Les avantages qui peuvent être accordés aux familles,
suivant le cas, en matière de droits de succession, sont au nombre de quatre :
1° un abattement sur la matière imposable ;
2° un tarif dégressif du taux de l'impôt ;
3° une limitation du prélèvement des droits ;
4° une réduction du montant de l'imposition.
Avant de commencer cette étude, signalons que la loi du 14 avril
1952 vient de porter remède à la situation par trop injuste qui était faite au
conjoint survivant.
I. Abattement sur la matière Imposable.
— Sous le régime antérieur à cette loi du 14 avril
1952 et en vertu de l'article 774 du Code général des impôts, lorsque le défunt
avait, lors de son décès, au moins trois enfants vivants ou représentés, il
était effectué un abattement de 1 million de francs sur la part de chacun des
enfants vivants ou représentés.
Ainsi, le conjoint survivant, grâce à qui aussi s'était
édifiée cette famille nombreuse et dont il était résulté pour lui soucis,
ennuis, efforts, diminution de patrimoine, se trouvait injustement écarté de ce
bénéfice. Nous avons signalé, il y a trois ans, cette regrettable situation.
La nouvelle loi du 14 avril 1952 porte remède à cet
état de chose. Elle institue, comme on va le voir ci-après, un abattement dont
le conjoint profite en premier lieu et alors même qu'il n'y aurait pas d'enfant
issu du mariage.
L'article 43 de cette loi dispose, en effet :
« Pour la perception des droits de mutation à titre
gratuit, il est effectué sur l'ensemble des parts recueillies par les ayants
droit en ligne directe et par le conjoint un abattement de 5 millions de francs.
» Ce chiffre est majoré de 3 millions de francs par
enfant vivant ou représenté ou par ascendant à charge du défunt.
» L'abattement visé au premier alinéa ci-dessus est
effectué en premier lieu sur la part revenant au conjoint survivant ; le
surplus, s'il en existe, augmenté, le cas échéant, des majorations prévues au
deuxième alinéa, se divise entre les autres ayants droit d'après les règles de
la dévolution légale. »
Comme le démontre le texte de cet article 43, la situation
du conjoint survivant se trouve en quelque sorte inversée ; dans tous les
cas, il profitera de l'abattement et même il pourra, parfois, suivant les
situations qui se présentent, éliminer de cet avantage certains héritiers.
II. Tarif dégressif du taux de l'impôt.
— Pour la partie de la succession supérieure au montant
de l'abattement ci-dessus, c'est le nombre d'enfants vivants ou représentés du
défunt qui permet aux héritiers en ligne directe descendante ou ascendante,
ainsi qu'à l'époux survivant, de bénéficier pour le calcul des droits de
succession d'un tarif plus ou moins dégressif suivant le nombre d'enfants.
Il importe de remarquer qu'en instituant le nouvel
abattement dont il vient d'être question l'article 43 de la loi du 14 avril
1952 facilite le calcul des droits sur la part nette d'actif successoral
excédant l'abattement reçue par chaque héritier : le nombre de tranches
entre lesquelles peut être réparti l'actif net d'une part est réduit de 8 à 4,
comme indiqué ci-dessous. De plus, pour ce calcul, le tarif applicable est le
même que le défunt laisse un enfant vivant ou représenté ou n'en laisse pas.
La législation a voulu, semble-t-il, récupérer, tout au
moins en partie, sur les successions impartantes, le dégrèvement qu'il a ainsi
institué pour les petites et moyennes successions.
Ces nouveaux taux s'établissent comme suit :
a. Si le défunt laisse trois enfants ou plus, vivants
ou représentés, le droit de mutation par décès applicable à la fraction de part
nette reçue par chaque héritier est de :
6 % |
par fraction de part nette |
comprise entre |
1 et |
500.000 |
fr. |
13 % |
— — |
— — |
500.001 et |
2.000.000 |
— |
16 % |
— — |
— — |
2.000.001 et |
10.000.000 |
— |
24 % |
— — |
au dessus de |
|
10.000.000 |
— |
b. Si le défunt laisse deux enfants vivants ou
représentés, le droit de mutation applicable à la fraction de part nette reçue
par chaque héritier est de :
8 % |
par fraction de part nette |
comprise entre |
1 et |
500.000 |
fr. |
15 % |
— — |
— — |
500.001 et |
2.000.000 |
— |
20 % |
— — |
— — |
2.000.001 et |
10.000.000 |
— |
30 % |
— — |
au dessus de |
|
10.000.000 |
— |
c. Si le défunt laisse un enfant ou pas d'enfant
vivant ou représenté, le droit de mutation, applicable à la fraction de part
nette reçue par chaque héritier est de :
13 % |
par fraction de part nette |
comprise entre |
1 et |
500.000 |
fr. |
20 % |
— — |
— — |
500.001 et |
2.000.000 |
— |
25 % |
— — |
— — |
2.000.001 et |
10.000.000 |
— |
35 % |
— — |
au dessus de |
|
10.000.000 |
— |
III. Limitation du prélèvement de l’impôt.
— Les droits de mutation par décès ainsi fixés suivant
un tarif progressif et par tranches, mais aussi d'après un tarif dégressif
suivant le nombre d'enfants vivants ou représentés du défunt à l'ouverture de
sa succession, comme il vient de l'être expliqué, ne peuvent, d'autre part,
excéder un certain pourcentage de la part nette reçue par l'héritier,
pourcentage qui varie suivant le nombre d'enfants vivants ou représentés
laissés par le défunt.
Ces pourcentages maxima sont fixés comme suit, pour les
successions en ligne directe et entre époux :
20 % |
lorsque le défunt laisse |
3 enfants ou plus vivants ou représentés ; |
25 % |
— — |
2 enfants vivants ou représentés ; |
30 % |
— — |
1 enfant ou pas d'enfant vivant ou représenté. |
À ce sujet, le nouveau régime est plus avantageux que le
précédent pour l'ascendant et le conjoint lorsque l'époux décédé ne laisse pas
d'enfant vivant ou représenté.
En effet, sous le régime antérieur, le maximum des droits
était de 35 p. 100 au lieu de 30 p. 100 lorsque le défunt ne laissait
pas d'enfant vivant ou représenté.
IV. Réduction du montant de l'imposition.
— Enfin les héritiers et légataires peuvent prétendre,
en outre, à une réduction des droits de succession pouvant atteindre
l'exonération totale en raison du nombre d'enfants qu'ils ont eux-mêmes.
En effet, aux termes de l'article 775 du Code général des
impôts, lorsque l'héritier ou légataire a trois enfants ou plus vivants ou
représentés au moment de l'ouverture de ses droits à la succession, il
bénéficie sur l'impôt à sa charge liquidé conformément aux dispositions
ci-dessus d'une réduction de 100 p. 100 qui ne peut toutefois excéder 100.000
francs, portée à 200.000 francs (par la loi du 14 avril 1952) par enfant
en sus du deuxième.
V. Payement des droits. Délais.
— Ainsi que le prévoit l'article 1718 du Code général
des impôts, sur la demande de tout légataire, héritier, le montant des droits
de mutation par décès peut être acquitté en plusieurs versements égaux dans
certaines conditions et sous certaines garanties.
L'article 399 (décret) du Code général des impôts, relatif à
cette question, est ainsi conçu :
« Le montant des droits de mutation par décès peut être
acquitté en plusieurs versements égaux dont le premier a lieu au plus tard
trois mois après la date de la décision accordant le délai de payement
sollicité, sans que le payement pour solde puisse intervenir plus de cinq ans
après l'expiration du délai pour souscrire la déclaration de succession. »
Ces versements sont fixés au nombre de deux lorsque les
droits de mutation n'excèdent pas 5 p. 100 des parts nettes recueillies
soit par tous les cohéritiers solidaires, soit par chacun des légataires ou
donataires, de quatre lorsque ces droits n'excèdent pas 10 p. 100 des
mêmes parts, et ainsi de suite en augmentant de deux le nombre des versements
au fur et à mesure que les droits dépassent un nouveau multiple de 5 p. 100,
mais sans que le nombre de versements à intervalles de six mois au plus puisse
être supérieur à dix.
L'article 43 de la loi du 14 avril 1952 augmente ces
délais. Il modifie comme suit les dispositions précitées.
» Dans les conditions, et suivant la procédure prévue à
l'article 1748 du Code général des impôts, le Gouvernement autorisera le
payement des droits de mutation par décès, exigibles dans les successions en
ligne directe et entre époux, en plusieurs versements semestriels égaux dont le
nombre sera déterminé d'après l'importance de ces droits sans qu'il puisse être
supérieur à 20. »
Cette mesure sera appliquée au cas où l'actif héréditaire
comprend à concurrence de 50 p. 100 au moins des biens non liquides dont la
liste sera fixée par décret.
Observation importante. — Les nouvelles
dispositions dont il s'agit sont applicables à toutes les successions ouvertes
depuis le 15 octobre 1951.
L. CROUZATIER.
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