Une partie de l'aviculture américaine est actuellement
bouleversée par le nouveau croisement multiple : le « Northwester »,
hybride faisan-poule, qui a pris la tête de l'industrie avicole des U. S. A.
Cet animal a été créé et fixé par Mr. James H. Knowles,
éleveur-sélectionneur de Centralia (État de Washington), et représente seize
ans de travail, d'observations, de science et d'efforts.
À l'origine, l'intéressé employa l'insémination
artificielle et obtint des hybrides inféconds, qu'il dégusta à la table
familiale ; ayant apprécié la saveur de ces derniers, il commença à
travailler sur des calculs de génétique pour croiser commercialement les deux
espèces et obtint des résultats satisfaisants sur le papier. Tous les
biologistes américains étaient unanimes à considérer que l'application pratique
de ces travaux était irréalisable et que la réussite, si elle se produisait,
serait plus proche du miracle que de la science.
Mr. Knowles ne se laissa pas influencer et commença à
mettre ses théories en pratique en 1940; après huit ans de croisements, en
1948, sur 1.700 œufs fertiles, il obtenait 21 hybrides femelles fertiles, ce
qui était déjà un premier résultat positif.
Ces hybrides femelles furent croisés avec un coq combattant
indien. En résultat de ce croisement, il obtint des femelles stériles et, parmi
les coqs, un pourcentage réduit de sujets féconds.
Enfin, après toute une série de croisements dont le détail
serait fastidieux et n'aurait pas sa place ici, il arriva à produire en grande
série, à des milliers d'exemplaires par mois, un animal à poitrine en tonneau,
dont la chair a gardé la saveur du croisement direct initial. De plus, le « Northwester »,
puisque tel est le nom dont l'a baptisé son obtenteur, présente d'autres
avantages :
1° Les jeunes ont une croissance précoce et uniforme ;
2° Ce sont des transformateurs exceptionnels de la
nourriture en viande ; à âge et poids égal, ils économisent 15 à 18 p. 100
de la nourriture ;
3° Ils présentent une chair blanche comme celle du faisan, à
grain fin et juteux ;
4° La poitrine est, proportionnellement, beaucoup plus large
que celle des poulets purs ;
5° Les cuisses sont extrêmement charnues et la viande a une
saveur très particulière de viande de faisan à goût très légèrement atténué ;
6° Contrairement à certaines races qui fabriquent d'abord du
squelette, puis ensuite de la chair, le « Northwester » se développe
uniformément et présente toujours une pièce à rôtir de belle apparence, quel
que soit l'âge auquel on le sacrifie.
Il pèse en moyenne, à six semaines : 600 grammes ;
à huit semaines : 1 kilogramme à 1kg,200 ; à douze
semaines : 1kg,500 à 2 kilogrammes ; à vingt semaines :
3kg,500.
La réussite du Northwester a été foudroyante, et Mr. Knowles
est maintenant à la tête d'une énorme affaire commerciale ; car, s'il est
arrivé à produire commercialement l'hybride faisan-poule, il ne faut pas
oublier que celui-ci reste infécond ; ce qui signifie que tous les
éleveurs qui désirent élever les produits doivent obligatoirement acheter les
poussins chez l’obtenteur seul capable de les produire actuellement, puisqu'il
a des années d'avance d'expérience dans la partie et qu'un poussin Northwester
est le résultat de neuf croisements successifs.
En bon Américain, Mr. Knowles a monté une affaire
soutenue par une puissante publicité. Des offres considérables lui ont été
faites par des capitalistes, et il est probable qu'il ne les a pas toutes
dédaignées puisque sa production a été de 10.000.000 d'oiseaux en 1951 et qu'il
espère atteindre le chiffre de 30 millions de jeunes en 1952.
Les demandes actuelles sont si élevées qu'il est très
difficile pour un Américain de l'Est de s'en procurer. Tout est vendu dans les
États de l'Ouest des U. S. A., et le centre commercial est à
Sacramento (Californie).
Un éleveur français de ma connaissance, qui se rend
plusieurs fois par an outre-Atlantique, m'a affirmé qu'il avait la
quasi-certitude de pouvoir ramener une cinquantaine de jeunes faisans-poules,
en revenant par avion, au début de septembre 1952.
Je suivrai ses expériences et en rendrai compte, au
printemps prochain, aux lecteurs du Chasseur Français.
R. GARETTA,
Expert avicole agréé près des tribunaux.
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