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Élevage

Désinfection des locaux

réservés aux animaux

L'épidémie de fièvre aphteuse qui sévit actuellement en France, dans la grande majorité de nos départements, et dans quelques-uns sous des formes particulièrement graves, doit appeler l'attention des cultivateurs sur les avantages de cette mesure d'hygiène et de salubrité. Du reste, dans tous les cas de maladie contagieuse à tendance épidémique, elle peut être imposée par la loi, sous la surveillance des vétérinaires sanitaires, qui conseillent et guident les intéressés ; mais, en tout temps, les propriétaires d'animaux doivent être persuadés qu'ils ne sauraient mieux travailler au bon état de santé de ceux-ci et, de ce fait, à leurs intérêts immédiats, qu'en observant, de leur propre mouvement, au moins une fois l'an, cette mesure de sauvegarde que leur conseille à la fois la propreté et l'hygiène.

« La propreté, c'est la santé », dit un vieil adage qui s'applique aux « bêtes et aux gens » et, par voie de conséquence, aux différents locaux où les uns et les autres passent une grande partie de leur existence. Or la désinfection, c'est, en fait, de la propreté intensifiée, au sens banal du mot, comprenant l'ensemble des opérations qui ont pour but de détruire, en plus, les microbes, les parasites ou leurs germes, partout où ils exercent leurs méfaits comme agents de contagion, dans les écuries, étables, bergeries, porcheries, chenils, etc. Certes, elle occasionne une main-d'œuvre supplémentaire, demande du temps et de l'argent, si peu que ce soit, mais les garanties qu'on en peut attendre remboursent toujours largement les peines et les dépenses acceptées pour son exécution.

À noter que la loi sur la police sanitaire (loi du 21 juin 1898) fait une obligation de la désinfection, et le décret du 6 octobre 1904, portant règlement d'administration publique, prescrit les différentes mesures applicables à chacune des maladies contagieuses énumérées dans la loi. Pour qu'une désinfection ne soit pas une mesure exceptionnelle de contrainte ou de désagréments et devienne d'une application courante et facile, il faut :

  1. Que l'opération puisse être rapide, peu coûteuse et exempte de tout danger pour l'homme et pour les animaux.
  2. Que la substance antiseptique utilisée soit inoffensive et d'un prix réduit et aussi qu'elle puisse être employée en grande quantité pour arroser abondamment le sol, les murs, les mangeoires, rigoles, etc.
  3. L'expérience et la pratique montrent que la désinfection est d'autant plus efficace quand le désinfectant est projeté sous pression au lieu d'être appliqué avec des brosses ou des pinceaux, aussi l'usage d'une pompe à jet est-il à préférer dans tous les cas.

La première chose à faire, pour pratiquer une désinfection profitable, disait le regretté professeur de zootechnie P. Dechambre, est le nettoyage parfait du local : enlèvement des litières, des fumiers, lavage à grande eau, brossage des murs, surtout dans leur partie inférieure, grattage du sol dans les parties les plus souillées, etc.

Lorsque le sol n'est ni pavé, ni cimenté, ce qui est le cas dans beaucoup d'exploitations agricoles, la désinfection ne sera réellement complète que si l'on a recours à la réfection du sol. Pour ce faire, on enlève la couche superficielle de terre battue ou de marne sur une épaisseur de 15 à 20 centimètres et on la remplace par une couche nouvelle bien tassée.

Cette réfection, nécessaire au niveau des parties très souillées, est à conseiller spécialement dans les bergeries où le fumier n'est pas enlevé souvent et où des germes peuvent persister dans la couche superficielle du sol. Ajoutons qu'il y aura avantage à mélanger la terre nouvelle avec du goudron de houille ou coaltar, l'arroser avec un lait de chaux crésylé ou bien la saupoudrer de chaux vive.

Parmi les antiseptiques d'usage courant, ceux qui répondent le mieux aux exigences d'une bonne désinfection sont la chaux, les hydrates alcalins, le chlorure de chaux, l'eau de Javel, etc.

Le lait de chaux à 20 p. 100, obtenu en éteignant 1 kilo de chaux en pierre dans 10 litres d'eau, à cause de la facilité avec laquelle on le prépare et on l'emploie, aussi pour son bon marché, est très recommandable pour la désinfection des murs, des boiseries, soit qu'on le projette à l'aide d'un balai ou, mieux, d'une pompe à jet ou pulvérisateur. Sa puissance désinfectante, qui ne s'exerce utilement que sur des germes peu résistants (entérites, diarrhée des veaux, gourme, pneumonies, etc.), peut être augmentée en y ajoutant une certaine proportion de crésyl ; dix parties de chaux éteinte dans cent parties d'eau, auxquelles on ajoute trois ou quatre parties de crésyl, forment un mélange excellent pour le blanchiment des murs. L'hypochlorite de chaux, qui agit à la fois par son chlore et par la chaux, employé en solution de 2 à 5 p. 100, constitue un très bon désinfectant ; il a l'inconvénient d'exiger l'évacuation complète du local, surtout de l'étable, à cause de l'odeur prononcée du chlore qui se dégage et risque d'incommoder les animaux et de donner mauvais goût au lait récolté. L'arrosage du sol avec une solution d'hyposulfite de soude à 1 ou 2 p. 100 suffit pour réduire très sensiblement cet inconvénient.

La soude et la potasse caustique en solution à 5 p. 100, ou leur mélange avec un lait de chaux, agit aussi très efficacement quand il est fraîchement préparé ; il sert en même temps pour désinfecter et pour blanchir. La vulgaire « eau de Javel », tant répandue sans qu'on sache le plus souvent qu'elle est une solution d'hypochlorites de potasse et de soude, a des qualités désinfectantes et désodorisantes maintes fois mises en valeur par les chimistes et les hygiénistes (1 litre d'eau de Javel pour 10 ou 15 litres d'eau chaude). Enfin, parmi tant d'autres désinfectants utilisés, dont nous nous réservons de compléter la liste, citons encore la populaire « eau de lessive », qui a aussi des qualités désinfectantes trop méconnues, mais que le Dr Marchoux a mises en relief en écrivant :

« Avec une bonne lessiveuse, une éponge, une brosse et de l'eau, on est aussi bien armé pour la désinfection qu'avec une tonne de sublimé ! » Dont acte, en attendant mieux.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°667 Septembre 1952 Page 551