En raison de l'emploi fréquent, fait actuellement, des armes
et munitions calibre 22, nous croyons, à l'usage de nos lecteurs, devoir
remettre en mémoire un certain nombre de notions relatives à ce petit calibre,
qui convient d'ailleurs aussi bien au stand qu'à certaines chasses.
Le calibre 22 est d'origine américaine et doit sa
dénomination à ce que sa dimension théorique est de 22/100 de pouce, soit exactement 5mm,6.
À l'origine, comme le 6 millimètres français, il utilisait une simple amorce
au fulminate surchargée d'une petite balle, le tout destiné au tir de salon à
très courte distance et sans grande détonation. L'un et l'autre calibre
devinrent ensuite plus ambitieux.
En France, nous possédons deux munitions courtes de 6 millimètres,
surchargées en fulminate, susceptibles d'une bonne précision vers 50 mètres, et
une munition longue dont l'emploi tend à disparaître ; cette dernière était
employée pour le tir de 100 à 150 mètres. Nous laisserons de côté la munition à
balle ronde réservée aux canons lisses dans les tirs forains.
Nous ferons remarquer ici que, dès qu'il s'agit d'une
précision sérieuse vers 50 mètres et au delà, l'étude d'une rayure et de la
munition correspondante est des plus délicates. Elle est même plus délicate
que celle d'un calibre d'artillerie, étant donné que les perturbations sont
identiques, mais les masses moins importantes, avec des projectiles plus
imparfaits.
On sait en effet que, dans les tirs à courte portée, pour
lesquels l'accélération de la pesanteur peut être considérée comme constante,
la résistance de l'air sur un projectile cylindro-conique est une des causes
notables de l'imprécision du tir par suite de l'apparition d'une force et d'un
couple générateurs d'un mouvement autour du centre de gravité.
La résistance n'est pas la même d'ailleurs dans les
différentes parties de la trajectoire : très heureusement, les tirs usuels
n'utilisent qu'une faible partie de cette dernière. D'ailleurs, si le calcul
nous permet de nous rendre compte très exactement des lois de variation de ces
éléments de dispersion, il faut bien dire que l'expérience seule a permis de
mettre au point la forme et le poids des balles pour obtenir la meilleure
précision à une vitesse initiale convenablement choisie.
On peut affirmer que, si le calibre 22 a généralement remplacé
le calibre 6 millimètres, c'est parce que les essais faits aux U. S. A.
ont permis de réaliser une série de munitions bien étudiées, permettant le tir
à toutes les distances. Actuellement, leurs fabriques cataloguent chacune une
quinzaine de types de cartouches calibre 22. Nous ne retiendrons que les
suivants, mis couramment, en France, à la disposition des tireurs :
- Une cartouche genre Bosquette, à balle conique, de bonne
précision jusqu'à 25 mètres et très comparable à notre Bosquette 6 millimètres.
- Une cartouche dite 22 court (22 short), à balle ogivale,
contenant une légère charge de poudre pyroxylée et dont la précision est encore
excellente entre 30 et 40 mètres.
- Une cartouche dite 22 L. R. (long rifle), à balle ogivale
un peu plus lourde, avec une charge plus forte de poudre. Elle peut être
utilisée jusqu'à 100 mètres avec une bonne précision.
- Une cartouche à grande puissance, dite 22 Hornet,
véritable réduction d'une munition de guerre (étui retreint et balle cuivre).
Ces trois derniers types de munitions n'offrent pas
d'équivalence en calibre 6 millimètres. L'un et l'autre des derniers sont
incomparablement plus précis que l'ancienne cartouche, longue de 6 millimètres.
On voit donc, lors de l'achat d'une carabine de tir ou de
chasse, l'intérêt que l'on a à donner la préférence au calibre 22. Disons tout
de suite que, dans une carabine bien établie et chambrée pour la 22 L. R.,
toutes les munitions du calibre 22 donnent de bons résultats. Seule fait exception la
munition Hornet, qui nécessite une arme spéciale.
Que peut-on faire, pratiquement, de ces diverses munitions ?
Pour le tir à la cible, on préférera la 22 courte au-dessous
de 30 mètres et la 22 L. R. au-dessus. Un bon tireur moyen, muni d'une
arme en bon état, peut placer dans une cible de la dimension d'une assiette la
plupart de ses balles à 75 mètres de distance.
En ce qui concerne la chasse, la munition 22 court est
excellente pour les pigeons et les corbeaux jusqu'à 35 mètres. Elle est même
supérieure, à cette distance, à la 22 L. R., qui, en raison de sa puissance,
traverse trop facilement le gibier sans profit. Au delà, la précision
de la 22 L. R. est requise ; vers 50 ou 60 mètres, on ne manque guère
de corbeaux en tirant sur appui.
À de plus longues distances, c'est bien plus l'imprécision
de la visée que celle de l'arme qui augmente la dispersion. Il est bien entendu
que le tir doit toujours être exécuté sur appui ; le tir à bras francs est
un tir d'instruction sans plus, et, dans le tir de chasse, il est indispensable
d'obtenir le maximum de l'arme.
Quant à la 22 Hornet, c'est une munition un peu spéciale qui
a un certain intérêt. Sa vitesse initiale est d'environ 600 mètres et sa puissance
destructrice suffisante pour porter bas d'assez gros animaux, à condition
de les toucher dans des parties assez épaisses pour que la désorganisation des
tissus soit importante.
Nos lecteurs reconnaîtront que, comme nous le disions plus
haut, les munitions calibre 22 présentent une série de types répondant à des
besoins très variés.
On nous a souvent demandé si les munitions calibre 22
n'étaient pas, hors stand, sensiblement plus dangereuses que les munitions
calibre 6 millimètres. Il convient de répondre affirmativement à cette question
et, s'il est courant de laisser tirailler un peu n'importe qui avec des
munitions 6 millimètres, il est nécessaire d'être beaucoup plus circonspect
avec les munitions calibre 22, et en voici les raisons :
La balle 22 court (V12 = 275 mètres),
tirée sous un angle de 25°, donne une portée de 1.000 mètres environ avec une
flèche de 700 mètres. Elle revient au sol avec une vitesse moindre,
bien entendu, mais encore suffisante pour causer des blessures graves aux
hommes ou aux animaux.
La balle 22 L. R. (V12 = 315
mètres) porte à 1.200 mètres dans les mêmes conditions et peut causer des
blessures encore plus graves à cette dernière portée.
Quant à la 22 Hornet, elle est dangereuse jusqu'à 2.000 mètres.
On devra donc s'abstenir, à la chasse, de tirer devant soi
lorsque le terrain n'est pas dégagé et que des ricochets sont prévisibles.
En ce qui concerne le tir en hauteur, la question est plus
délicate et dépend de la géographie locale ; nous considérons comme très
imprudent de tirer dans la direction d'une agglomération lorsque l'angle de tir
et la distance peuvent y amener des balles perdues. Inversement, on ne risque
pas grand'chose en terrain agricole normal.
On peut faire à ce sujet la remarque suivante : si nous
estimons à une dizaine de personnes l'effectif rural circulant sur une centaine
d'hectares, cela nous fait une personne par 10 hectares, ou 100.000 mètres carrés ;
comme, d'autre part, la surface vulnérable de l'individu
n'est guère que d'un cinquième de mètre carré, le projectile tombant au hasard
n'a qu'une chance sur 500.000 de causer un accident. Dans beaucoup de régions
où les bois, friches et landes sont équivalents à la surface cultivée, la
probabilité tombe au millionième, donc pratiquement nulle.
Ce qui n'est pas un motif d'abandonner la prudence ; il
convient donc de n'employer le calibre 22 à la chasse qu'avec une certaine
circonspection.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
|