Il y a plusieurs manières de créer un rucher, la plus
simple, mais la plus coûteuse, est l'achat de ruches peuplées au printemps,
qu'il suffit de mettre en place sans autre complication.
Une autre façon d'opérer, moins onéreuse, mais exigeant un
peu de pratique apicole, est de se procurer des paniers ou ruches fixes qui
sont transvasés au printemps dans des ruches à cadres. Si cette opération est
bien faite et au moment voulu, on obtient ainsi de bonnes colonies, capables de
donner une récolte l'année même du transvasement.
Le débutant qui ne se sent pas encore capable aura intérêt à
acheter des essaims nus dont la valeur est plus facile à apprécier que celle
d'un panier et dont l'introduction dans une ruche ne présente aucune difficulté ;
à moins qu'ayant des paniers il ne se contente de récupérer les essaims
naturels qui en sortiront.
Certaines conditions sont nécessaires pour être assuré qu'un
essaim prospérera. Son poids doit être au minimum de 1kg,500 ;
plus il pèsera et plus il aura de chances de réussir ; un essaim de 2
kilogrammes se développera presque seul, alors que deux essaims de 1 kilogramme
devront être abondamment nourris pour arriver à garnir le corps de ruche avant
la mauvaise saison. Il nous souvient, il y a de cela une dizaine d'années, nous
avions acheté quelques essaims de 1kg,500 ; l'un d'eux ne
contenait pas de reine et se fit adopter par une colonie voisine, ce qui fit
donc un essaim de 3 kilogrammes. En fin de saison, ce dernier nous donna une
hausse pleine alors que les autres avaient à peine construit le nid à couvain.
Une autre condition est d'avoir les essaims tôt en saison, au début de la
miellée, pour qu'ils aient le temps de faire leurs provisions ; un essaim
venu lorsqu'il n'y a plus rien à récolter n'a aucune valeur, avis aux débutants.
En effet, on est obligé de lui fournir des cadres de miel ou de pratiquer un
nourrissement généreux, ce qui n'est pas une opération rentable. Enfin, dernier
point, il est nécessaire qu'il y ait une jeune reine à la tête de l'essaim.
Les essaims qu'on se procure chez les éleveurs sont
généralement des essaims artificiels, lesquels, quoi qu'on en dise, ne valent
pas souvent un essaim naturel tôt venu ; disons cependant au bénéfice de
l'essaim artificiel qu'on peut l’avoir au début de la saison apicole, ce qui
lui permet de prospérer assez vite tandis qu'il faut attendre le bon vouloir
des abeilles pour recueillir les essaims naturels, lesquels se produisent
souvent un peu tard, alors que la miellée est déjà avancée : de plus, à
leur tête se trouve une reine dont on ignore la valeur, tandis que, pour les
artificiels, l'éleveur consciencieux fournira une jeune reine de l'année ;
il faut se faire garantir l'âge de la reine lorsqu'on achète des essaims et se
méfier, car la profession a été envahie de margoulins depuis quelques années et
beaucoup d'essaims vendus étaient extraits de paniers dont la reine était
vieille, d'où de nombreux mécomptes enregistrés. Il vaut mieux quelquefois
payer plus cher à un apiculteur connu, lequel tient à sa renommée, que d'acheter
à n'importe qui, si l'on veut éviter bien des déboires. En définitive, pour le
peuplement par essaims achetés au loin, exiger une livraison précoce pour le
début de la miellée, une reine jeune et un poids minimum de 1kg,500
et, mieux, de 2 kilogrammes.
On peut encore peupler son rucher avec des essaims naturels
recueillis à la saison. Faute de surveillance, beaucoup d'essaims se trouvent
perdus par le propriétaire des roches d'où ils sortent ; en effet, si
l'essaim primaire se pose à proximité au moins pour un moment, il n'en est pas
de même du secondaire qui, instinctivement, s'éloigne rapidement du lieu de sa
naissance. Aussi est-il prudent, pour le possesseur de ruches, de visiter
journellement le rucher à l'époque propice et, de plus, de vérifier une fois
tous les dix jours les colonies susceptibles d'essaimer afin de voir s'il n'y a
pas de cellules royales en construction, ce qui est un signe infaillible. La
saison de l'essaimage peut varier d'une année à l'autre, elle se situe en
général en pleine miellée. Pour un œil exercé, certaines indications peuvent
faire supposer un futur essaimage et cela sans avoir à ouvrir les ruches ;
c'est d'abord la présence de nombreux mâles, un bourdonnement de plus en plus
fort qu'il ne faut pas confondre avec le bruissement produit par les
ventileuses, l'apport de pollen en grande quantité et une activité fébrile qui
produit un excès de chaleur à l'intérieur de la ruche, ce qui oblige une partie
des abeilles à se répandre à l'extérieur pour donner un peu d'air. Un peu avant
la sortie de l'essaim, les ouvrières sont comme affolées, elles entrent et
sortent aussitôt sans se décharger de leur pollen, les mâles de leur côté font
le va-et-vient en entraînant les abeilles à sortir, ce qui produit un
bourdonnement assez fort jusqu'au moment favorable à la sortie tumultueuse de
l'essaim. S'il doit y avoir un secondaire, il se produira une semaine après ;
pour s'en assurer, le mieux est de visiter la ruche afin de voir si les
cellules royales sont encore intactes. Si on ne peut exercer une surveillance
constante, nous conseillons alors de déplacer la ruche souche de quelques
mètres et d'installer l'essaim primaire à sa place. Au cas où l'on veut éviter
la production d'essaims, agrandir la ruche par la pose de hausses au moment
voulu et donner de la place pour la ponte en intercalant un cadre vide bâti au
milieu du nid à couvain ; dégager entièrement l'entrée pour faciliter une
bonne aération ; éviter le plein soleil à midi.
Il est utile d'avoir quelques arbres peu élevés autour du
rucher pour faciliter la pose des essaims et de posséder quelques ruches vides
toujours prêtes à être garnies. Si vous vous trouvez là lors d'une sortie
d'essaim, vous pouvez essayer de le faire poser en lui jetant du sable ou de
l'eau ; nous doutons que le bruit que l'on faisait autrefois pour obtenir
ce résultat soit bien efficace, nous aurions plus confiance dans le coup de
fusil, mais ne l'avons jamais tenté.
Nous avons déjà parlé des ruchettes piège que l'on enduit
d'un produit attire-essaim que chacun peut fabriquer ou que l'on trouve dans le
commerce, lequel permet de capturer des essaims à peu de frais certaines années
favorables, à condition de placer lesdites ruchettes dans des endroits de
passage, ce qui s'apprend par l'observation et la pratique.
Parmi les divers modes de peuplement du rucher, il sera
facile à chacun de choisir celui ou ceux qui lui conviennent selon ses
aptitudes et aussi selon sa bourse, bien entendu.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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