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La signalisation routière

Le Code de la route est de nouveau en instance de révision et il est question de revoir aussi le problème des panneaux de signalisation. Espérons que ce sera dans le sens de la simplification.

Car on se demande quels efforts d'imagination ont dû faire les commissions précédentes pour trouver quelque chose d'aussi inutilement compliqué. À tel point qu'étudiant le problème des croisements le rédacteur d'un grand quotidien avouait ne point s'y reconnaître et écrivait : « Ce qui me console de mon échec, c'est qu'à une réunion d'experts pas un seul d'entre eux ne fut capable de définir avec précision ces différents cas. »

Il semble pourtant bien simple de partir de ce principe :

« Chaque fois que la chose est possible, un signal doit pouvoir être compris sans avoir besoin d'être appris. » Quand je vois un panneau indiquant une barrière, je comprends qu'il y a une barrière sur la route. Mais quand je vois un triangle, quelle que soit sa couleur et qu'il ait la pointe en haut ou en bas, je ne comprends rien ; il faut que j'aie appris sa signification. Puisque des candidats au permis de conduire se font coller sur ces questions, on se doit de rechercher s'il n'y a pas mieux.

Après plus d'un quart de siècle on a tout de même fini par s'en rendre compte, puisque, depuis quelque temps, est apparu sur les routes à « grande circulation » un nouveau signal : flèche verticale à grosse tige coupée d'un mince trait horizontal. Le plus borné des conducteurs traduit spontanément : « Je suis sur la route à grande circulation et je vais croiser une route secondaire. J'ai la priorité. » Mais pourquoi a-t-on laissé sur ces routes secondaires le fameux triangle avec la pointe en bas ? Il suffisait de reproduire la flèche en intervertissant les proportions : petite tige, gros trait horizontal. Traduction évidente : « Je suis sur la petite route et je vais croiser la grande. Attention ! Elle a la priorité. »

La combinaison de ces flèches et de ces traits donnerait la solution visuelle de tous les cas.

Sans risquer la méningite, on comprend :

N° 1 : croisement de deux routes à grande circulation. Égalité de droits : donc priorité à droite.
N° 2 : croisement d'une route à grande circulation et d'une route secondaire. La première l'emporte.
N° 3 : croisement d'une route secondaire et d'une route à grande circulation. Celle-ci a la priorité.
N° 4 : croisement de deux routes secondaires. Égalité de droits : priorité à droite.

C'est d'une telle évidence qu'il suffit de comparer les quatre croix et l'explication du dessin pour conclure que l'explication en dit moins que le dessin.

Mais pourquoi, sur les panneaux nouvellement posés, le petit trait horizontal coupe-t-il toujours la flèche ? C'est une indication fausse quand la route signalée comme proche ne coupe pas celle que je suis, mais, venant de droite ou de gauche, ne se prolonge pas du côté opposé. Pourquoi donc appeler mon attention des deux côtés s'il n'y a route, c'est-à-dire danger, que d'un seul ? En ce cas, il faut supprimer la partie gauche ou droite du trait horizontal, selon que le croisement vient seulement de droite ou de gauche. Si je vois, par exemple, le signal 5, je traduirai immédiatement : « Je suis sur une route secondaire ; je vais rencontrer une autre route secondaire débouchant sur ma gauche. Je n'ai pas besoin de m'occuper de ma droite où il n'y a rien et j'ai, par surcroît, la priorité. » Ce qui ne m'empêche pas d'être prudent, car l'autre conducteur ne le sera peut-être pas et ce serait une mince consolation, s'il m'écrasait, de pouvoir dire en mourant : « Et pourtant j'avais la priorité. »

Reste alors la question des agglomérations dans la traversée desquelles la route à grande circulation perd son droit de priorité. Qu'est-ce qu'une agglomération et, quand il y a agglomération, où commence-t-elle ?

Dans chaque cas, les tribunaux en décident ... une fois la collision survenue. Ils ne sont pas toujours d'accord. Je pourrais citer, en Dordogne, un chef-lieu de canton en retrait de la route à grande circulation n°89, avec quelques maisons seulement le long de cette route et un croisement masqué d'un côté, très dangereux. Plusieurs accidents ; plusieurs procès, plusieurs jugements. Suivant leur importance, les uns ont été soumis au juge de paix, qui a décidé : agglomération ; et les autres ont été portés devant le tribunal civil de l'arrondissement, qui a déclaré : non-agglomération. Les deux opinions sont également soutenables. N'a-t-on pas écrit bien des pages sans résoudre la question : Qu'est-ce qu'un tas ? Combien faut-il de grains de blé pour faire un tas ? Une agglomération n'est pas autre chose ...

Si le législateur laisse aux municipalités le soin de déterminer les agglomérations, elles se mettront à pulluler comme pullulent à l'entrée des villages les panneaux indiquant des vitesses maxima de 30 kilomètres à l'heure, ou moins encore (une coquette petite ville du Périgord avait naguère affiché 8 kilomètres, au désespoir du maire, automobiliste et homme de bon sens, qui savait bien que même les conseillers qui avaient imposé ce chiffre ridicule contreviendraient à leur propre arrêté). Le plus petit bled que traversera un chemin vicinal sur lequel passent deux charrettes par jour sera promu agglomération et ravira le droit de priorité à la voie sur laquelle circulent des centaines d'autos ...

Il faut reconnaître que la question est complexe et délicate. Déterminer l'agglomération d'après le nombre maximum de constructions existant sur une longueur donnée des deux côtés de la route aurait au moins l'avantage de la simplicité ...

En tout cas et lorsque, la question résolue, celle des panneaux signalisateurs se posera, qu'on se souvienne des cartes routières où les constructions sont figurées par des carrés ou des rectangles noirs. Il suffira de reproduire ces signes à droite et à gauche de la flèche figurant la route pour que, sans hésitation possible, les conducteurs en comprennent le sens.

Tant mieux si les examinateurs du permis de conduire ne trouvent pas là une nouvelle colle à l'usage des candidats.

R. DESDEMAINES-HUGON.

Le Chasseur Français N°667 Septembre 1952 Page 557