Les nombreux lecteurs du Chasseur Français qui me
font le plaisir de m'écrire me posent des questions très variées. Mais il en
est qui reviennent souvent et, parmi celles-ci, deux m'ont été posées cet été à
plusieurs reprises.
La première concerne la question des moyens de chauffage, la
seconde l'équipement idéal pour une famille avec deux ou trois enfants. Je
pense donc intéresser tous les lecteurs en examinant ces deux problèmes.
Pour faire la cuisine en camping, il n'y a guère que deux
méthodes : ou bien le feu de bois, ou bien les réchauds.
La plupart des vieux campeurs restent fidèles au feu de
bois. En ce qui me concerne — et bien que vieux campeur — j'estime
qu'il y a là plus une question sentimentale qu'une question de commodité.
Certes, le feu de bois est poétique, et c'est bien agréable
devoir briller la flamme claire et joyeuse d'un foyer champêtre. Certes, il y a
quelque mérite, dans bien des cas, à allumer quelques brindilles afin de créer
de ses propres mains la source de chaleur qui permettra de cuisiner ...
C'est là un geste millénaire qui se perd dans la nuit des temps, et il n'est
pas surprenant que le campeur y soit attaché.
Mais je reste, quant à moi, partisan des réchauds.
Le feu de bois nécessite le ramassage du combustible et,
dans beaucoup de cas, une recherche assez longue et quelquefois impossible
(camps permanents, bords de mer, très haute montagne). J'ai connu des amis qui
s'astreignaient à emporter avec eux de petits fagots pour leur feu !
Le feu de bois salit les popotes, et la nécessité de housses
spéciales se fait absolument sentir. Il est souvent long à allumer (cas de
pluie) et fait perdre un temps précieux ... Le feu de bois présente des
risques d'incendie non négligeables, d'autant plus que trop de campeurs croient
qu'il faut un feu « du tonnerre » pour cuire quelque chose, alors
qu'un tout petit feu de brindilles est la plupart du temps suffisant. Enfin, et
cela est primordial, le feu de bois est interdit, de plus en plus, par
les règlements récents.
Ses farouches partisans reprochent aux réchauds de n'être
pas poétiques : c'est vrai ; d'être dangereux : cela est moins
vrai, car, s'il y a eu quelques accidents causés par les réchauds, il faut bien
reconnaître que cela est extrêmement rare et que les accidents ont été causés,
la plupart du temps, par l'imprudence des utilisateurs.
Les réchauds sont bruyants : c'est exact pour les
réchauds qui fonctionnent sous pression, mais ce ronronnement est devenu pour
moi un bruit familier, qui me fait d'ailleurs mieux apprécier le silence de la
nature. Les réchauds sont lourds, disent les randonneurs ... On ne peut
nier que le réchaud et la réserve de combustible représentent un supplément de
poids, mais si, comme je le disais plus haut, l'amateur de feu de bois est
obligé d'emporter avec lui un fagot et parfois une petite hachette, je ne vois
pas comment le feu de bois représente une économie de poids !
Ajoutons enfin que tout feu de bois laisse une trace là où
il a été allumé. Lorsque le campeur pratique la randonnée solitaire ou avec une
petite équipe, cela n'est pas encore bien grave, surtout si on a eu soin de
découper un carré d'herbe qui est ensuite, au départ, remis soigneusement en
place, mais cela représente de tels inconvénients sur les « camps »
que la plupart des règlements particuliers des terrains de camping — s'ils
autorisent des feux de bois — prévoient des emplacements fixes, toujours
les mêmes, où peuvent être entretenus des feux. Et, dans ce cas, tant pis pour
le nouvel arrivant dont la tente peut être fort éloignée de l'endroit permis
pour les feux ... C'est pourquoi je préfère le réchaud.
Malgré son manque de poésie ...
Un réchaud bien entretenu n'est pas dangereux, et il permet
de faire « sa popote » assez près de la tente. En camping hivernal,
on peut même cuisiner à l'entrée de la tente, et même — avec les
précautions d'usage — sous sa tente. Ce qui a le grand avantage de servir
à la fois de chauffage de cuisine et de chauffage de la tente. J'ai vu avoir + 20°
à l'intérieur de ma tente en plein mois de janvier, alors qu'il faisait près de
- 10° à l'extérieur.
Bien sûr, cette chaleur ne subsiste pas une fois le réchaud
éteint, et l'équilibre se fait lentement entre l'intérieur et le dehors, mais
le principal n'est-il pas de s'enfouir dans son duvet ayant bien chaud ?
Le petit déjeuner du matin est une autre excellente occasion de quitter le
duvet dans une tente à nouveau réchauffée.
De toute façon, quel que soit le mode de chauffage utilisé,
il est bon de prendre certaines précautions.
Car le feu — bois ou réchaud — est toujours le
feu.
Nous en parlerons dans notre prochain article, en même temps
que nous passerons en revue les diverses manières de réaliser un feu de bois et
toute la gamme des réchauds à notre disposition.
Jacques-J. BOUSQUET,
Président du Camping-Club de France.
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