Les chasseurs au chien courant utilisent leurs auxiliaires à
quatre pattes de deux manières très différentes, soit qu'ils veulent tirer,
soit qu'ils veulent prendre, c'est-à-dire : chasse à tir ou chasse à
courre ; d'où deux sortes de chiens : les suiveurs et les preneurs.
Ces deux grandes divisions, on l'imagine bien, ne sont pas
fermées par des cloisons étanches, et certains chiens de chasse à courre
peuvent être utilisés avec agrément à la chasse à tir quand ils manquent de
vitesse ou sont devenus vieux ; le contraire est beaucoup plus rare et
presque impossible pour tout dire. En effet, ce que les chasseurs demandent à
leurs chiens étant si différent de ce qu'en exigent les veneurs qu'une
sélection impitoyable délimite les deux catégories. S'il suffit pour les uns
d'avoir assez de nez et d'amour de la chasse pour rapprocher, lancer et suivre
jusqu'au coup de fusil qui arrange tout, pour prendre des animaux sauvages sans
le secours d'arme à feu, il faut, en plus des qualités énoncées plus haut et
poussées alors à l'extrême, le fond, le train et la sagesse.
Le train n'est pas toujours fonction de la taille comme
certain pourrait le croire, mais il est évident qu'un grand poitevin de 0m,70
possédera plus de vitesse qu'un minuscule beagle de 0m,36, par
exemple. Pour le fond, je serais tenté d'écrire qu'il réside dans le train — comme
je l'ai constaté si souvent dans les chevaux — car, sans considérer ici
l'importance indéniable de la structure ni l'heureux équilibre du modèle, il
n'y a pas un animal qui puisse soutenir sa vitesse maximum pendant la durée
normale d'une chasse, c'est-à-dire plus de trois heures ; ceux qui, très
rapides, galopent au-dessous de leurs moyens, peuvent le faire très longtemps.
Ceci ne se rencontrera, c'est évident, que chez des sujets suffisamment sages
et équilibrés dont la tête commande aux pattes afin de ne pas partir comme des
fous, comme font certains briquets, accusés alors un peu injustement de n'avoir
pas de fond quand ils ne pèchent en l'occurrence que d'un manque de pondération.
Les chasseurs qui suivent à pied, nous l'avons dit bien
souvent, n'ont pas besoin que cela marche vite ; une menée régulière
rassure plus une bête de chasse que des poussées à plein train qui l'affolent,
ainsi elle hésitera souvent avant de prendre un grand parti, se faisant battre
et rebattre dans de petits cantons pour le grand plaisir des tireurs. Si elle
se décide enfin à gagner quelques refuites éloignées, ce ne sera pas sans
espoir de retour ; après une randonnée plus ou moins longue devant cette meute
bruyante, mais dont la poursuite ne l'inquiète pas, elle retournera vers ses
enceintes d'attaque où l'attend le vieux praticien.
C'est pour cette raison que le chasseur à tir restera dans
la sage moyenne d'une bonne et agréable utilisation, en choisissant ses
auxiliaires parmi les races comprises entre 0m,36 et 0m,50.
Toutefois, s'il opère dans d'importants massifs forestiers, des chiens plus vites
et plus raides de train sont bien préférables. Dans ce cas, c'est le sanglier
qui est alors le plus souvent le principal objectif et, qu'il ait des chiens
lents ou vites à ses trousses, il va faire sa chasse à son allure, qui n'est
pas petite, tant s'en faut. Poursuivi par des chiens lents, au bout d'une heure
de chasse, il peut facilement avoir vingt minutes d'avance : allez donc
vous poster dans de semblables conditions ! ... Et plus il ira, et
plus il augmentera son avance, si bien qu'à moins d'un hasard providentiel
personne ne pourra le tirer. Au contraire, si les chiens sont raides comme
balle et que les chasseurs savent qu'à 500 mètres devant le petit vautrait
sautera le goret, cela simplifie la question, n'est-il pas vrai ?
Devant les qualités indéniables des chiens d'ordre, ces
qualités de tenue, de sagesse, de chasser correct et régulier, qui n'appartiennent
qu'à eux et qui en font des chiens parfaitement ordonnés comme dit leur
nom, certains chasseurs ont rêvé de posséder des chiens d'équipage de taille
réduite, c'est-à-dire de moins de 0m,60 et cela parce qu'ils
opéraient dans des forêts très vives et s'adonnaient à la chasse d'un seul
animal, renard ou sanglier le plus souvent.
En avons-nous reçu de ces demandes qui débutaient
généralement ainsi : « Si vous possédez dans votre excédent d'élevage
des sujets de 0m,55 — certains spécifiaient 0m,50, ou moins de 0
m50, — vous me rendriez service en me les réservant, car j'ai
l'intention de monter un petit équipage de chiens d'ordre dans cette taille,
etc. »
Ces chasseurs, je dois le dire d'après ce que j'ai vu, n'y
sont jamais parvenus sans croisement, j'ajouterai même sans croisement néfaste
le plus souvent ; la taille minimum du chien d'ordre est de 0m,62-0m,63,
il ne faut pas l'oublier ; si on laisse tomber la taille au-dessous, on
ouvre la porte au rachitisme, la tête et les aplombs se modifient et le chasser
aussi automatiquement. Beaucoup de nous ont vu naître de ces « culots
de portées » dont la taille oscillait, suivant les sujets, autour de 0m,55.
Les membres antérieurs n'étaient pas impeccables, avec des poignets marqués ou
légèrement déviés, le tout accompagné parfois d'œil clair et de ladre. Unis
entre eux, ils produisaient le plus souvent une très forte proportion de chiens
de taille normale, sauf, je dois l'avouer, chez un brave homme de
chasseur à tir qui, nourrissant très mal ses chiots, était parvenu, à cause de
cela, à ce tour de force peu enviable de créer, avec des géniteurs de bonnes
origines, un lot de sujets anémiques et mal fichus, incapables de chasser un
mulot ... Il est vrai que, pour un tel maître, c'était bien suffisant.
Ceci étant dit pour la chasse à tir, il semblerait que, pour prendre à courre,
il suffirait de se monter en chiens de la plus haute taille susceptibles de la
plus grande vitesse.
Cela serait peut-être vrai si la chasse ne se déroulait
qu'en plaine, et ce serait alors une sorte de coursing bien éloigné des
traditions de la vénerie française. Mais tous les veneurs ont remarqué combien
les chiens de taille moyenne dans leur race étaient autrement lestes et adroits
que les géants de l'espèce et pour cela plus propres à la chasse d'animaux
légers comme le lièvre et le chevreuil. De plus, la menée a lieu sous bois
aussi et, si dans les futaies cela va tout seul, il n'en est plus de même dès
que l'animal prend le fourré ; il faut que les chiens le suivent.
La bête de chasse emprunte dans les bois des coulées faites
à sa taille par lui ou quelque autre bête forestière ; un grand chien
passera aisément dans les coulées du cerf ou du sanglier ; il n'en sera
pas de même dans celles d'animaux plus petits. Il n'avancera qu'avec peine, s'y
fatiguera, s'y usera, s'y dégoûtera parfois.
Voici donc les raisons qui font proportionner la taille des
chiens à celle de l'animal de chasse.
Peut-on avec ces principes directeurs indiquer la taille
idéale pour chaque animal de vénerie ? Nous pouvons essayer de le faire en
laissant une assez grande latitude qui s'inspirera de la nature du sol et de la
configuration du terrain de chasse, choses qui peuvent parfois exiger un modèle
et une taille de chien propre au pays.
Et, puisque nous parlons chiffres, serait-il bon, avant de
préciser ces tailles, de rappeler le nombre de chiens qu'il faut pour prendre à
courre les animaux de vénerie ? Il est reconnu qu'un homme à pied, s'il
marche bien (ce qui veut dire s'il sait courir aussi ... nous le savons
par expérience), peut fort bien chasser et prendre des lièvres avec de 8 à 12
chiens. Pour le chevreuil, 15 à 20 chiens au moins sont nécessaires et l'homme
doit être à cheval. Un vautrait aura de 25 à 35 chiens au minimum pour espérer
forcer son sanglier. De même, pour prendre un cerf, il faudra de 30 à 50
chiens. Quant au renard, c'est un animal qu'on prend parfois avec 12 bons
briquets et qu'on manque avec 30 chiens, à cette chasse un peu spéciale chacun
opérant comme il l'entend.
Pour fixer la taille de nos chiens, commençons donc par ceux
qui chassent le plus petit de nos animaux courables : le lapin, car il
existe des équipages chassant à courre ce modeste animal : leur taille
varie entre 0m,28 et 0m.36.
Les veneurs chassant le lièvre à courre à pied emploient des
chiens toisant de 0m,40 à 0m,48. Ceux qui piquent à
cheval ont plus d'avantage à posséder des sujets de 0m,50 à 0m,60.
Pour le chevreuil, la taille des chiens de meute se tient
entre 0m,60 à 0m,66. L'idéal, je crois, serait entre 0m,62
et 0m,65 pour avoir les sujets lestes et requérants souhaitables à
cette chasse si fine.
Pour le cerf et le sanglier, nous voyons des grands chiens
de 0m,64 à 0m,70 ; nos préférences pour chasser la
bête noire seraient de posséder des sujets de 0m,60 à 0m,62.
Cela vient peut-être que, dans les pays où nous avons opéré, ces chiens-là se
tiraient mieux d'affaire que les autres.
Dans les pays très fourrés, des chiens de 0m,48 à
0m,52 sont très indiqués pour chasser le renard. Il est possible
qu'il existe d'autres contrées où de plus grands chiens soient nécessaires.
Il est certain qu'il y a des exceptions à ces règles qui ne
sont que des règles générales, exceptions motivées par le pays où opèrent
certains équipages et dont l'expérience à reconnu l'excellence.
Le chien le plus vite que j'aie connu était un griffon fauve
de 0m,58. Il y a un demi-siècle, on l'aurait dénommé briquet, mais
c'était un petit anglo-français, issu du croisement d'un harrier blanc et d'une
chienne fauve qui venait de Bretagne. Sur un sanglier, ce chien était
inabordable et, pendant les cinq ans où je l'ai vu chasser, jamais ses
propriétaires n'ont pu trouver de chiens capables de le suivre ; comme ils
chassaient à tir, cela n'avait pas grande importance, car un chien pareil
valait pour eux tout un équipage.
Mais ce ne sont pas ces exceptions dont nous ferons état
pour fixer la taille de nos chiens et nous nous conformerons aux enseignements
fournis par la pratique et la tradition ; ce sont toujours à ces deux
sources que les jeunes, assoiffés de vérités, devront aller puiser.
Guy HUBLOT.
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