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Haies et rideaux

d'arbustes verts.

En langage horticole, un rideau est un assemblage d'arbres ou d'arbustes, le plus souvent de même espèce et de même variété, soumis à une ou plusieurs tailles annuelles et destiné soit à préciser les contours d'un rond-point ou d'une salle de repos, soit à empêcher la vue de s'étendre au delà d'un point donné et à masquer ainsi des parties dépourvues d'intérêt, soit encore à abriter des vents froids ou violents une partie de jardin dans laquelle on se propose de faire des cultures délicates ou, plus simplement, de venir se reposer à divers moments de la journée. Dans ce dernier cas, le rideau est souvent nommé brise-vent.

Les arbustes composant le rideau sont différents selon que ce rideau doit remplir son rôle seulement pendant l'été ou, au contraire, pendant la mauvaise saison.

Dans le premier cas, on s'adresse de préférence à des arbres ou arbustes perdant leur feuillage à l'automne, tandis que, dans le second cas, on fait appel à des espèces conservant leurs feuilles en hiver, à celles que l'on désigne sous le nom d'essences à feuilles persistantes.

Les arbustes pour rideaux sont plus ou moins vigoureux et le choix à en faire dépend, pour une grande part, de l'ampleur du développement qu'on en escompte.

Toutefois la qualité primordiale des arbustes destinés à faire des rideaux doit être une grande facilité d'adaptation à des formes régulières. Ces formes ne peuvent, évidemment, être obtenues que par des tailles annuelles assez sévères, auxquelles toutes les espèces ne se prêtent pas également. D'où nécessité de faire un choix judicieux.

Parmi les arbustes à feuilles persistantes convenant particulièrement, quelques-uns, et non les moins intéressants, appartiennent à la grande famille botanique des conifères ; nous citerons :

L’if commun, qui peut réussir dans tous les terrains, même calcaires, et en toutes situations. Sa végétation est lente, mais son port touffu, son feuillage vert sombre tout à fait persistant, la facilité avec laquelle il supporte la tonte l'ont fait utiliser de tout temps pour former des haies, des colonnades, des niches de verdure, des motifs artistiques de toutes sortes.

Le seul reproche que l'on puisse lui faire, c'est d'être un peu sombre, et, partant, un peu triste, mais cet inconvénient est largement racheté par une rusticité à toute épreuve qui lui permet de résister aux plus grands froids comme aux sécheresses excessives et de se défendre contre l'ombrage et les racines des arbres.

Les thuyas et plus particulièrement le thuya du Canada, espèce vigoureuse, à pousse rapide, propre surtout à former des rideaux brise-vent de 5 à 6 mètres de hauteur, et le thuya de Chine, espèce un peu moins vigoureuse, à feuillage plus fin et plus serré, partant plus décoratif que celui du précédent. Très rustiques, les thuyas s'accommodent aussi des sols les plus divers et ne redoutent nullement le calcaire. Parmi les arbustes non résineux, il nous faut plus particulièrement signaler :

Les fusains du Japon, arbustes très répandus et à juste titre estimés pour leur belle verdure et leur résistance en situation ombragée. Ils prospèrent cependant mieux en terrain fertile et frais exposé en pleine lumière. Ils ne se comportent pas très bien en sol calcaire. Dans le Nord et l'Est de la France, ils peuvent geler aussi certains hivers.

Les variétés sont nombreuses ; les unes sont à feuillage uniformément vert, d'autres possèdent un feuillage panaché doré ou marginé de blanc qui les rend très décoratifs.

Les troènes, également capables de prospérer dans l'air vicié des villes. Une terre un peu forte et fraîche est celle qui leur convient le mieux. Le plus employé est le troène de Californie ou troène à feuilles ovales, espèce très rustique, résistante au froid, à végétation rapide, l'une des plus recherchées pour son ample et magnifique feuillage. Le seul reproche qu'on puisse lui adresser, c'est de perdre une partie de ses feuilles au cours d'un hiver rigoureux en situation non abritée.

Il en existe une variété à feuillage doré, plus ornementale que le type à feuillage vert, mais de moindre vigueur. On emploie aussi le troène de Chine, à feuilles un peu ondulées et qui résiste mieux que le précédent dans des endroits très ombragés où les racines des arbres le concurrencent sérieusement.

Les lauriers-cerises, arbustes réussissant dans tous les terrains peu calcaires, dont l'un des meilleurs et des plus vigoureux est le laurier du Caucase, à feuilles longues et pointues ; mais on emploie beaucoup aussi le laurier à feuilles rondes dont le port est plus élargi, le feuillage vert pâle, et qui se comporte assez bien sous le couvert des arbres.

Les lauriers-cerises sont, malheureusement, assez sensibles au froid et peuvent geler lorsque la température descend au-dessous de - 18°. Hormis cet inconvénient, peu important dans le Centre et le Midi de la France, ils sont d'un très bel effet décoratif et forment, relativement vite, un rideau de 1m,50 à 2 mètres de hauteur, bien garni en toutes saisons.

Le buis en arbre réussit dans presque tous les terrains et présente une grande résistance au froid. L'humidité persistante, cependant, ne lui est pas favorable. Sa végétation est peut-être un peu lente, mais il réussit à merveille sous les arbres.

Le laurier-tin est également un des arbustes à feuilles persistantes les plus populaires à cause de son abondante floraison qui se produit de décembre à mars. C'est d'ailleurs aussi, en toutes saisons, l'un des plus beaux arbustes par son joli feuillage bien persistant, d'un vert luisant. Il aime les terrains légers et frais, ne redoute pas l'ombre, mais réclame une situation un peu abritée, car sa résistance au froid ne dépasse pas celle du laurier-cerise.

Les buissons ardents peuvent, de même, être compris dans les arbrisseaux décoratifs se prêtant à la constitution de rideaux. Comme les précédents, en effet, ils supportent parfaitement la taille et se plaisent dans tous les terrains.

L'un des plus remarquables est le buisson ardent de Lalande, dont le feuillage est vert sombre et qui porte en abondance, pendant tout l'hiver, d'innombrables fruits rouge-corail de la grosseur d'un pois.

Le Chamæcerasus nitida est encore fort intéressant. Moins connu que les précédents, il se signale par sa vigueur, son port compact, l'élégance de son fin feuillage d'un beau vert gai et aussi par sa grande résistance dans les parties ombragées et le voisinage des grands arbres, où il peut former de jolies palissades ou de petites haies fort ornementales. Il se taille en effet aussi facilement que l'if et le buis, mais il lui faut au minimum deux tailles annuelles.

Pour obtenir rapidement un rideau bien garni, il est nécessaire de planter assez près l'un de l'autre les arbustes qui doivent le composer. Avec les fusains du Japon, de vigueur modérée, la distance de 60 centimètres convient. Pour le troène et le laurier-cerise, cette distance pourrait être portée à 80 centimètres. Elle sera de 1 mètre pour les thuyas et l'if, dont le développement est encore plus grand.

Le meilleur moment pour planter les arbustes à feuilles persistantes est la fin de l'hiver (mars-avril). La reprise est généralement meilleure à cette époque qu'à l'automne. Cependant cette dernière époque peut également convenir, surtout dans les terrains sains.

Les arbustes, déplantés avec soin, sont transportés à leur nouvel emplacement avec une bonne motte de terre que l'on se garde soigneusement de briser et qui constitue une garantie supplémentaire pour la reprise. Pour éviter l'écrasement de cette motte, il est d'usage, avant le transport, d'envelopper celle-ci d'un capuchon de paille, ou tontine, qui ne doit être retiré qu'au moment de la mise en place.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°668 Octobre 1952 Page 611