Ce ne fut qu'au début du XVIIIe siècle que
l'invention de la loupe permit d'étudier ce qu'antérieurement l'œil humain
n'avait jamais pu apercevoir en raison des dimensions imperceptibles.
Certes, trois mille ans avant, les Égyptiens avaient su
tailler et polir des cristaux de roche. Mais c'étaient là des méthodes de
lapidaires et non d'opticiens, et derrière ces fausses lentilles les objets
grossis restaient fort déformés. Il en était de même du procédé consistant à
remplir d'eau un vase en verre et à regarder au travers.
La création des lunettes et, donc, des lentilles remonte à
1313 ou à 1317 selon qu'on les attribue historiquement à Salvano d'Aramento degli
Amati de Florence ou à Alessandro della Spina de Pise. Mais ces dates restent
incertaines, car elles figurent celles des morts de ces artisans et on reste
ignorant de la chronologie de leurs travaux.
Pratiquement, la puissance d'une loupe très moderne est
limitée à 100 dioptries, bien qu'au prix de trésors d'habileté Leeuwenhoek ait
pu atteindre 500 dioptries. Pratiquement encore, il est techniquement
impossible de faire mieux.
Pour aller au delà on utilise le microscope, qui n'est rien
d'autre que l'assemblage de deux loupes, l'une fonctionnant comme objectif et
l'autre comme oculaire. La première forme de l'objet est une image virtuelle
agrandie, et le grossissement plus important de tout l'ensemble microscopique
provient de ce que la loupe oculaire grossit à son tour cette image virtuelle.
Dans l'usage normal, on ne dépasse guère un grossissement de
500 fois, encore constitue-t-il un maximum. Ce qui est beaucoup plus important
réside dans la netteté de l'image réellement vue et dans ce que l'on nomme le
pouvoir séparateur entre deux points de l'objet examiné et forcément
extrêmement rapprochés.
Selon les emplois d'utilisation, certains de ces microscopes
simples sont montés en double et convergent depuis les yeux jusqu'à l'objet
afin de donner une vision stéréoscopique conservant la notion de relief.
Leur emploi est forcément limité justement par le pouvoir
séparateur en raison de la profondeur de champ forcément réduite. Pour les
microscopes de laboratoires on utilise alors sur un statif simple une rallonge
binoculaire transposant l'image en deux éléments au moyen de prismes.
Mais le microscope, très simple en optique élémentaire, ne
correspond plus aux qualités demandées si l'on ne fait pas appel à une immense
précision de construction. Il faut tenir compte en effet que la lumière possède
une structure et qu'elle peut devenir un messager fort grossier. Il en résulte
qu'un microscope de recherches scientifiques n'a pas des possibilités infinies,
car sa valeur est fonction plus de la lumière que de lui-même.
Le fait le plus grave est la tache de diffraction,
c'est-à-dire de la déviation de la lumière rasant les bouts d'un corps opaque,
et c'est pour cela que l'on monte sur les statifs des diaphragmes. Également,
on utilise des objectifs à immersion, c'est-à-dire — fort simplement sous
ce terme savant — qu'entre l'objet examiné et la surface de l'objectif on met
une goutte d'un certain liquide possédant des indices optiques analogues pour
que le tout forme corps et évite des aberrations.
Malgré tous les perfectionnements, on ne peut escompter de
résultats parfaits dépassant un grossissement de 1.200, bien que des catalogues
de constructeurs avancent des combinaisons atteignant 3.200 fois. Dès que le
taux de 1.200 est dépassé, il se produit toujours des aberrations dans les
usages, en particulier chromatiques et de sphéricité, et il faut faire appel à
des artifices énormes de manipulation.
On est bien revenu actuellement de ces microscopes
superpuissants, mais quasi impossibles à utiliser dans la pratique. Et l'on
préfère se servir d'un instrument de puissance normale sinon moyenne en montant
un appareil photographique sur l'oculaire. On procède alors à l'agrandissement
de l'épreuve photographique, ce qui est infiniment plus simple.
C'est ainsi qu'actuellement, avec des microscopes presque de
vulgarisation populaire à fort bas prix, on arrive par le relais de la photographie
à obtenir des agrandissements de l'objet atteignant 10.000 fois, alors que le
microscope lui-même ne dépasse pas une puissance de 500 fois.
Il y a toutefois des cas où l'examen direct s'impose, en
particulier quand il s'agit de manipulations biologiques pour lesquelles il
faut du reste des micromanipulateurs de haute précision et des microforges pour
réaliser des scalpels en minuscules fragments de cristal en fil retiré.
Ces équipements sont magnifiques d'aspect et de précision,
mais ils ont l'inconvénient de coûter extrêmement cher. Un simple cabinet de
microscopie biologique demande un budget d'équipement atteignant le million et
en exige plus de cinq s'il s'agit d'un laboratoire complet avec
micromanipulations, photo et cinématographie.
On doit toutefois préciser que dans ces cas on ne pratique
plus le simple usage de la vue agrandie, mais le rôle fondamental de la
structure ondulatoire de la lumière que l'on nomme théorie d'Abbe.
Actuellement, une découverte toute récente a été celle de Zernike, dite du « contraste
de phase », basée sur le fait que seules certaines particules d'objet se
trouvent capables de diffracter la lumière et dévient quelques rayons entrant
seuls dans le microscope, révélant alors uniquement leur présence par des
points lumineux sur fond noir.
Ce sont là des équipements seulement utilisables par de
grands savants ayant des spécialistes pour effectuer ces manipulations et
surtout les préparations.
Cependant les nécessités de laboratoire ont imposé la
recherche d'instruments microscopiques encore plus puissants, et c'est de la
sorte que l'on a réalisé le microscope électronique et qu'actuellement un
savant français met au point un appareil utilisant les protons. On en espère un
grossissement direct atteignant très normalement 100.000 fois.
Les rayons optiques constitués de photons cèdent alors la
place à des rayons électroniques et les lentilles elles-mêmes sont
électromagnétiques en utilisant le principe de la déviation d'un électron par
un champ électrique selon une force transversale. Les électrons, dans ces
instruments, se trouvent lancés à des vitesses de l'ordre de 130.000 kilomètres
à la seconde. Il existe diverses réalisations industrielles de ces microscopes
électroniques, bien qu'une récente exposition scientifique à Paris ait présenté
une fabrication absolument parfaite ayant tout surclassé et périmé de ce qui
était construit encore. Le seul inconvénient est que l'appareil dépasse le prix
de 5 millions ...
Scientifiquement, cet appareil merveilleux ne présente
d'intérêt que pour la seule biologie et la recherche de ce qu'est la vie plus
spécialement sur la nature et le rôle de ces particules infiniment petites que
sont les « gènes » contenus dans les chromosomes des noyaux de
cellules germinales et servant de support à l'hérédité.
Théoriquement, la réalisation escomptée du microscope
protonique utilisant le proton 1.850 fois plus lourd que l'électron avec des
longueurs d'ondes 43 fois plus courtes devrait autoriser des pouvoirs
séparateurs 43 fois meilleurs. Mais dans la pratique on ne pense pas obtenir
plus de 16 à 20 fois plus.
D'un autre côté, la longueur d'onde des rayons X est encore
plus fine et l'on est fort prêt de réaliser une localisation de ces rayons
analogue à celle de la lumière, grâce à des miroirs à incidence rasante.
Cependant, il faut rester pondéré dans l'escompte de ces
possibilités et il reste fort probable que l'on n'apercevra jamais l'atome, car
son diamètre reste de l'ordre du dix millième de micron, c'est-à-dire quelques
dizaines de fois moins que le pouvoir séparateur du microscope protonique
pratiquement utilisable. Mais théoriquement ou pour un appareil exceptionnel,
cette visibilité de l'atome et même de sa structure reste possible ...
Seulement, avec les corpuscules très rapides et donc de très
petite longueur d'onde, on assiste au fait qu'ils deviennent capables, dès les
premiers chocs, d'arracher l'atome au corps dont il fait partie et de
bouleverser la structure interne par enlèvement des électrons.
Et c'est là tout le drame de la science microscopique qui ne
peut parvenir à voir l'infiniment petit sans le détruire.
C'est du reste là très simplement une des conséquences de la
mécanique ondulatoire. L'atome disparaît quand on va le voir et sa description
restera toujours, semble-t-il, du seul domaine des formules mathématiques
traduisibles en images.
Heureusement qu'il reste le domaine de la cellule vivante et
que le mystère de la vie reste à définir. Ici, inversement, aucun savant n'a
jamais pu dire ce qu'est la vie et sa seule définition reste négative :
celle du contraire de la mort.
Entre la loupe et le microprotonoscope il y a cependant le
simple microscope optique courant que toutes ces magnifiques spéculations
scientifiques ne doivent pas faire oublier. Lui au moins reste de pratique courante
et dans l'éducation et l'enseignement est largement suffisant, au point que ses
adeptes ont constitué une société de microscopie et que tout un groupe de
professeurs de faculté a entrepris une croisade d'expansion culturelle par la
microscopie d'amateur.
Sylvain LAJOUSE.
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