Quand le maquettiste a établi sa voie, son paysage, ses
gares et bâtiments, il doit penser au matériel roulant, et seulement à ce
moment-là.
Dans la pratique, c'est exactement le contraire qui se
passe, et l'amateur commence par l'acquisition d'une très belle locomotive et
de voitures ou wagons luxueux, qui accaparent toutes ses possibilités
financières.
C'est la plus grande faute qu'il soit possible de faire, et
qui se termine toujours par une certaine lassitude, la voie et l'équipement
présentant alors un aspect étriqué jusqu'au minable d'où la réalité reste
bannie.
Il faut toujours agir comme l'ingénieur qui trace une réelle
liaison ferroviaire. Il serait inconcevable qu'un réseau ne songeât pas d'abord
à établir l'infrastructure et ses voies et gares avant de prévoir le matériel
roulant.
Le plus simple est, bien entendu, d'acheter ce dernier chez
les artisans spécialistes de sa production en France, ou dans les importations
d'usines étrangères.
Actuellement la plus grande variété existe, tant pour les
locomotives à vapeur, ou électriques ou encore diesel que pour les fourgons,
voitures à voyageurs et wagons à marchandises. On compte, en effet, une
vingtaine de modèles de locomotives, la reproduction, en leurs diverses classes
et catégories, de la quinzaine de variétés de voitures et une cinquantaine de
sortes de wagons. C'est beaucoup plus qu'il n'en faut pour réaliser un réseau
d'amateur bien homogène, sous peine de tomber dans la simple collection de
variétés.
Certains amateurs préfèrent acquérir des plans et tout
confectionner par eux-mêmes en partant de matériaux de base : c'est une
solution agréable, mais qui finalement est assez onéreuse : l'intéressé a
le tort d'oublier que son propre temps à une valeur certaine, mais aussi que,
faute de pratique et d'habitude, il mettra deux ou trois fois plus de temps
qu'un spécialiste avec tous les risques d'erreurs et de gâchages que cela
comporte.
À la rigueur, on peut s'essayer à construire soi-même une
plate-forme à marchandises, mais c'est plus que risqué de se lancer ex
abrupto dans la construction de toute pièce d'une locomotive.
Une solution moyenne reste cependant à conseiller. Elle
consiste dans le simple achat de pièces détachées et d'en effectuer le montage,
puis la peinture.
Mais, ici, il faut particulièrement soigner le détail et le
plus passionnant est de savoir judicieusement choisir les marques et indicatifs
figurant normalement sur les véhicules : les numéros, les marques de
circulation, les indications de port d'attache ou d'utilisation, les limitations
de vitesse, celles de trafics nationaux ou internationaux. Il y en a des
centaines.
Comme matériaux, les réalisations les plus courantes sont en
bois ou en métal, car le bois est plus facile à œuvrer et le métal plus solide.
Pendant que les tenants des deux types ne parvenaient pas à tomber d'accord,
une troisième sorte de réalisation est survenue, celle en matières
métalloplastiques confectionnées par des moulages sous pression, autorisant la
finesse illustrative des moindres détails figuratifs.
La caisse des voitures et wagons est ce que l'on remarque de
prime abord. C'est parfait pour le spectateur qui ne demande qu'une vue
d'ensemble. C'est tout au contraire très secondaire pour l'amateur qui doit
songer qu'un véhicule ferroviaire est fait pour rouler et s'accoupler. Ce qui
revient à dire que l'on ne fait jamais assez attention aux roues ou boggies ni
aux systèmes d'attelages.
Les systèmes de roulement doivent être extrêmement soignés,
car d'eux dépendent l'effort de traction demandé à la locomotive et
consécutivement le nombre de voitures que l'on pourra faire tracter pour
correspondre au mieux à la réalité. Il faut aussi une grande facilité de
rotation des pivots pour autoriser une inscription facile dans les courbes sans
causer de déraillements.
Pour les attelages, plusieurs systèmes existent et donnent
satisfaction. Mais ce qu'il faut observer, c'est d'abord la facilité des
accrochages. La faveur doit être accordée aux dispositifs automatiques par
simples contacts des tampons. Ainsi il suffira de faire circuler une locomotive
par le jeu des boutons d'un poste de commande et par simples reculs multiples
contre un heurtoir pour provoquer la totalité des accrochages successifs pour
réaliser une rame.
Inversement, il existe des tronçons de rails munis d'un
dispositif commandé électriquement à distance et qui, au passage, provoquent
des décrochages. Ceci est particulièrement intéressant pour les wagons de
marchandise que l'on veut pouvoir laisser dans des gares secondaires au cours
d'un trajet ou encore passer à la butte dans une figuration de gare de triage.
Les amateurs devraient encore non pas considérer la grande
multiplication de véhicules courants — au moins pour commencer — mais
tout au contraire tenir à acquérir des wagons dits « spéciaux », comme
ceux pour chargements exceptionnels, transports de pièces volumineuses, de
transports de poissons vivants, d'éléphants, de ménageries, de grues à
chenilles, de rouleaux compresseurs.
Ainsi, avec peu de véhicules et une simple loco-diesel, on
conserve toujours la plus grande fidélité avec la réalité.
Et l'on arrive ainsi à la question âprement discutée des
locomotives.
Quoi qu'on fasse, le modèle à vapeur ne sera jamais la
reproduction fidèle de la réalité, et ce sera une simple duperie de l'œil si ce
modèle cache un moteur électrique. Le seul avantage est de pouvoir
collectionner des modèles aux carénages variés, mais ceux-ci restent faux.
Tout autres sont les modèles électrifiés comme force de
traction avec des aspects réels de loco-électriques. Tout y est en réduction
dans les organes principaux, surtout si la voie comporte une caténaire
d'alimentation. Ces locomotives électriques sont également plus faciles à
construire et à monter, car elles ne comportent pas de bielles et les moteurs
agissent sur les roues par engrenages sinon parfois directement.
Cette question des moteurs est souvent négligée, et la
conséquence est que bien souvent les locomotives manquent de puissance. Il faut
reconnaître que seules deux ou trois marques arrivent à réaliser des moteurs
convenablement puissants, ce qui est très loin de vouloir insinuer que la
production des autres soit négligée. C'est une question de choix judicieux de
puissance et c'est tout.
Une autre solution, pouvant être d'ailleurs fusionnée, est
de commencer par des locos à un seul moteur commandant un seul ensemble de
roues ou un seul boggie, pendant que l'autre est uniquement porteur. L'amateur
se rendra compte alors de l'intérêt d'augmenter la puissance de traction et de
substituer un second ensemble moteur à celui uniquement porteur.
Le seul point à noter est qu'en matière de ferroviaires
miniatures on manque toujours de puissance de traction, surtout si l'on veut
réaliser un ensemble de voies accidentées avec courbes et rampes ou avec trains
lourds.
Il reste à envisager la commande à distance de ces
locomotives et donc de la manœuvre des trains. Il faut totalement abandonner
les manœuvres manuelles qui sont catastrophiques — au sens ferroviaire du
terme — pour réaliser des commandes à distance, ici encore il existe de
parfaits postes de commande autorisant les départs, accélérations, arrêts,
décélérations, marche arrière.
Mais où le maquettisme amateur acquiert son maximum de luxe,
c'est par le système de courants modulés agissant sélectivement sur plusieurs rames
en circulations simultanées sur les mêmes voies.
Il y a aussi une solution encore plus merveilleuse, mais
dont le coût n'en fait qu'une matière expérimentale : c'est la
télécommande sans fil, avec petits postes miniatures émetteurs-récepteurs. Ils
ne sont que des transpositions de ce qui est courant pour les maquettes de
bateaux circulant à grandes distances sur les bassins d'essais.
S. LAJOUSE.
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