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Les sous-produits de la vinification

Les sous-produits de la vinification peuvent être utilisés dans les grands vignobles pour des buts bien définis.

Les marcs.

— Ceux-ci, distillés ou non, peuvent être utilisés comme engrais. Ils sont deux fois plus riches en azote que le fumier de ferme bien préparé, mais pauvres en acide phosphorique, en potasse et en chaux ; aussi, avant leur utilisation, convient-il de les enrichir en ces trois éléments et de les transformer ainsi en engrais composé.

Voici un mode de préparation assez simple que nous empruntons à M. Roos :

« Sur l'emplacement choisi pour former le tas d'engrais, on commence par disposer, en tassant légèrement, une couche de marc de 20 à 25 centimètres dont on a pris approximativement le poids. On répand très uniformément sur ce marc 4 p. 100 de son poids de scories de déphosphoration et 2 p. 100 de sulfate de potasse. On arrose ensuite avec de l'eau dans laquelle on a délayé, pour 100 litres, 1 kilo de chaux vive et 1kg,500 de sulfate d'ammoniaque.

» Ce dernier sel peut être remplacé par du purin étendu de moitié d'eau.

» On ajoute alors une seconde couche de marc, puis une troisième et ainsi de suite, en tassant le mieux possible et en arrosant chaque fois avec le même liquide.

» Au bout d'un mois, le tas est recoupé, puis dressé à nouveau quelques mètres plus loin : la décomposition s'achève alors, et l'engrais obtenu peut être immédiatement employé au vignoble ou sur d'autres cultures. »

Il est à remarquer que le procédé Roos incorpore la chaux sous forme de scories et de chaux vive. De plus, le sulfate d'ammoniaque ajouté a pour but de faire démarrer la fermentation microbienne.

Les marcs peuvent aussi, en cas de disette, être employés dans l’alimentation animale. Ceux qui se sont occupés de cette question ont constaté que le marc frais avait une valeur alimentaire moitié de celle du foin de prairie de moyenne qualité, mais que, séché à l'air, il avait la même valeur alimentaire que ce foin.

Il est recommandé pour l'alimentation animale de l'enrichir de mélasse de sucrerie, comme cela se pratique depuis longtemps pour les pailles mélassées.

On procédera ainsi : le marc séché à l'air sera broyé de façon à être complètement divisé. Puis, pour 100 kilos de ce marc séché et broyé, on ajoutera 40 kilos de mélasse de sucrerie.

Le mélange se fera sur une aire propre et imperméable autant que possible.

Si la mélasse est livrée en pâte sèche, le mélange se fera facilement, mais, si elle est livrée sous forme sirupeuse, il faudra la chauffer dans une chaudière vers 90° de façon à l'amener à un degré de fluidité suffisant pour assurer un bon mélange.

Le marc ainsi préparé a la valeur alimentaire de l'avoine.

Les marcs peuvent être aussi utilisés pour la fabrication des verdets (acétate de cuivre) ou pour celle de la crème de tartre.

Les pépins.

— Dans les vignobles où l'on pratique l'épépinage, les pépins sont soit distillés pour en retirer une huile spéciale, soit traités de façon à en retirer un tanin vendu sous le nom d'œno-tanin.

Voici un procédé simple pour fabriquer soi-même une solution d'œno-tanin.

Après pressurage des marcs pour en extraire le vin de presse, on secoue les marcs sortant du pressoir, avec une fourche, pour faire tomber les pépins ; ceux-ci sont mis dans un fût que l'on remplit aux deux tiers ; on complète avec de l’eau-de-vie de vin à 50° (nous précisons 50° environ). Ne pas écraser les pépins, l'eau-de-vie se charge du tanin.

Il est bien certain que l'on peut remplacer le tonneau par une bonbonne et même une bouteille. Tout dépend de la quantité de tanin dont on a besoin pour le tannisage ou les collages.

Les lies.

— Elles sont utilisées, en général, pour l'extraction de la crème de tartre et de l'acide tartrique. Il en est de même des vinasses, résidus de la fabrication des eaux-de-vie, qui sont destinées au même emploi.

Notons en passant que les vins piqués doivent servir obligatoirement à la fabrication des vinaigres.

Les sarments.

— Ceux-ci sont presque toujours brûlés dans le foyer domestique, mais, dans certains cas, ils peuvent recevoir deux autres destinations.

1° Comme engrais : dans ce cas, ils seront traités comme les marcs, mais en prenant la précaution de leur faire subir un broyage sévère, précédé d'un coupage si c'est nécessaire.

2° Dans l'alimentation du bétail en cas de disette. Mais ici les tables pour l'alimentation du bétail, qui sont fort complètes et comprennent un nombre considérable de produits, ne font pas mention des sarments de la vigne. On y relève toutefois les ramilles d'acacia et de hêtre (récoltées l'hiver) et celles du peuplier, récoltées en juillet. Les ramilles de hêtre sont à rejeter pour l'alimentation animale.

Il est fait aussi mention des feuilles de la vigne, récoltées en automne ; on leur donne, séchées, un coefficient nutritif de 0,90, le coefficient étalon : l'amidon sec, étant de 1,00.

Partant de ce chiffre, il n'est pas impossible d'employer les sarments comme appoint dans la nutrition animale en prenant les précautions suivantes :

  1. Les sarments seront coupés en petits morceaux avec un instrument analogue au hache-paille.
  2. Ils seront ensuite broyés de façon à dissocier complètement les fibres.
  3. Ils seront enrichis par la mélasse de sucrerie par le même procédé employé pour les marcs.

Nous estimons que la valeur nutritive du produit ainsi obtenu est intermédiaire entre celle de l'avoine et celle du foin de prairie moyen.

Il semble surprenant de donner aux animaux des sarments mélassés. Rassurez-vous, lecteurs, la nomenclature des aliments du bétail contient des produits beaucoup moins appétissants que les sarments.

Enfin, il faudra une préparation minutieuse et envisager que ce n'est qu'une partie de la ration, destinée surtout à pallier la disette, que la presse, du reste, nous annonce pour cet hiver.

Nous terminerons par ceci : il y a une vingtaine d'années, nous avons eu à déterminer la valeur nutritive d'une herbe sèche servant de fourrage occasionnel aux animaux de l'Afrique noire.

Nous avons été surpris de constater que cette herbe sèche avait une valeur nutritive non négligeable. Quoi d'étonnant à cela, puisqu'elle est une de celles qui aident les animaux de ces pays à passer la période difficile de la saison sèche ?

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°668 Octobre 1952 Page 615