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Automobile

Au royaume de Lilliput

Les voitures de très petites cylindrées ont toujours été l'objet d'une attention particulière du grand public. Sans doute parce qu'elles intéressent une couche considérable d'acheteurs dont les moyens financiers sont limités et, partant, les exigences en vitesse et confort également réduites. Ce que l'on demande, dans ce domaine, c'est de se déplacer avec le minimum de frais, et surtout s'affranchir, une fois pour toutes, de la tyrannie des transports publics.

Nombreux sont les constructeurs, ingénieux toujours, mais, le plus souvent, limités dans leur capacité financière, qui se sont engagés dans cette voie. Hélas ! bien peu franchissent le stade du prototype et, après quelques essais et soubresauts, tombent dans l'oubli ou agonisent doucement. Au lendemain des hostilités, nous avons vus apparaître quelques modèles particulièrement intéressants. Freinées d'abord par les contingentements en matières premières, quelques marques ont pu, malgré tout, survivre, et le public a su parfois apporter tous ses encouragements à ces fabricants persévérants. Mais que sont devenus les Dolo, les Julien, les Boitel, et tant d'autres que l'on a vus naître, un soir d'automne, au Salon, pour tomber dans l'oubli le plus noir après avoir soulevé d'immenses espoirs ?

Au bas de l'échelle, deux marques semblent avoir acquis une réelle assiette. Elles font appel, toutes deux, à une cylindrée de 125 centimètres cubes. Chacun sait que cette limite, toute théorique, un peu comme le 38e parallèle de Corée, marque, en France, l'obligation au delà de laquelle il faut posséder le permis de conduire. Ce sont la Mochet et la Rolux.

La Mochet est d'une construction robuste, entièrement métallique. Elle est construite par les Établissements Vélocar — on connaît d'eux surtout ses fameux véhicules à pédales — et comporte deux places bien suffisantes, avec une capote amovible. Son prix est de l'ordre de 225.000 francs. Les délais de livraison sont courts à côté de ceux exigés par les grands cracks, puisqu'ils sont de l'ordre de deux ou trois mois. Moteur Zurcher à deux temps, boîtes indépendantes à trois vitesses, donnant, en prise, des pointes avoisinant le 60, avec un comportement agréable en côtes.

La Rolux est d'une taille plus réduite que la précédente et sa construction reste plus sommaire ; ici, moteur Ydral, toujours à deux temps, bloc moteur. Au catalogue, on note le prix de 240.000 francs ; avec un supplément d'une dizaine de mille francs, on peut faire équiper le véhicule d'un 175 centimètres cubes, dont les performances sont nettement améliorées. Installé à Clermont-Ferrand, Rolux compte sur une production prochaine de 50 unités par mois.

Gabriel Voisin, un nom bien connu de tous, précurseur tant en aviation qu'en automobile, a senti tout l'intérêt que cette question des « tout-petits » pouvait présenter, et, il y a deux ans, nous est venu, d'Issy-les-Moulineaux, le fameux Bi-scooter. Des solutions économiques et originales s'y rencontrent dès que l'on soulève le capot ou que l'on se penche sous le châssis. Pourtant un temps d'arrêt est marqué actuellement par cette firme. On lutte encore contre les prix de revient, car l'on voudrait se tenir autour des 200.000 francs. Son moteur Gnome et Rhône est un 125 centimètres cubes. De l'espoir, beaucoup d'espoir de ce côté, mais, pour le moment, c'est tout.

Et puisque nous glissons du côté de l'espérance, envoyons les lettres de faire-part annonçant la naissance prochaine du Citicar à trois roues, avec roue arrière motrice ; moteur arrière à deux temps de 250 centimètres cubes, les passagers étant assis entre les deux roues avant. Créés en France, c'est en Allemagne que les prototypes ont fait leur premier galop, et c'est là-bas également qu'on se prépare en vue d'une production intensive.

Citons encore la Reyonnah, dont le train-avant repliable a défrayé la chronique automobile ces temps derniers. Ici, les deux places sont en tandem. Solution discutable du point de vue esthétique, mais particulièrement économique. Moteur 175 centimètres cubes A. M. C. à l'arrière. On peut atteindre, avec ce maître couple réduit, le 50 de moyenne, au prix de 3 litres et demi au 100. Qui dit mieux ? Reste, dans cette catégorie, la Deshais, dont le dernier modèle est d'une ligne très élégante et bien adaptée au goût français, si exigeant lorsqu'on touche à cette épineuse question. Son dessin rappelle les nouvelles Panhard. On pense la sortir autour de 250.000 francs. Deshais a soulevé l'admiration des visiteurs des deux derniers salons. Malheureusement, par manque de capitaux, Deshais a dû mettre en veilleuse sa fabrication en série. Ce véhicule présente des solutions classiques et éprouvées : moteur deux cylindres deux temps de 420 centimètres cubes, refroidissement par eau, 100 kilomètres à l'heure, quatre roues indépendantes, avec roues avant tractives, etc. ... Parmi les petits, il fait figure de véhicule de luxe. Souhaitons-lui une prochaine et rapide convalescence. Quelques injections massives de millions sauveraient le malade.

Dans le Midi, à Aubagne, Tholomé essaye aussi de prendre le départ. Nous avons gardé pour la fin de notre causerie les trois grands parmi les tout-petits : Atlas, Rovin et la 2 CV Citroën. Eux ont franchi allègrement, sans faire naufrage, la barre qui délimite le stade artisanal et voguent maintenant en eau calme. Ici, plus d'assemblage tubes-cornières, mais des véhicules légers peut-être, mais complets. On y trouve le moteur, la boîte, la transmission, la suspension dessinés suivant la plus pure des orthodoxies.

On a prévu un gabarit minimum, même quatre places avec la 2 CV Citroën, et les passagers sont à leur aise. Il a fallu abandonner, bien entendu, le 175 centimètres cubes pour choisir des cylindrées nettement supérieures. Des moyens de production puissants ont permis de fabriquer en grande série, grâce à un outillage perfectionné et coûteux. On a franchi le cercle vicieux qui enferme implacablement les constructeurs de ce genre de véhicule ; faire simple, rudimentaire même, sans cependant tomber dans un autocycle croupion. Il arrive, en effet, un moment où toute simplification excessive paie beaucoup moins que la recherche d'un outillage de production perfectionné.

L'Atlas a une cylindrée de 170 centimètres cubes, monocylindre à quatre temps, refroidissement par air, propulsion arrière sur la roue gauche, embrayage à disques multiples, boîte mécanique à quatre vitesses, châssis à longerons et traverses, direction à crémaillère, freins mécaniques sur les roues avant et frein à main mécanique sur les roues arrière. Carrosserie à deux places aux lignes modernes et agréables. Consommation : 4 litres aux 100 kilomètres ; vitesse de pointe : 70 kilomètres à l'heure. Prix : 235.000 francs. Quant à la Rovin, plus puissante, puisqu'elle possède une cylindrée de 462 centimètres cubes, son prix atteint 330.000 francs. On trouve, sous son capot, deux cylindres horizontaux opposés quatre temps. Refroidissement par eau, roues arrière motrices, avec moteur à l'arrière. Embrayage monodisque à sec. Boîte mécanique à trois vitesses, caisse semi-coque, suspension avant à roues indépendantes par ressort à lames, roues arrière indépendantes également par ressorts hélicoïdaux. Freins mécaniques sur les quatre roues. Consommation : 5l,500 aux 100 kilomètres ; vitesse de pointe : 77 kilomètres à l'heure. Carrosserie à deux places aux lignes très modernes et plaisantes.

Quant à la 2 CV Citroën, elle reste la reine incontestée de cette catégorie de voiture. Sa caractéristique principale est l'accessibilité et l'habitabilité de ses quatre places, la seule, parmi toutes celles que nous avons passées en revue, qui possède quatre places. Son moteur est un 375 centimètres cubes, à deux cylindres horizontaux quatre temps. Refroidissement par air. Pompe à essence. Régime normal : 3.500 tours-minute. Traction avant avec moteur à l'avant. Embrayage monodisque à sec. Boîte mécanique quatre vitesses, avec quatrième surmultipliée, toutes synchronisées et silencieuses. Châssis plate-forme avec suspension avant à roues indépendantes par ressorts hélicoïdaux horizontaux ; suspension arrière à roues indépendantes également par ressorts hélicoïdaux horizontaux. Freins hydrauliques sur les quatre roues. Direction à crémaillère. Vitesse de pointe : 65 kilomètres à l'heure, donnant des moyennes routières de l'ordre de 45 à 50 kilomètres-heure. Consommation : 4l,40 aux 100 kilomètres. Son prix au catalogue : 340.000 francs ; en occasion, à un an d'âge : 400.000. Sa carrosserie est décapotable. Elle n'est pas jolie avec ses formes de tôlerie simples, et il importe de ne pas trop se pencher sur les détails de finition, mais l'œil s'accoutume vite à sa silhouette « crapaud ».

Ceci dit, sa tenue de route est parfaite malgré la mollesse de sa suspension, à laquelle on s'habitue d'ailleurs après quelques heures de conduite. Le seul reproche que l'on puisse lui faire est qu'elle soit fabriquée actuellement en aussi petit nombre d'exemplaires et que, selon les dires, la plus pure fantaisie semble régner dans sa répartition. Ce n'est guère indiqué pour un véhicule dit populaire.

G. AVANDO,

Ingénieur E. T. P.

Le Chasseur Français N°666 Août 1952 Page 493