Accueil  > Années 1952  > N°667 Septembre 1952  > Page 556 Tous droits réservés

Automobile

La garantie

La question de la garantie des voitures neuves et même des automobiles d'occasion fait l'objet actuellement de nombreuses controverses. Cette question mérite un examen attentif. Pour la construction neuve, la garantie apportée par le fabricant s'étend ordinairement sur une durée de six mois. Elle se borne à assurer une petite mise au point après les 500 premiers kilomètres, quelquefois une autre après le millième, et à s'engager à échanger les pièces reconnues défectueuses, la main-d'œuvre restant à la charge entière du client. L'usager se fait peu d'illusions sur la valeur d'une telle garantie et les frictions sont nombreuses entre constructeur et client au premier accident mécanique. Avant guerre, l'idée d'asseoir la garantie sur des bases plus sérieuses faisait peu à peu son chemin, et l'on n'était pas loin d'obtenir des constructeurs la garantie complète durant six mois : pièces plus main-d'œuvre. Que de fois nous avons constaté que le prix de la pièce échangée était de l'ordre de quelques dizaines de francs, alors que la mise en place de celle-ci nécessitait la dépose du moteur, de la boîte ou du pont, soit donc plusieurs milliers de francs de main-d'œuvre. C'est le cas de rupture d'un boulon de bielle, d'un ressort d'embrayage, d'une clavette ou d'une goupille plus ou moins accessible. Plus récemment, n'avons-nous pas vu un constructeur, et non des moindres, ayant une nouvelle peinture-émail très résistante et d'un éclat splendide, si résistante qu'elle péchait par excès contraire et s'écaillait naturellement par larges plaques, se contenter de fournir gratuitement le peu de peinture nécessaire aux raccords et facturer la main-d'œuvre, qui, dans ce cas, était assez onéreuse. Non ! l’usager, pour une durée de six mois, dans le cas de véhicule neuf, réclame la garantie totale. Disons tout de suite que certains constructeurs sont, en ce moment, assez larges d'idées sur ce point et que, s'il n'y a pas eu faute de conduite caractérisée, la main-d'œuvre est comptée au strict minimum, parfois même pas du tout. Et nous venons d'effleurer le point le plus délicat de toute garantie : la faute de conduite. En limitant notre garantie à l'échange des pièces reconnues défectueuses, disent certains, nous obligeons l'usager à éviter le plus possible toutes fautes de conduite. Et celles-ci sont nombreuses. Citons, pour le moteur, le manque d'huile ou d'eau, l'excès de vitesse dans la période du rodage ; pour le châssis, le choc des roues contre un trottoir ou un obstacle quelconque ; pour la boîte, une rétrogradation brutale des vitesses, etc. La mécanique la plus solide ne saurait résister longtemps à un tel régime. Si le vendeur est obligé de réparer gratuitement et totalement toutes les conséquences de l'insouciance et de l'incompétence du pilote, on dépasse, en toute justice, le but cherché. Bien sûr, il est toujours possible de faire intervenir dans le texte de la garantie des clauses particulières, en éliminant le mauvais conducteur. Mais nous voici dans la procédure : où commence la faute et où cesse la conduite, disons sportive ? Nous avons connu des boîtes de vitesses délicates, des ponts arrière faibles, des pivots d'essieu trop minces, des châssis calculés au plus juste, avec lesquels une faute de conduite n'était pas nécessaire pour rester sur place. Nous avons vu aussi le client-cobaye, qui, acheteur des premiers numéros de type nouveau, essuyait les plâtres et concourait bénévolement et à ses frais à la mise au point du modèle inédit. Quoi qu'il en soit, sauf faute lourde à prouver par le constructeur, la garantie du neuf doit être totale pendant le délai fixé.

Remarquons que cette garantie s'étend sur un kilométrage moyen de 10.000 à 12.000 kilomètres. Les voitures modernes sont à ce moment dans leur toute première jeunesse et à peine sorties de leur période de rodage. Si toute la mécanique a été montée correctement et si l'usager n'est pas une brute ou un grand nerveux, les accidents mécaniques graves sont très rares. Et nous voici tout naturellement appelé à dire quelques mots sur la garantie des voitures d'occasion. Beaucoup d'automobilistes ont fait de cuisants essais lors de l'achat d'un véhicule de seconde main. Le plus souvent, ils se trouvent devant une loterie ; il y a bien quelques gagnants, mais beaucoup de perdants. Pour les prix, on consulte des « cotes » où chaque véhicule est classé par marque, type et âge. En face, un prix qui correspond à une machine en bon état de marche, sans pièces usées anormalement ou brisées, équipée de cinq pneus ne dépassant pas 50 p. 100 d'usure. Pour s'y retrouver dans les âges, car l'automobile à vendre est une grande coquette qui cache le plus souvent sa date de naissance, on indique, en face des années de fabrication, le numéro de châssis. Des experts ont établi les prix en se basant sur la loi de l'offre et de la demande. Il y a actuellement plusieurs « cotes ». La plus ancienne est celle de l'Argus de l'Automobile, journal professionnel des patentés de l'automobile. Elle fait plus ou moins loi auprès des tribunaux, et beaucoup d'usagers et de professionnels s'en inspirent pour fixer leurs transactions. D'autres cotes apportent également leur concours en la matière ; leurs cours sont d'ailleurs assez voisins de ceux de la précédente.

Malheureusement, ce qui peut moins se mettre en barème, c'est l'état mécanique réel du véhicule considéré, et tel véhicule est souvent très loin de l'état normal de marche. Même un mécanicien ne peut pas toujours, à première vue, sans démontage complet ou plus ou moins partiel, se rendre compte de l'état exact de la voiture présentée à la vente. Pour faire venir, ou revenir, les acheteurs à l'occasion, dont le marché connaît un certain marasme, des professionnels ont songé à donner à leur véhicule vendu d'occasion une garantie sérieuse.

C'est là un effort louable qu'il importe d'encourager. On ne saurait prétendre donner une garantie à un véhicule trop ancien. Il y a là trop de risques, et celui qui acquiert à bas prix une voiture ancienne doit savoir, au moment où il traite, les assumer. On semble vouloir limiter à trois ans d'âge la garantie en question. Les voitures de série qui n'ont pas dépassé les trois années depuis leur mise en circulation sont encore d'un prix respectable, de 300.000 à 500.000 francs, et peuvent rendre de précieux services. Il y a une couche profonde d'acquéreurs de voitures d'occasion qui, ne pouvant acquérir du neuf, parce que trop cher et avec des délais de livraison trop longs, n'hésiteraient pas à traiter une voiture de seconde main si des garanties sérieuses leurs étaient données. La garantie de trois mois que certains négociants en occasion préconisent serait très acceptable. Elle doit, pour être effective, s'étendre non seulement à l'échange des pièces reconnues défectueuses, mais également à la main-d'œuvre. Il faut s'empresser d'ajouter que la question est ici beaucoup plus délicate que pour le neuf. Le vendeur peut être de bonne foi, mais il doit prendre le risque d'usure prématurée ou d'un maquillage toujours possible. Mais c'est un professionnel, il a des moyens de détection, des mécaniciens et des ateliers à son service, toutes choses que ne possède pas le profane. Comme pour toute assurance, on peut chiffrer ce risque, et certains négociants l'établissent à 20.000 francs par véhicule. Qui hésiterait à payer son véhicule d'occasion « garanti » 20.000 francs de plus que celui indiqué à la « cote » s'il était sûr d'être à l'abri de fâcheuses surprises ? Quelle source d'affaires nouvelles trouverait là une maison sérieuse aux moyens puissants, et quelle déroute chez les margoulins de tout poil qui gravitent autour du marché de l'occasion ! L'idée fait son chemin. Souhaitons-lui bonne route.

G. AVANDO,

Ingénieur E. T. P.

Le Chasseur Français N°667 Septembre 1952 Page 556