De souleù en souleù et d'auro en auro, vei
Un plan-pais immense ; d'erme
Que n'an à l'iuè ni fin ni terme,
De liuen en liuen et per tout germe
De rari tamarisso ... e la mar que paréi ...
De tamarisso, de consoùdo
D'engano, de aumo, de soùdo,
Amari pradarie di campestre marin
Oun te barrulon li brau negre
Et li cavalot blanc ...
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De soleil en soleil et d'aube en aube elle voit — une
plaine immense ; des savanes — qui n'ont à l’œil ni fin ni terme,
— de loin en loin et pour toute végétation — de rares tamaris et la
mer qui paraît...
Des tamaris, des prêles, — des salicornes, des
arroches, des soudes, — amères prairies des plages marines — où
errent les taureaux noirs — et les chevaux blancs ...
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F. MISTRAL.
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Tout pays favorable à la chasse est marqué dans son caractère
et son cadre par sa valeur cynégétique. Ici, ce sont les forêts aux hautes
frondaisons et aux allées droites qui se fondent dans une brume légère, là, de
grandes plaines cultivées où les oreilles du lièvre semblent naître des champs
de pommes de terre et de betteraves ; ailleurs, la garrigue sèche et
rocailleuse fait vrombir ses perdrix rouges et courir ses lapins parfumés.
Le cadre qui varie constamment fait l'extrême diversité de
la chasse, plus que le gibier qui, bien qu'adapté à des terrains différents,
garde ses caractères morphologiques.
Cependant, il existe des paysages exceptionnels, qui
accueillent difficilement les hommes.
Beauduc ! Nom d'une côte sablonneuse et inhumaine et
d'un phare lointain. Là, une nature à l'abord hostile, sans eau douce, sans
ombre fraîche, qu'une seule piste permet d'atteindre. Royaume du sel qui
affirme partout sa présence. Pourtant, comme tout ce qui est difficile, les
amères prairies, une fois conquises, offrent sans limite une beauté
incomparable.
Aucune route n'approche de Beauduc. Il faut emprunter une
digue cahoteuse faite de terre et soutenue par une longue file de piquets
entrelacés de fagots, puis une piste dans le marais que jalonnent quelques
bâtons. Que la sécheresse n'ait pas durci le sol, qu'il pleuve, l'accès devient
impossible autrement qu'à cheval ou avec une voiture amphibie. Mais la grande
Camargue et la mer donnent l'impression de l'immensité. Tout ici paraît immense
et sans limite. Là-haut, vers les terres, tout se fond dans le lointain de la
plaine, comme là-bas vers la mer tout ne s'arrête qu'à l'horizon.
On trouve les grands étangs du Galabert et du Fangassier. Le
soleil de juillet fait naître des mirages : eaux réfléchissant une
colline, une touffe d'arbres ; rochers dominant un village en coteau. On
avance, tout s'est évanoui. Le sel blanchit le sol. « On dirait un paysage
du grand Nord », remarquait une dame qui confirmait ainsi le dicton
camarguais qui veut que la neige ne fond pas au soleil. Le soleil la crée au
contraire en desséchant les eaux. Sur l'étendue marécageuse où des bandes d'eau
viennent mourir, se dressent quelques éminences sablonneuses, les montilles qui
dessinent des méandres. Quelques tamaris, quelques oliviers de Bohême, des
herbes desséchées, deux bouquets de pins constituent la seule végétation.
L'été, la grande salinité de l'eau ne permet plus au gibier
de vivre. On voit les oiseaux qui la craignent le moins : des hérons, des
aigrettes, des mouettes, des huîtriers-pies. Parfois un chevalier cul-blanc
court, court devant la 2 CV, puis s'écarte par un petit vol. Deux
bécassines vermillent et refusent de s'envoler malgré le klaxon.
Voici dans le ciel le vol ondoyant de la merveille de ces
lieux : 200 flamants viennent vers nous. Ils nous aperçoivent et
s'éloignent. La curiosité est la plus forte. Ils reviennent et passent à 50
mètres au-dessus de nos têtes, le rose de leurs plumes flambe contre leurs
ailes noires.
Il y avait des lièvres autrefois, m'a t-on dit, dans les montilles
de Beauduc. Aujourd'hui, ils ont disparu. Il s'agissait d'animaux purement
autochtones. On ne voit pas bien d'où il pourrait en venir et comment ils
pourraient s'y acclimater. Par contre, il y a des lapins et des perdrix rouges.
Dès l'automne, le domaine du gibier sédentaire se restreint,
les marais se remplissent d'eau et les coups de vent d'est, les coups de
levant, poussent l'eau de mer ; les montilles seules émergent. Dans le
même temps renaissent les places favorables à la sauvagine.
Toutes les variétés de canards passent et séjournent sur les
baisses et les étangs qui ceinturent Beauduc. L'accès presque impossible leur
assure la tranquillité. D'ailleurs, il n'y a que les rares chasseurs
connaissant les lieux et les voies relativement praticables qui peuvent les
chasser. C'est une aventure dangereuse que de revenir en hiver par mauvais
temps d'un affût du soir.
À la fin de l'hiver, le gibier de printemps arrive par
grandes bandes. L'eau et les terrains sont favorables et toujours inaccessibles
autrement qu'avec des moyens appropriés.
Beauduc devient alors le nichoir de beaucoup d'espèces. « Li
radeù », les radeaux ou petites îles, émergent sur les étangs. Ce sont des
places naturelles pour déposer les œufs.
Dans l'immensité de Beauduc, il faut monter au phare pour
voir au loin les œuvres des hommes : un silo de Port-Louis, une cheminée
des Salins-de-Giraud, quelques constructions. La nature y est soumise aux
mouvements des éléments : les vents, les eaux, le soleil, le sel, qui font
et défont le pays au cours des saisons.
Que les génies qui hantent ces lieux les protègent encore
longtemps de la profanation !
Jean GUIRAUD.
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