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Installons une cressonnière

Que l'on dispose ou non d'eau courante, il est facile d'obtenir du cresson dit de fontaine, légume intéressant et souvent fort recherché.

Pratique de l'installation d'une cressonnière lorsqu'on dispose d'eau courante.

— 1° L'eau : elle doit être claire, le cresson sera d'autant plus tendre et plus agréable que l'eau sera vive ; les eaux trop calcaires sont à rejeter, en raison du dépôt blanchâtre calcaire qu'elles déposent sur les feuilles, entravant ainsi les fonctions végétatives et, par suite, le développement de la plante. Par contre, les eaux chargées de fer sont excellentes, en raison de cet élément favorable au cresson. La température de l'eau a également son importance : ni trop chaude, ni trop froide : la bonne moyenne oscille entre 10° et 12°. Le débit sera régulier en tous temps : en été pour satisfaire aux besoins de la plante et, en hiver, pour éviter les graves risques de destruction dus au gel : environ 2 litres à la seconde. En conséquence, la meilleure eau est celle des sources, ou celle des ruisseaux à eau vive qu'on utilisera par dérivations.

Établissement de la fosse : ses dimensions seront évidemment fonction du terrain dont on dispose et du but proposé (consommation familiale ou petite vente) : deux beaux pieds constituent une salade pour deux ou trois personnes. On peut tabler sur une longueur minimum de 3 mètres et maximum de 8 mètres ; une largeur de 1m,50 à 2m,50 et une profondeur de 0m,50. La meilleure orientation de la fosse est nord-sud, car est-ouest, en hiver, la face exposée au sud ne dégèlerait que très lentement et parfois même pas du tout si le froid est rigoureux. On donnera la pente nécessaire au sol de la fosse : trop faible, l'eau stagnerait et communiquerait une odeur de vase ; trop rapide, l'eau déracinerait les plants à l'état jeune et déformerait les rives. Une bonne moyenne, compte tenu d'un débit normal, est de 2 millimètres par mètre. Mais il faudra établir sous la nappe d'eau un sol artificiel dans lequel les racines viendront plonger et puiser leur nourriture. À cet effet, on bêchera soigneusement le fond de la fosse et on enrichira le milieu en incorporant à la terre et par are : soit un simple mélange de terreau et de bonne terre de jardin avec un apport de scories (6 kilogrammes), soit :

Sang desséché 9 kilogrammes.
Superphosphates 6
Sulfate de potasse 3

Niveler et plomber convenablement. Les parois de la fosse seront tranchées bien verticalement et consolidées, si besoin est, à l'aide de grillage.

On fera arriver l'eau (dérivation, canalisation et vannes) une quinzaine de jours plus tard, en un filet léger, jusqu'à obtention d'une boue sur le fond de la fosse : c'est sur celle-ci que le cresson sera semé ou planté.

Plantation de la fosse. — Variété de cresson conseillée : Cresson de fontaine amélioré à larges feuilles : il donne des feuilles tendres et amples, abondantes ; sa culture est facile et les rendements satisfaisants.

La multiplication se fait par semis ou par bouturage. Dans le cas du bouturage, il faut d'abord obtenir des tiges pourvues de racines que l'on pique, tous les 10 centimètres, sur le fond de la fosse et que l'on dispose soit en carrés, soit en quinconce à l'aide d'un plantoir. On plombe soigneusement et on laisse arriver l'eau sur une hauteur de 5 centimètres environ, mais lentement. En fonction de la croissance des plants, on élèvera progressivement le niveau de l'eau, et l'écoulement nécessaire s'établira finalement. On pourra récolter environ trois semaines à un mois après la plantation.

Le procédé du bouturage — utilisé principalement à l'automne — est de plus en plus abandonné en raison de la rapide dégénérescence de cette plante et de l'envahissement de la culture par les mauvaises herbes.

Dans le cas du semis, on sèmera sur le fond de la fosse la graine mélangée au préalable à du sable (en raison de sa finesse : 4.000 graines au gramme), à la volée, d'avril à juin, en ne dépassant pas la dose de 4 grammes au mètre carré. La levée aura lieu au bout de trois à cinq jours après le semis et, une semaine plus tard, le cresson atteignant vite quelques centimètres de hauteur, on laissera rentrer un léger filet d'eau pour obtenir un niveau d'eau, dans la fosse, d'une dizaine de centimètres. Assurer, en fonction de la croissance de la plante, le niveau d'eau nécessaire et assurer, finalement, l'écoulement nécessaire. Récolter cinq à six semaines après le semis effectué. Lorsqu'on fera une deuxième coupe, il est recommandé de « rouler » la cressonnière afin de favoriser l'enracinement des jeunes plants.

Entretien de la cressonnière. — Ainsi constituée, la cressonnière sera entretenue convenablement afin d'empêcher son envahissement par les mauvaises herbes et en vue d'obtenir le rendement maximum, tant en quantité qu'en qualité. À cet effet, on procédera :

1° Après chaque coupe, à la remise en place dans le fond de la fosse des plants ayant pu être déterrés lors de la cueillette (opérations dites du schnellage et paquage en cultures industrielles).

À la fumure : l'eau vive, d'une part, entraîne fatalement une partie plus ou moins grande des matières nutritives, et, d'autre part, la plante épuise le sol, aussi est-il nécessaire de renouveler la fumure. À cet effet, on baissera le niveau de l'eau et on apportera, non plus du fumier bien décomposé qu'on plaquait au sol (en raison du danger de contamination : typhus, etc. ...), mais des engrais phosphatés minéraux à action rapide :

Superphosphate 4 kilogrammes à l'are.
Scories — —

et, ensuite, on remet l'eau nécessaire.

Lutte contre les mauvaises herbes : les plantes aquatiques : la lentille d'eau, les berles, les véroniques dites cresson de cheval ; le plus simple est de les tirer à la main ; et les insectes, surtout au printemps l’altise, attaquent les semis : il suffit d'arroser et, en cas d'insuccès, de poudrer au roténone.

4° Une plantation de cresson bien conduite doit durer trois ans et, au bout de ce délai, il est bon de la renouveler.

Si on ne dispose pas d'eau courante, la culture du cresson est néanmoins possible.

— On peut pratiquer la culture en baquet, ou également dans une fosse : en un endroit peu ensoleillé, creuser une fosse selon l'emplacement disponible. Se baser, pour quatre personnes, sur une fosse de 2 mètres de long sur 1m,50 de large. Selon la nature du sol, obtenir un fond peu perméable, mais non totalement imperméable. Si le sol est quelque peu compact (tendance argileuse), il suffira de le damer.

Si le sol est assez peu compact, il suffira d'y répandre des cailloux, de les recouvrir d'une couche de sable de quelques centimètres, puis d'une couche de terre de jardin mêlée à du terreau (épaisseur 10 centimètres). Après nivellement et plombage, on sèmera la graine, mais, en raison de sa finesse, on l'enterrera très peu profondément. On assurera une humidité constante par des bassinages afin de faciliter la levée. Puis, quand les plants sont assez forts, on procédera à des arrosages réguliers et abondants. On récoltera comme il a été dit plus haut. En raison, de par ce mode opératoire, d'une floraison rapide et facile des plants, il faudra récolter régulièrement. Si, malgré tout, les plants venaient à fleurir, il faudrait les couper dès observation des premières fleurs.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°667 Septembre 1952 Page 545