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Le canoé en Europe

Le canoë est pratiqué presque partout en Europe et son développement est généralement en rapport avec les plans d'eau, le nombre et la nature des rivières que ses adeptes peuvent rencontrer dans leurs pays respectifs. Tour à tour, on observe une préférence marquée en faveur de la compétition ou du tourisme et partout, à l'inverse de la France, le kayak est plus répandu. Il faut chercher la cause de cette préférence dans la difficulté de transport des canoës par chemin de fer, qui est un obstacle sérieux aux déplacements des Français à l'étranger.

De tous les pays nordiques, c'est certainement la Suède qui compte le plus grand nombre de canoéistes. Il ne semble pas que le canoë canadien et le tourisme nautique y soient très répandus, mais la compétition y connaît une grande faveur avec d'excellents champions. Les kayaks rigides de course ont, du reste, été mis au point en Suède, et leur construction est impeccable.

L'Angleterre, où les sports nautiques jouissent d'une grande considération, a cependant été longue à adopter le canoë, qui y est peu répandu. Il est vrai que son réseau nautique ne se prête pas à un grand développement du tourisme tel que nous le pratiquons, et les Anglais s'intéressent plus particulièrement à la compétition sans atteindre la renommée qu'a chez eux le rowing.

Si la Belgique renferme quelques agréables cours d'eau, telle la Semoy, d'accès facile pour les Français, elle n'a cependant aucune rivière sportive qui puisse justifier l'ardeur des Belges, relativement nombreux, qui pratiquent le canoë. Compétition et tourisme se partagent leur faveur et, puisque pour descendre d'intéressantes rivières, il leur faut franchir la frontière, ils préfèrent en général le kayak.

Aucune activité canoéiste ne se manifeste en Espagne ; certaines rivières peuvent cependant y être descendues et l'an dernier, une croisière a été effectuée sur le Douro, jusqu'au Portugal, par un groupe de membres du Canoë-Club de France, au prix de sérieuses difficultés.

Les Italiens ne semblent pas non plus s'intéresser au canoë. Ils ont cependant à leur disposition un certain nombre de rivières originaires des Alpes qui méritent d'être prospectées sur des parcours plus ou moins étendus.

C'est en Allemagne et dans les pays d'Europe centrale que le canoë est le plus développé. Il y atteint la renommée d'un sport national, et les spectateurs se déplacent par dizaines de milliers pour assister aux compétitions et manifester leur enthousiasme aux champions ; nos représentants ont pu s'en rendre compte l'an dernier, à l'occasion des championnats du monde de slalom, qui furent disputés en Autriche. Est-ce l'absence de débouchés maritimes de plusieurs de ces pays qui développe une telle ferveur à l'égard des sports d'eau douce ?

À l'exception de la Tchécoslovaquie, le kayak règne en maître en Europe centrale. La nature des rivières, d'origine alpestre, à gros volume d'eau, mais moins encombrées que les nôtres, lui convient parfaitement bien. L'accès de ces rivières de montagne est généralement plus difficile que chez nous par chemin de fer et le bateau pliant se prête mieux au transport par route.

Les premiers kayaks modernes virent le jour en Allemagne et, avant guerre, nous devions avoir recours à l'importation pour obtenir de bons bateaux ; depuis, les constructeurs français ont su mettre au point des modèles qui nous conviennent parfaitement. De grandes améliorations techniques ont été apportées par les Autrichiens, tant au point de vue utilisation que matériel, avec une faveur marquée à l'égard des kayaks étroits, propres à l'esquimautage.

Nous avons dit que le canoë canadien était pratiqué en Tchécoslovaquie. La technique de descente des rivières n'y est cependant pas poussée à un degré aussi élevé que chez nous. La « méthode tchèque » de pagaie est très différente de la nôtre : chaque pagayeur est appuyé sur un seul genou, l'autre jambe très allongée en arrière. En biplace, les deux équipiers sont groupés au centre du bateau, presque côte à côte. Cette méthode procure un coup de pagaie extrêmement puissant et elle est universellement adoptée pour les courses de vitesse pure. Les slaloms internationaux disputés ces dernières années nous ont permis, en remportant toujours les premières places, de mettre en évidence la supériorité de la technique française en eau agitée. L'an dernier, nous avons pu voir des équipes tchèques pratiquant notre style. Ce genre de compétition nous permet également de constater que notre matériel est le mieux adapté aux exigences de la rivière sportive.

Plus près de nous, la Suisse, pays montagneux, offre de grandes possibilités aux canoéistes, qui y sont nombreux. On y trouve une gamme de rivières de toutes difficultés et des lacs magnifiques. La Suisse semble subir l'influence de ses voisins et, si le kayak y existait seul avant guerre, on y rencontre maintenant une forte proportion de canoës manœuvrés par d'excellentes équipes pratiquant la technique française. Plusieurs championnats de slalom eurent lieu à Genève et les succès de nos représentants furent à l'origine d'une étroite collaboration entre le Canoë-Club de Genève et le Canoë-Club de France.

Quelles possibilités les pays d'Europe offrent-ils aux canoéistes français ? Pouvons-nous y trouver des rivières plus attrayantes que chez nous ?

Tout voyage à l'étranger présente un attrait particulier indépendant du mode de transport et du but poursuivi. Quant aux rivières, beaucoup auront un air de famille avec les nôtres, certaines présenteront peut-être un caractère différent, mais je ne pense pas que l'on puisse en trouver de plus belles et surtout une aussi grande variété dans aucun pays d'Europe.

Nous n'avons que très peu de renseignements sur les rivières nordiques, mais, par contre, notre documentation sur l'Europe centrale est assez complète, grâce aux relations qui existent avec ces pays et aux croisières effectuées par des équipes françaises.

Actuellement, les deux pays les plus faciles à visiter sont l'Autriche, où il est possible de descendre, entre autres, l’Enns, la Salzach, l'Inn, le Danube ; et la Suisse, qui nous offre, parmi un grand choix : la Reuss, le Rhône, la Serine, la Thur, l'Aar, le Rhin et la variété de ses lacs.

G. NOËL.

Le Chasseur Français N°667 Septembre 1952 Page 542