerons entre autres : les
variations brusques de température, les froids humides et les pluies
persistantes, chez les femelles séjournant en prairie ; les coups violents
dans la région du ventre : coups de pied, coups de corne, chutes, etc.,
accidents fréquents quand des femelles d'espèces différentes sont réunies dans
un même enclos. L'alimentation défectueuse, qu'elle soit insuffisante ou trop
copieuse, ou exclusive d'une seule denrée, les aliments trop secs ou par trop
aqueux, ceux qui fermentent facilement ou ceux qui sont mal récoltés,
poussiéreux ou moisis, les tourteaux, les drêches de distillerie sont autant de
causes de troubles intestinaux pouvant se compliquer d'avortement. Mais, si la
nourriture exerce une action indiscutable, il n'est pas moins certain que le
mode d'exploitation et le mode de vie des femelles en gestation ont aussi leur
influence.
Alors que, dans un accouchement normal, le gonflement des
lèvres de la vulve et la préparation des organes génitaux se font avant
l'apparition des douleurs, quand l'avortement se prépare il est au contraire
annoncé par des coliques plus ou moins violentes. Et, quand il est possible d'intervenir
à ce moment, alors que le fœtus témoigne de sa vitalité et que la poche des
eaux est restée intacte, il faut s'efforcer de calmer les contractions de
l'utérus à l'aide de narcotiques, que le vétérinaire prescrira selon les
circonstances.
Au cours de l'avortement déjà déclaré, on ne peut que
faciliter l'expulsion du fœtus, comme dans un accouchement normal, par des
irrigations vaginales avec des solutions antiseptiques chaudes (crésyl,
permanganate de potasse, eau oxygénée) ou, mieux, avec de l'eau iodée à raison
de un gramme par litre. Une femelle qui vient d'avorter doit être isolée au
calme dans une écurie bien aérée, mais à l'abri des courants d'air et sous la
protection d'une couverture ; on lui fera prendre des infusions chaudes de
thé de foin, tilleul ou camomille, ou bien, si elle est abattue, un litre de vin
chaud ou de café, auquel on ajoutera le stimulant d'un verre d'eau-de-vie.
Si, le plus souvent, l'avortement n'a pas de conséquences
graves pour la santé des femelles, celles dont il est responsable au point de
vue économique se trouvent augmentées du fait qu'il en reste une menace de
récidive.
J.-H. BERNARD.
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