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Le Barzoï

Parmi les nombreuses races de Lévriers, le Barzoï ou Lévrier russe est un des plus beaux ; admirablement construit, ce chien aristocratique est tout en puissance, harmonie et noblesse, c'est un animal racé jusqu'au bout des ongles.

Sa fourrure soyeuse est suffisamment abondante pour former des franges ou quelques boucles longues en certains endroits, mais elle laisse voir partout ses formes gracieuses, souples et sa musculature athlétique.

Le cachet de la race doit être avant tout conservé, et c'est pourquoi il est attaché tant d'importance à l'élégance de ses formes et au rythme de ses mouvements, à la distinction de la tête qui doit être sèche, régulière, longue, finement ciselée, à l'expression des yeux qui doivent être grands et foncés et, enfin, au port des oreilles qui doivent être petites et très mobiles, leur finesse étant la marque d'un sang très pur.

Le crâne du Barzoï est étroit, aussi long que possible, et finit par une pointe nettement accusée. Le museau est long, sec, avec une musculature apparente, il forme un arc très léger avant d'arriver au nez, qui doit être très noir. Les narines dépassent la mâchoire inférieure, sans rendre le museau pointu. Les dents sont fortes et s'adaptent bien.

La queue a aussi beaucoup d'importance ; non seulement elle est une parure pour le chien, mais elle lui sert de gouvernail quand il court ; elle doit être souple et très longue, touchant presque terre, forte à la naissance, s'amincissant jusqu'à la pointe. La partie supérieure de la queue est garnie de poils légèrement bouclés et la partie inférieure est ornée de franges ondulées, de 11 à 14 centimètres.

Au repos, la queue doit avoir une forme de faucille ; si elle a une autre tendance et qu'elle soit enroulée ou déviée, ou pendante, ce qui dénote un chien mou et sans énergie.

En Russie, le Barzoï était un chien de chasse qui devait fournir un effort considérable ; il était recherché le plus grand et le plus fort possible, et, d'après les chasseurs qui l'utilisaient, quoique la nature du poil soit influencée par le climat et l'habitat, les Barzoïs à poil le plus bouclé étaient de plus forte taille et destinés à chasser le loup, alors que d'autres meutes de Barzoïs à poil plutôt ondulé étaient plus légers et étaient employés par les équipages chassant le lièvre.

Tous sont d'excellents coursiers, doués d'une extrême vitesse ; en conséquence, la poitrine du Barzoï doit être très profonde et la bonne conformation de son dos et de ses pieds a énormément d'importance. Ceux-ci sont longs, minces, serrés, couverts de poils assez droits et assez longs sur les doigts et entre les doigts. Le chien est plus d'aplomb sur les ongles que sur les talons.

Les pattes de devant sont droites, sans cassure, avec une ossature plate et sèche, les membres postérieurs ont évidemment plus d'importance, puisque toute la force de propulsion du chien à la course réside dans l'arrière-main ; le dos dans son ensemble est assez court et arqué, surtout chez le mâle ; il forme une courbe longue et gracieuse, et ne doit pas donner l'impression d'une bosse. La chienne a le dos moins arqué que le chien, un dos plat chez elle n'est pas un défaut et ses flancs sont plus spacieux que chez le mâle.

Le rein du Barzoï est donc très puissant, long, musclé, la croupe est assez longue et large, et les jambes de derrière ne doivent pas être trop droites, la musculature des cuisses qui sont plates est très développée.

Quel joli poil que celui du Barzoï, long, à reflets soyeux, ondulé ou à larges boucles sur le corps ; le poil de la tête est lisse et court ainsi que le poil des oreilles et celui qui recouvre le devant des jambes ; il est long et ondulé sur le dos et plus bouclé sur les cuisses, il est plus court sur les côtés et très long et bouclé au cou, où il forme comme un manchon d'où semble sortir la tête. Cette parure se retrouve sous forme de franges de plus en plus longues à la partie postérieure des jambes de devant, à la poitrine, à l'arrière des cuisses et à la queue. Le poil ne doit pas être laineux ; le poil court, les petites boucles ou les frisures sont des défauts.

Les couleurs claires sont les plus appréciées pour cette séduisante robe, l'unicolore blanc, ou blanc marqué de jaune, d'orange, de rouge, bringé ou gris. Il y a souvent des sujets unicolores dans ces teintes ; mais cette couleur, dans ce cas, tend à s'éclaircir vers les extrémités. Les taches de couleur ne doivent pas trancher trop nettement sur le fond blanc. Le blanc marqué de noir et l'unicolore noir sont peu appréciés, et le noir et feu avec ou sans blanc est un grand défaut.

Le noir, dans la robe du Barzoï sous forme de tache ou unicolore, a eu énormément de détracteurs ; en particulier, au début de ce siècle, on y voyait l'indication d'un mélange de sang de Lévrier sibérien, ce dernier plus léger, plus levrette, tandis que le Barzoï doit être un grand chien courageux, capable de courir le loup, de le forcer et de le terrasser.

Ceux qui ont pu suivre autrefois les équipages chassant dans les immenses plaines russes racontent que les Lévriers étaient si rapides et si mordants qu'il leur arrivait parfois de distancer les chevaux et de mettre le loup à mort avant l'arrivée des cavaliers.

C'est sans doute une forme d'orgueil, mais nos préférences vont en général au chien qui vous accueille avec des jappements de joie et qui, tout de suite, vous fait mille amitiés.

Le caractère du Barzoï est méconnu ; on a tendance à croire que ce chien superbe et distant n'est pas intelligent. C'est une erreur, il est différent des autres chiens ; le Barzoï a contre lui une attitude trop réservée en face des étrangers et qui est souvent accompagnée d'un regard austère ou nostalgique. Il ne se livre pas facilement, mais, avec son maître, son comportement est tout autre. Son affection est profonde, mais elle est réservée au seul maître, ne se traduisant pas par d'incessantes cajoleries, car il n'est pas démonstratif ; il est là, couché à ses pieds, dans une attitude nonchalante, mais prêt à deviner et à satisfaire ses désirs.

Pour bien comprendre le Barzoï, il faut se souvenir qu'il est le descendant d'une race de coureurs de grands espaces et ayant comme adversaires les bêtes féroces, ours et loups. Exilé dans la vie civilisée, il reste toujours un peu indifférent à tout ce qui ne représente pas une force avec laquelle il puisse se mesurer. Ce regret de ne plus parcourir les grandes plaines russes, de ne plus faire de combats, cette nostalgie des steppes se lit parfois dans ses yeux distraits, et on dirait qu'il attend quelque chose qui vienne matérialiser son rêve intérieur, restant insensible aux petites flatteries qui font la joie des autres chiens.

S'il change de main, s'il est donné ou vendu, il s'habitue mal quand il est adulte ; il gardera sa politesse de chien de haute race, mais ses sentiments s'étioleront et il sera docile mais indifférent avec son nouveau maître.

Les élevages russes de Lévriers ont été anéantis au moment de la révolution ; leurs espoirs se sont portés ensuite sur les élevages allemands, dont le général George de Meyer faisait l'éloge en février 1914, après les jugements de l'exposition de Cassel. La Belgique aussi s'est beaucoup intéressée à cette race et, vers 1930, elle avait d'excellents sujets. La dernière guerre a décimé les élevages de Lévriers des pays envahis et de l'Allemagne ; enfin, sortant de la tourmente, les Barzoïs ont réapparu, et, par des importations venues de Hollande, où l'on a su conserver de très bons types malgré une période difficile, des élevages français se sont remontés et nous ont permis de voir neuf Barzoïs à l'exposition de Paris en 1952.

A. PERRON.

Le Chasseur Français N°668 Octobre 1952 Page 595