Nous avons, dans une précédente causerie, fait connaissance
avec certains chasseurs quelque peu hésitants sur les qualités de leur arme et
plus ou moins décidés à modifier quelque chose à leur outil. Nous leur avons
conseillé la prudence dans ce genre d'intervention.
Tout aussi fréquemment, nous rencontrons le tireur qui met
d'emblée au compte de la mauvaise qualité de ses cartouches le médiocre
rendement de son tir. Si les sujets du premier type sont des anxieux pouvant
avoir parfois raison, les autres sont toujours dans leur tort. Nous allons
facilement le démontrer.
Quels sont donc les facteurs qui contribuent à la bonne
qualité des munitions ? La théorie et la pratique nous répondent
immédiatement que c'est, en premier lieu, la puissance de choc disponible et,
en second lieu, une appropriation judicieuse de la dispersion au genre de tir
envisagé.
Or la puissance d'une munition dépend, d'une manière
absolue, du poids de plomb qui la constitue et de la vitesse initiale. Ainsi
que nous l'avons signalé souvent dans ces causeries, on peut admettre, en
pratique, qu'une trentaine de grammes de grenaille suffit à tuer fort
proprement la plupart de nos gibiers. C'est dire que les calibres 12 et 16, l'un par excès, l'autre par défaut, avec leurs charges respectives de 32 et 28 grammes, répondent parfaitement à cette nécessité. Il nous suffira d'adopter des charges de poudre
correspondant à une vitesse initiale d'environ 375 mètres pour nous trouver dans les meilleures conditions pratiques, étant entendu que l'étui et
son amorçage, d'une part, les bourres, de l'autre, seront de qualité
suffisante.
Les meilleures charges sont connues depuis longtemps, et
seules les variations dues à la qualité des lots de poudre peuvent en suggérer
la modification éventuelle.
Nous rappellerons à ceux qui confectionnent eux-mêmes leurs
cartouches que le vieillissement des amorçages est une cause assez fréquente
d'une perte de vitesse initiale. Il n'y a donc aucun intérêt à accumuler un
stock de douilles ou d'amorçages hors de proportion avec les besoins courants.
Avec des munitions ainsi constituées, la charge de plomb
sera dans les meilleures conditions possibles de vitesse initiale, d'absence de
déformation des plombs et, par conséquent, de vitesse restante. Elle aura donc
à l'impact le maximum de puissance.
En ce qui concerne la dispersion, nous aurons à associer les
qualités de la cartouche à celles du forage. Dans le cas où notre genre de
chasse et notre adresse personnelle nous conseillent l'emploi d'un demi-choke,
ou même d'un cylindrique pour le premier coup, il n'est pas absolument
indispensable de demander à la munition un minimum de dispersion. Si, au
contraire, nous désirons obtenir le maximum d'un choke serré, il sera
nécessaire de faire usage d'une cartouche constituée de telle sorte qu'aucun
élément malencontreux ne vienne compromettre les qualités du forage.
En pratique, qui peut le plus peut le moins. Mettons deux
cartouches de toute première qualité dans nos canons, et nous aurons entière
satisfaction. Si nous désirons faire une petite économie, ne la faisons qu'à
bon escient et jamais aux dépens de la charge de poudre qui, dans tous les cas,
conditionne la puissance du coup.
Quoi qu'il en soit, nous voici sur le terrain : l'arme
nous convient, les munitions sont de bon aloi et, malheureusement, ça ne tombe
pas aussi souvent que nous l'aurions souhaité.
Soyons philosophes et raisonnons.
Si nous avons réussi la plupart des coups pour lesquels les
corrections de tir sont relativement faibles, gibier fuyant devant en
particulier, et que les pièces, même éloignées, soient tombées en bon style,
nous pourrons être certains de la qualité de nos munitions. Si nos déboires se
localisent dans l'exécution des coups de travers, particulièrement sur la
plume, soyons assurés qu'il manque quelque chose à notre savoir-faire et que,
dans ce cas, nous pourrions employer une arme à dispersion plus importante.
Tout au moins, l'essai en serait-il fait utilement en même temps qu'un effort
pour améliorer notre tir. Mais ce ne sont pas nos munitions qui ont tort !
Il est d'ailleurs des cas où des munitions spéciales
s'imposent ; avec des canons normaux il est pratiquement impossible de ne
pas manquer ou détériorer le gibier partant à très courte distance. En ce cas,
la cartouche dispersante nous tirera d'affaire et nous procurera un pourcentage
satisfaisant.
En somme, la responsabilité d'une suite de déboires mise au
compte de la qualité des munitions est le plus souvent le fait d'un
amour-propre mal placé dont l'expression n'abuse personne, croyons-le bien.
Si nous confectionnons nous-mêmes nos cartouches, nous
n'avons aucune raison de les suspecter, car nous aurions cent fois tort de
lésiner sur les éléments de chargement, ainsi que sur les soins à y apporter.
Gardons-nous toutefois des chargements fantastiques et souvenons-nous que, si
la passion de l'expérience est toujours honorable, elle ne peut, en cette
affaire, que nous faire perdre du temps et quelques pièces.
Si, au contraire, nous décidons d'avoir recours aux
munitions confectionnées, nous aurons toute tranquillité d'esprit en nous
adressant aux fabricants bien outillés, dont la garantie est synonyme de
qualité assurée. Ceux-là sont susceptibles d'effectuer les contrôles
nécessaires, d'employer toujours les meilleurs éléments de chargement et de
donner entière satisfaction au triple point de vue de la sécurité, de la
puissance et de la régularité. Ici encore nous aurions deux fois tort d'accuser
nos munitions.
Enfin si, par malheur, nous avons fait choix de quelque
cartouche réclame, adroitement présentée, mais dans la confection de laquelle
on a lésiné sur les quantités normales de poudre et de plomb ou employé des
éléments médiocres uniquement recommandables par leur bas prix, attendons-nous
cette fois à des résultats tout aussi médiocres. Les pièces les plus faciles ne
tomberont pas régulièrement au delà d'une portée très moyenne, et les autres ne
tomberont guère.
Cette fois, nous pourrons sans conteste accuser nos
munitions, mais c'est nous qui aurons eu tort dans notre choix, et trois fois
tort. Ce qu'il fallait démontrer.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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