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Que sont devenus les briquets ?

Il y a une quarantaine d'années, beaucoup de modestes chasseurs au chien courant utilisaient, seuls ou en petite meute, ce que l'on nommait alors des briquets de pays. Qu’étaient-ils exactement ? Voici la définition, fort exacte, donnée par le comte Le Coulteux de Canteleu dans son Manuel de Vénerie française :

« Produits bizarres, souvent jolis, de toutes les races, ils se distinguent des chiens d'ordres surtout par leur production, qui accuse des rappels de toutes les races dont ils sont issus, par la présence fréquente d'ergot aux jambes de derrière, par la difficulté de les rameuter à la chasse, ce qui fait qu'une meute de briquets chassant ensemble et rameutée est la chose la plus rare que l'on puisse rencontrer.

» Les briquets forment une catégorie tellement croisée qu'on ne peut leur attribuer de caractères distinctifs, ils viennent de toutes les races et, généralement, ils reproduisent des animaux différents de formes et de pied, non seulement avec leurs auteurs, mais encore entre chiens d'une même portée ...

» De tous poils et de toutes couleurs, cogneurs, hurleurs, indisciplinés, ralliant fort mal, presque impossibles à mettre en meute et généralement trop chasseurs pour être créancés, ils sont souvent très intelligents dans les défauts. Ils chassent par poussées, ont un fond souvent médiocre et mettent souvent bas après une première randonnée ; c'est du moins le cas de la majorité : ce qui n'empêche pas qu'il se rencontre quelquefois un briquet qui fait un chien de chasse extraordinaire et peut rendre beaucoup de services ; mais c'est pur hasard, et c'est encore un bien plus grand hasard s'il reproduit des chiens aussi bons que lui. »

On ne saurait mieux dire ...

Mais, actuellement, ces chiens semblent avoir disparu ; il reste encore, portant ce nom, le briquet griffon vendéen, mais son cas est bien différent parce qu'il forme une race définie et suivie n'ayant aucun rapport avec le « toutou de clair de lune », cher à Cerfon.

Où sont donc passés les briquets ? Ne cherchez pas dans les annonces des journaux canins, vous perdriez votre temps ; il n'y en a plus trace et on en arrive donc à se demander si un grand nombre de ces briquets, tellement disparates de formes et de caractères, n'ont pas servi à créer certains petits anglo-français dont on veut nous faire admirer maintenant la réussite et l'excellence.

Ce n'est pas que, personnellement, j'aie peu d'estime pour les briquets ; d'abord, je les connais assez mal, en ce sens que je n'en ai pour ainsi dire jamais possédé et que j'ai bien peu chassé avec eux, ou tout au moins d'une manière tant soit peu suivie, c'est-à-dire suffisamment pour les bien connaître et les bien juger.

Mais j'estime — et je ne suis pas le seul — que, si les propriétaires et éleveurs d'anglo-français de petite taille veulent faire œuvre utile, ils feront bien d'éliminer ce sang briquet, s'il s'en trouve dans leurs sujets, afin de ne pas avoir la désagréable surprise d'inévitables retours en arrière qui empoisonnent une famille. Déjà, nous l'avons dit, faire un croisement avec comme facteurs deux races pures et bien fixées est une chose délicate et demandant autant de soins que de temps. Si, de plus, on y introduit un élément aux origines troublées et incertaines, c'est la porte ouverte à l'inconnu — inconnu redoutable puisqu'il peut porter autant sur le type que sur la menée.

Comme tous ceux qui ont beaucoup chassé et vu chasser les autres, j'ai connu moi aussi quelques bons briquets, très gaillards et remuants sur la voie, attaquant comme des furieux et qui, en somme, étaient des chiens de chasse à tir fort meurtriers et avec qui la chasse ne manquait pas de vie ni d'imprévu. J'en ai vu aussi d'autres beaucoup moins bons et dont le comportement assez fantaisiste horrifiait le veneur le plus indulgent.

Leur disparition ou leur diminution est probablement un signe des temps, parce que leur place ne s'impose plus dans le monde des chasseurs d'aujourd'hui comme elle s'imposait à une époque qui semble bien révolue.

Faut-il le regretter ? L'avenir nous le dira. Mais, quand on songe à toutes les anciennes races éteintes maintenant et victimes des lois impitoyables de l'évolution, les chasseurs utilisateurs, réalistes par force, penseront peut-être avec raison qu'il y a de ces courants que l'on ne peut remonter.

Ces briquets pour qui certains chasseurs à tir avaient tant d'affection, soit à cause de leur indéniable qualité de lanceur, soit pour la facilité qu'ils avaient de se servir eux-mêmes, seront-ils maintenant remplacés par des familles de petits anglo-français possédant les mêmes aptitudes et moins esclaves de la menée classique pour laquelle ces chiens auraient été créés ? Encore une question qui, aujourd'hui, reste sans réponse.

Guy HUBLOT.

Le Chasseur Français N°668 Octobre 1952 Page 594