La question de la garantie des voitures neuves et même des
automobiles d'occasion fait l'objet actuellement de nombreuses controverses.
Cette question mérite un examen attentif. Pour la construction neuve, la
garantie apportée par le fabricant s'étend ordinairement sur une durée de six
mois. Elle se borne à assurer une petite mise au point après les 500 premiers
kilomètres, quelquefois une autre après le millième, et à s'engager à échanger
les pièces reconnues défectueuses, la main-d'œuvre restant à la charge entière
du client. L'usager se fait peu d'illusions sur la valeur d'une telle garantie
et les frictions sont nombreuses entre constructeur et client au premier
accident mécanique. Avant guerre, l'idée d'asseoir la garantie sur des bases
plus sérieuses faisait peu à peu son chemin, et l'on n'était pas loin d'obtenir
des constructeurs la garantie complète durant six mois : pièces plus
main-d'œuvre. Que de fois nous avons constaté que le prix de la pièce échangée
était de l'ordre de quelques dizaines de francs, alors que la mise en place de
celle-ci nécessitait la dépose du moteur, de la boîte ou du pont, soit donc
plusieurs milliers de francs de main-d'œuvre. C'est le cas de rupture d'un
boulon de bielle, d'un ressort d'embrayage, d'une clavette ou d'une goupille
plus ou moins accessible. Plus récemment, n'avons-nous pas vu un constructeur,
et non des moindres, ayant une nouvelle peinture-émail très résistante et d'un
éclat splendide, si résistante qu'elle péchait par excès contraire et
s'écaillait naturellement par larges plaques, se contenter de fournir
gratuitement le peu de peinture nécessaire aux raccords et facturer la
main-d'œuvre, qui, dans ce cas, était assez onéreuse. Non ! l’usager, pour
une durée de six mois, dans le cas de véhicule neuf, réclame la garantie
totale. Disons tout de suite que certains constructeurs sont, en ce moment,
assez larges d'idées sur ce point et que, s'il n'y a pas eu faute de conduite
caractérisée, la main-d'œuvre est comptée au strict minimum, parfois même pas
du tout. Et nous venons d'effleurer le point le plus délicat de toute garantie :
la faute de conduite. En limitant notre garantie à l'échange des pièces
reconnues défectueuses, disent certains, nous obligeons l'usager à éviter le
plus possible toutes fautes de conduite. Et celles-ci sont nombreuses. Citons,
pour le moteur, le manque d'huile ou d'eau, l'excès de vitesse dans la période
du rodage ; pour le châssis, le choc des roues contre un trottoir ou un
obstacle quelconque ; pour la boîte, une rétrogradation brutale des
vitesses, etc. La mécanique la plus solide ne saurait résister longtemps à un
tel régime. Si le vendeur est obligé de réparer gratuitement et totalement
toutes les conséquences de l'insouciance et de l'incompétence du pilote, on
dépasse, en toute justice, le but cherché. Bien sûr, il est toujours possible
de faire intervenir dans le texte de la garantie des clauses particulières, en
éliminant le mauvais conducteur. Mais nous voici dans la procédure : où
commence la faute et où cesse la conduite, disons sportive ? Nous avons
connu des boîtes de vitesses délicates, des ponts arrière faibles, des pivots
d'essieu trop minces, des châssis calculés au plus juste, avec lesquels une
faute de conduite n'était pas nécessaire pour rester sur place. Nous avons vu
aussi le client-cobaye, qui, acheteur des premiers numéros de type nouveau,
essuyait les plâtres et concourait bénévolement et à ses frais à la mise au
point du modèle inédit. Quoi qu'il en soit, sauf faute lourde à prouver par le
constructeur, la garantie du neuf doit être totale pendant le délai fixé.
Remarquons que cette garantie s'étend sur un kilométrage
moyen de 10.000 à 12.000 kilomètres. Les voitures modernes sont à ce moment
dans leur toute première jeunesse et à peine sorties de leur période de rodage.
Si toute la mécanique a été montée correctement et si l'usager n'est pas une
brute ou un grand nerveux, les accidents mécaniques graves sont très rares. Et
nous voici tout naturellement appelé à dire quelques mots sur la garantie des
voitures d'occasion. Beaucoup d'automobilistes ont fait de cuisants essais lors
de l'achat d'un véhicule de seconde main. Le plus souvent, ils se trouvent
devant une loterie ; il y a bien quelques gagnants, mais beaucoup de
perdants. Pour les prix, on consulte des « cotes » où chaque véhicule
est classé par marque, type et âge. En face, un prix qui correspond à une
machine en bon état de marche, sans pièces usées anormalement ou brisées,
équipée de cinq pneus ne dépassant pas 50 p. 100 d'usure. Pour s'y
retrouver dans les âges, car l'automobile à vendre est une grande coquette qui
cache le plus souvent sa date de naissance, on indique, en face des années de
fabrication, le numéro de châssis. Des experts ont établi les prix en se basant
sur la loi de l'offre et de la demande. Il y a actuellement plusieurs « cotes ».
La plus ancienne est celle de l'Argus de l'Automobile, journal
professionnel des patentés de l'automobile. Elle fait plus ou moins loi auprès
des tribunaux, et beaucoup d'usagers et de professionnels s'en inspirent pour
fixer leurs transactions. D'autres cotes apportent également leur concours en
la matière ; leurs cours sont d'ailleurs assez voisins de ceux de la
précédente.
Malheureusement, ce qui peut moins se mettre en barème,
c'est l'état mécanique réel du véhicule considéré, et tel véhicule est souvent
très loin de l'état normal de marche. Même un mécanicien ne peut pas toujours,
à première vue, sans démontage complet ou plus ou moins partiel, se rendre
compte de l'état exact de la voiture présentée à la vente. Pour faire venir, ou
revenir, les acheteurs à l'occasion, dont le marché connaît un certain marasme,
des professionnels ont songé à donner à leur véhicule vendu d'occasion une
garantie sérieuse.
C'est là un effort louable qu'il importe d'encourager. On ne
saurait prétendre donner une garantie à un véhicule trop ancien. Il y a là trop
de risques, et celui qui acquiert à bas prix une voiture ancienne doit savoir,
au moment où il traite, les assumer. On semble vouloir limiter à trois ans
d'âge la garantie en question. Les voitures de série qui n'ont pas dépassé les
trois années depuis leur mise en circulation sont encore d'un prix respectable,
de 300.000 à 500.000 francs, et peuvent rendre de précieux services. Il y a une
couche profonde d'acquéreurs de voitures d'occasion qui, ne pouvant acquérir du
neuf, parce que trop cher et avec des délais de livraison trop longs,
n'hésiteraient pas à traiter une voiture de seconde main si des garanties
sérieuses leurs étaient données. La garantie de trois mois que certains
négociants en occasion préconisent serait très acceptable. Elle doit, pour être
effective, s'étendre non seulement à l'échange des pièces reconnues
défectueuses, mais également à la main-d'œuvre. Il faut s'empresser d'ajouter
que la question est ici beaucoup plus délicate que pour le neuf. Le vendeur
peut être de bonne foi, mais il doit prendre le risque d'usure prématurée ou
d'un maquillage toujours possible. Mais c'est un professionnel, il a des moyens
de détection, des mécaniciens et des ateliers à son service, toutes choses que
ne possède pas le profane. Comme pour toute assurance, on peut chiffrer ce
risque, et certains négociants l'établissent à 20.000 francs par véhicule. Qui
hésiterait à payer son véhicule d'occasion « garanti » 20.000 francs
de plus que celui indiqué à la « cote » s'il était sûr d'être à
l'abri de fâcheuses surprises ? Quelle source d'affaires nouvelles
trouverait là une maison sérieuse aux moyens puissants, et quelle déroute chez
les margoulins de tout poil qui gravitent autour du marché de l'occasion !
L'idée fait son chemin. Souhaitons-lui bonne route.
G. AVANDO,
Ingénieur E. T. P.
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