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L'amnistie fiscale

L'article 46 de la loi du 14 avril 1952 institue une amnistie fiscale qui correspond, en fait, pour l'essentiel, à une prescription anticipée. Dans un important préambule, l'arrêté ministériel du 16 avril 1952 (J. O. du 17, page 4.061) rappelle les raisons qui sont à l'origine de l'amnistie fiscale et insiste sur la contrepartie pour l'avenir : aggravation des pénalités ; renforcement du contrôle ; mise en œuvre des nouvelles sanctions prévues par la loi du 14 avril 1952 (déchéance professionnelle, retrait du permis de conduire, mesures de publicité, etc.) ; application stricte des pénalités ; intensification des poursuites correctionnelles.

Dans son article premier, l'arrêté précise qu'entrent dans le champ d'application de l'amnistie, qu'ils soient perçus au profit de l'État, des départements, des communes ou de tous autres organismes : les impôts directs et taxes assimilées ; les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées ; les contributions indirectes ; les droits d'enregistrement, d'hypothèques et de timbre et tous autres impôts, droits et taxes, recouvrés par le service de l'enregistrement ; les droits de douane. Pour la très grande majorité de ceux qui n'étaient pas en règle au 1er janvier 1952, l'amnistie est totale, illimitée et inconditionnelle.

Toutes les omissions, irrégularités, insuffisances afférentes à des déclarations déposées avant le 1er janvier 1952 ne peuvent donc donner lieu à un redressement quelconque ; tout droit de reprise de l'administration est supprimé, aucun complément d'impôts ne peut être réclamé. Pour bénéficier de ces dispositions, les contribuables auront dû déposer leurs déclarations avant le 1er janvier 1952. La loi exclut totalement du champ d'application de l'amnistie les fraudeurs découverts au moment de sa promulgation ; elle accorde l'amnistie des pénalités aux contribuables qui n'ont remis aucune déclaration en les astreignant au paiement des droits simples et leur accorde un nouveau délai pour déposer leurs déclarations. Il y a donc lieu de retenir les cas suivants :

    1° contribuables ayant déposé leurs déclarations avant le 1er janvier 1952 ;
    2° ceux qui n'ont produit aucune déclaration ;
    3° ceux qui ont souscrit des déclarations entre le 1er  janvier 1952 et le 15 avril 1952.

Cette dernière catégorie de contribuables jouit des mêmes avantages que ceux de la deuxième, c'est-à-dire qu'ils pouvaient produire des déclarations rectificatives dans les délais prescrits sans application de pénalités.

L'article 6 de l'arrêté d'application précise que l'amnistie n'est pas à retenir lorsqu'une procédure administrative ou judiciaire a été engagée ou qu'une reconnaissance d'infraction a été souscrite avant la promulgation de la loi. Toutefois, au cours des débats parlementaires, le gouvernement a déclaré qu'il ne serait pas tenu compte des procédures engagées depuis le 25 mars 1952 et afférentes à des contrôles commencés depuis cette date. Une procédure administrative ou judiciaire (dit l'article précité) sera considérée comme engagée lorsqu'elle aura abouti, notamment en ce qui concerne les impôts directs, à l'envoi par lettre recommandée d'un avis de rehaussement au contribuable en vue de la rectification d'une déclaration insuffisante (ne pas confondre cet avis à une demande d'éclaircissements) ; à la taxation d'office à raison de revenus non déclarés et à la mise en recouvrement d'une imposition ; à la mise en demeure par lettre recommandée au contribuable débiteur du versement forfaitaire sur les salaires et pensions, de retenues à la source sur les pensions et rentes viagères ou sur les bénéfices non commerciaux ou, à défaut de la mise en recouvrement d'un rôle, à raison de sommes non versées ; au dépôt d'une plainte en vue de l'engagement de poursuites correctionnelles.

En ce qui concerne les taxes sur le chiffre d'affaires et les taxes assimilées : à l'établissement d'un procès verbal ; à la notification d'un titre de perception ; au dépôt d'une plainte en vue de l'engagement de poursuites correctionnelles. En ce qui concerne les contributions indirectes et les droits de douane : à l'établissement d'un procès-verbal ; à l'intervention d'une soumission judiciaire ou d'un acte transactionnel ; à l'engagement d'une instance judiciaire. En ce qui concerne les impôts, droits et taxes autres que ceux visés ci-dessus et recouvrés par le service de l'enregistrement : à la citation du contribuable devant la commission de conciliation ; à la notification d'un titre de perception ; à la signification d'une demande interruptive de prescription ; au dépôt d'une plainte en vue de l'engagement de poursuites correctionnelles.

La reconnaissance d'infraction susceptible de mettre obstacle aux dispositions des textes résulte, en particulier, du dépôt d'une pétition en remise de pénalités, d'une soumission ou déclaration complémentaire, du versement d'un acompte à valoir sur un redressement à la suite d'une vérification et, d'une manière générale, de tout document écrit, en la possession de l'administration par lequel le contribuable reconnaît sans équivoque le bien-fondé d'une réclamation. Il est bien entendu (circulaire du 25 juin 1952) qu'en aucun cas le seul fait pour un contribuable d'avoir régularisé sa situation par application de la loi du 14 avril 1952 ne devra avoir pour conséquence de le rendre suspect pour l'avenir.

Ernest-Berlin MARILLER.

Le Chasseur Français N°667 Septembre 1952 Page 557