Dans son ouvrage : Parlons vénerie, M. F. Riant
fait preuve d'un optimisme très réconfortant. Il dit notamment : « En
vénerie, nous sommes au début d'une ère de prospérité. »
Il est certain que nous assistons à une véritable
résurrection de la chasse à courre, alors que les prophètes de malheur disaient
que la vénerie était bien malade et peut-être même en danger de mort. Le
résultat auquel on arrive est évidemment surprenant et magnifique, après la
grande tourmente et toutes ses privations et tous ses bouleversements.
Mais, de cette heureuse résurrection, peut-on conclure que
nous sommes au début d'une ère de prospérité ? C'est peut-être aller un
peu vite. Il y a tout de même bien des changements dans la vie, dans l'ordre
social ... et dans l'état du gibier, et dans l'état d'esprit, et dans
l'état des finances !
Nous allons, si vous le voulez bien, faire le point, en
examinant la situation de la vénerie à la fin du siècle dernier et en l'an
1951. Pour cela, comparons et disséquons les statistiques établies par Le Coulteux
(1890) et M. Riant (1951).
1. Statistique Le Coulteux.
— Il la divise en deux parties :
a, celle concernant les équipages pour lesquels il a
obtenu tous les renseignements sur la race et le nombre des chiens et le ou les
animaux chassés ;
b, celle pour laquelle il ne peut donner que des
chiffres approximatifs, sans indication sur la race des chiens et sur les
animaux de chasse.
Dans la première catégorie, il classe les équipages d'après
leur importance en chiens.
Dix-huit équipages ont de 80 à 100 chiens.
Huit sont composés de bâtards et de purs Anglais et totalisent |
780 |
chiens. |
Trois d'Anglo-Poitevins |
290 |
— |
Deux de bâtards et de Vendéens |
125 |
— |
Un d'Anglo-Saintongeais |
80 |
— |
Deux de Fox-hounds |
194 |
— |
Un de chiens de Chambray |
120 |
— |
|
——— |
|
Soit un total de |
1.539 |
chiens. |
Cinquante équipages ont de 40 à 80 chiens.
Vingt-sept de Poitevins et bâtards du haut Poitou |
1.335 |
chiens. |
Huit de bâtards Vendéens |
430 |
— |
Quatre de Gascons-Saintongeais |
175 |
— |
Deux d'Anglo-Saintongeais |
85 |
— |
Deux de Normands purs |
75 |
— |
Puis neuf, à raison d'un seul par variété ou association de
races (Anglais et bâtards, bâtards et haut Poitou, Fox-hounds,
Normand-Poitevin, Beagle-Harrier, bâtards Normands-Poitevins, Griffon nivernais
et haut Poitou, croisement Vendéen-Poitevin-Saintongeais, Anglo-Normand), |
|
|
soit un total de : |
440 |
— |
|
——— |
|
Soit un total de |
2.540 |
chiens. |
Pour les équipages de 20 à 40 chiens, nous trouvons une
diversité considérable dans les races et la composition des meutes. En dehors
des dix-neuf composées de Poitevins totalisant 515 chiens, nous trouvons
trente-six équipages utilisant d'autres races, soit seules, soit associées à
d'autres races, et qui totalisent 1.280 chiens.
Bien que les longues énumérations soient toujours
fastidieuses, il est tout de même instructif, pour tous ceux qui s'intéressent
à l'utilisation et à l'évolution de nos races canines, de constater la grande
diversité dans la composition de ces meutes :
Harriers vendéens, Poitevins saintongeais, Gascons
saintongeais, Griffons du Grip, Anglo-Gascons saintongeais, bâtards Vendéens,
Griffons vendéens, Poitevins et Griffons vendéens, Griffons nivernais, Bleus de
Gascogne, Beagles-Harriers, Harriers, Artésiens poitevins, chiens de Cossé,
Beagles, Ariégeois, Gascons poitevins, Griffons vendéens et nivernais, Harriers
normands, Griffons fauves de Bretagne, Fox-hounds et Poitevins, bâtards
Poitevins et Normands, Briquets et Bassets, Griffons vendéens, Fox-hounds et
croisement de chiens de bergers et de bâtards, Briquets gascons,
Anglo-Poitevins et Mâtins, Beagles et Griffons nivernais, petits bâtards
Harriers gascons, Briquets d'Artois, petits Anglo-Poitevins.
Les équipages de 10 à 20 chiens sont au nombre de
quarante-deux : sept du haut Poitou ; huit de Briquets de Gascogne
(qui semblent être ce que nous désignons aujourd'hui sous le nom de chiens de
l'Ariège) ; trois de Vendéens ; trois de Harriers ; deux de
chiens Cossé. Les autres employaient chacun sa race préférée ou une association
de deux ou trois variétés. Ces équipages totalisaient 561 chiens.
Si nous passons à la catégorie des équipages sans
précisions, nous avons :
Quinze équipages de |
40 à 80 |
chiens. |
Quarante-six équipages de |
20 à 40 |
— |
Quarante-trois équipages de |
10 à 20 |
— |
En les mettant en moyenne : les premiers à 50, les
seconds à 25 et les troisièmes à 12, ce qui est certainement au-dessous de la
vérité, nous avons 2.366 chiens. Si nous récapitulons, nous trouvons 266
équipages, avec un total de 8.900 chiens.
Certains d'entre eux étaient dans la voie unique d'un animal :
53 pour le lièvre, 24 pour le chevreuil, 20 pour le cerf, 19 pour le sanglier.
Vingt-deux chassaient à la fois cerf et chevreuil. D'autres : cerf et
sangliers, 9 ; cerf, chevreuil et loup, 6 ; lièvre et sanglier, 6 ;
lièvre, chevreuil et sanglier, 9 ; sanglier et chevreuil, 7 ; lièvre
et renard, 2 ; renard, 4 ; cerf, chevreuil et renard ; cerf,
loup et sanglier ; lièvre, sanglier, renard et chevreuil, etc.
Quelles étaient les moyennes des prises annuelles ?
Pour le cerf, elles oscillent entre 25 et 50, avec le plus
grand nombre pour 35 et 40. Pour le chevreuil, de 20 à 40. Pour le lièvre, de
15 à 60 ; le chiffre 60 était atteint par les deux fameux équipages de
Beagles-Harriers : celui du baron Gérard et celui de Grandin de
l'Éprevier.
Ces équipages étaient répartis sur cinquante départements.
Le Poitou (haut et bas Poitou) tenait carrément la tête,
avec 40 meutes : 22 pour la Vienne, dont 7 de grande vénerie, et 18 pour la Vendée, dont 8 de grande vénerie. Venaient ensuite : Gironde, 18 ; Maine-et-Loire,
14 ; Mayenne, 9 ; Landes, 8 ; Oise, 8 ; Eure, 8 ;
Indre, 7 ; Indre-et-Loire, 7 ;
Charente, 6 ; les meutes de petite vénerie étant
comprises dans le total de chaque département.
2. Statistique de M. Riant.
— Sa nomenclature comprend, pour la France : 57 équipages, parmi lesquels 4 sont en sommeil, 5 chassent surtout le sanglier
à tir, 1 la loutre et 12 découplent par deux.
Si nous les classons d'après la race de leurs chiens, nous
trouvons :
Dix neuf de Poitevins et Anglo-Poitevins, avec |
1.028 |
chiens. |
Douze d'Anglo-Gascons saintongeais, avec |
428 |
— |
Neuf Anglo-Poitevins saintongeais avec |
565 |
— |
Sept Anglo-Français, sans précision de race, avec |
131 |
— |
Un Anglo-Saintongeais normand, avec |
20 |
— |
Un Céris-Montenbœuf, avec |
14 |
— |
|
——— |
|
Ce qui nous donne un total de |
2.200 |
chiens. |
Vous voyez que la grande diversité des races a complètement
disparu. Il n'y a plus que deux types standard, pourrait-on dire : l'un,
tricolore, à base de sang poitevin ; l'autre, blanc et noir et feu pâle, à
base de gascon saintongeais, et parfois le mélange de ces deux origines ;
car tous les Anglo-Français, sans précision de race, sont, à n'en pas douter, à
base de mélange Anglo-Poitevin, Gascon saintongeais.
À côté des équipages de grande vénerie, M. Riant
signale de nombreuses meutes de petite vénerie qui chassent exclusivement soit
à courre, soit à tir. Il note 37 petits équipages, dont certains ont moins de
10 chiens !
Pour la chasse du lièvre, nous trouvons :
Huit lots de Beagles, avec |
95 |
chiens. |
Quatre de Beagles-Harriers, avec |
16 |
— |
Six de petits Anglo-Français, avec |
74 |
— |
Trois de Porcelaine, avec |
40 |
— |
Deux d'Ariégeois avec |
27 |
— |
Un de Harriers gris, avec |
15 |
— |
Pour les autres animaux, surtout à tir, nous trouvons des
Bassets Griffons vendéens, des fauves de Bretagne, des Griffons vendéens, des
Beagles, des Anglo-Français, des Griffons nivernais, des Teckels, des Harriers,
des Harriers porcelaine, des Beagles-Harriers, un lot de Briquets, un de
Bassets d'Artois et un d'Anglo-Normands, soit un total de 628 chiens. La
composition de ces meutes montre d'une façon frappante la vogue sans cesse
croissante des Beagles, des Beagles-Harriers et des petits Anglo-Français ;
nous relevons en effet 14 lots de petits Anglo-Français, 11 lots de Beagles et
8 de Beagles-Harriers.
Paul DAUBIGNÉ.
|