Ruses d’oiseaux.
— Par un dimanche de septembre, il faisait une chaleur accablante.
Je passais toutes les minutes mon fusil dans la main gauche et, de la droite,
m'épongeais vigoureusement. Ma chienne Diane, qui n'avait pas cette ressource,
laissait pendre sa langue et respirait, la gueule ouverte, avec un bruit rythmé
de machine.
On n'entendait pas un oiseau ; rien ne bougeait, rien
ne volait, rien ne chantait, rien ne pépiait. Il semblait que tout était mort
sous ce soleil de plomb.
Cependant, à force de chercher, une compagnie de perdreaux
part, mais beaucoup trop loin pour que je puisse tirer. Malgré la chaleur, ces
oiseaux avaient filé à une distance considérable.
C'est qu'ils savent que, là-bas, presque au bord du plateau,
il y a un carré de luzerne où ils seront bien cachés, tandis que, partout
ailleurs, ce ne sont que chaumes et friches qui n'offrent point un suffisant
abri.
Très attentif, je les suivais de l'œil. Je les voyais
baisser, baisser, puis, délibérément, se poser au milieu du carré de luzerne.
« Bon, je les tiens », me dis-je.
Je partis donc à la remise et, en approchant du bon endroit,
j'amortis le bruit de ma marche pour ne point donner l’éveil.
Enfin, me voici à la luzerne, vite j'y entrai. La bonne
chienne avait obéi au signe ; elle savait ce qu'on allait faire et se
mettait derrière moi en me suivant pas à pas. J'allai droit au centre du champ
où je croyais les oiseaux posés : rien ne partit ; je tournais,
tournais, élargissais mon cercle ; rien, toujours rien.
Le champ étant complètement battu, je recommençai, mais plus
mollement, la chienne toujours entre les jambes. Toujours pas de perdreaux.
« Voyons, ai-je la berlue ? », me dis-je.
Je commençais à le croire et me décidais à quitter le champ.
Je n'avais pas fait cinquante pas que : brrou ! ... les perdreaux
partaient bruyamment tous ensemble et plongeaient dans une vallée rocheuse où
il aurait fallu être enragé pour les y aller chercher par une telle chaleur.
Qu'était-il donc arrivé ? Les oiseaux, obéissant à
l'ordre de leurs parents, s'étaient bien abattus au centre du champ, mais, au
lieu de se mettre à courir dans une direction, puis dans une autre, ils
s'étaient collés à terre, immobiles, sans un mouvement, sans donner, par la
suite, une trace, une piste qui les aurait dénoncés. Avec un courage et un
sang-froid merveilleux, ils s'étaient presque laissé piétiner.
Ils étaient restés invisibles dans l'épaisseur de la récolte
sans se trahir, sans bouger. Cette tactique, la seule qui pouvait les sauver,
avait été commandée par le couple d'anciens, comprise et exécutée par les
jeunes sans hésitation et sans erreur. Le moindre frémissement, la plus petite
fantaisie, et les perdreaux étaient sous le fusil !
J'ai vu cette ruse mise en œuvre plusieurs fois dans ma vie
de chasseur, toujours par les après-midi torrides quand les chiens, accablés
par la chaleur, ont le nez endormi. Elle réussit presque toujours. Qui l'a
apprise aux perdrix et comment l'enseignent-elles à leurs petits ?
Pierre TOULISSE, Chabrac.
Ne plaisantons pas avec la tularémie.
— L'on sait que, depuis un certain temps, cette
affection fait d'importants ravages dans la population des lapins et surtout
des lièvres. Trop longtemps, on a affecté de la traiter avec dédain. Il est
évident que, tant qu'elle ne s'est attaquée qu'au gibier, elle avait de
l'importance, mais une importance relative toutefois. Or, maintenant, la
situation s'aggrave du fait que l'on a constaté qu'elle est contagieuse pour
l'homme et que des cas de contamination ont été constatés.
Si l'on soupçonne qu'il y a des animaux morts de cette
maladie dans sa région, si l'on en trouve de morts, la prudence la plus
élémentaire ordonne de ne pas y toucher avec les mains, mais de les enterrer
immédiatement, le plus profondément possible ; le mieux serait également
d'y ajouter un peu de chaux vive afin de faire disparaître tous les germes
infectieux. Si on désire les expédier aux fins d'autopsie, il est nécessaire de
ne manier les cadavres qu'avec des gants en caoutchouc, que l'on désinfectera
soigneusement ensuite, mais jamais les mains nues.
Si l'autopsie prouve que les animaux sont atteints de
tularémie, il y a lieu de prévenir le maire, qui fera apposer des pancartes
indicatrices des endroits contaminés, interdira tout transport des animaux,
etc.
Ces diverses précautions sont absolument indispensables,
d'abord pour éviter l'extension de l'épidémie, ensuite pour garantir l'espèce
humaine, cette maladie étant très longue à guérir.
J. D.
Mon premier tigre.
— Lecteur assidu du Chasseur Français, je me
fais une joie, un tantinet orgueilleuse, de raconter comment, à l'âge de
quatorze ans, j'ai eu la plus grande peur de mon existence ...
En ce temps-là, mes parents, fonctionnaires coloniaux,
étaient dans un petit bled appelé Bûon-Hô, à 45 kilomètres de la « ville »
de Banméthûot, sur les hauts plateaux du Darlac, en pleine brousse
indochinoise. Mon père avait la chasse dans le sang et plus encore ma mère.
Nous avions une voiture décapotable, une grosse Delage, et, de temps en temps,
nous partions « faire un tour » sur la route pour chasser et remplir
le frigidaire de viande fraîche.
La technique de cette chasse automobile était simple. Nous
partions le soir, lampes au front ; mon père s'asseyait sur le siège
arrière, à gauche. La lampe étant placée à gauche du front, il était facile
ainsi de regarder continuellement à gauche. Moi, vu mon âge, je me mettais bien
une lanterne au front, mais je n'avais que le droit de trouver le gibier. Ma
mère était au volant et ma place était immanquablement à droite, sur le siège arrière.
Pour regarder mon « secteur », il me fallait faire
une véritable gymnastique du cou et je rentrais chaque fois avec un magnifique
« torticolis ».
Lorsque l’un de nous voyait une paire d'yeux quelconque,
nous avertissions ma mère en lui frappant sur l'épaule, et mon père se
chargeait de tirer. Moi, je me contentais du menu fretin : lapins,
porcs-épics et quelquefois chevreuils. Je tuais aussi les « civettes »
quand nous n'étions pas pressés ...
Les grosses bêtes, cerfs et fauves, étaient réservées à mon
père exclusivement.
Un soir donc, nous étions partis sur la route, la lune n'était
pas là et les lampes éclairaient parfaitement. Notre route était toujours la
même : Bûon-Hô, direction Pleiku, plus au nord.
Nous roulions depuis un moment quand ma mère dit :
— Attention, des yeux devant ...
Immédiatement nos deux lampes se dirigèrent vers le devant
de la voiture et leurs faisceaux se mélangèrent à ceux de la voiture.
Effectivement, il y avait deux yeux sur le bord de la route, deux yeux rouges,
mais très bas ... Mon fusil fut vite chargé. C'était un fusil Gras
transformé en calibre 12.
— C'est une civette, dit ma mère, à toi, Paul …
Je descendis de voiture et m'approchai de quelques pas. Ma mère
éteignit ses phares et mon père sa lampe, me laissant me débrouiller seul.
J'avais une chevrotine dans le canon. J'épaulais et tirais
posément d'environ 40 mètres. Les yeux « s'éteignirent ». Je me remis
lentement de la déflagration qui, chaque fois, me projetait en arrière et
m'approchais en courant de ma bête en criant ; « Je l'ai eue ... »
Il y avait un fossé et je tombai dedans sur ma « civette ».
Le canon de mon fusil s'était planté dans la terre, et, avant toute chose, je
l'approchai du rayon de ma lampe. Mais, ô stupéfaction, ma lampe « accrocha »
une grosse tache jaune rayée de noir ...
Je poussai un cri, sentis un frisson me parcourir l'échine
et, abandonnant fusil et lampe, me retrouvai dans la voiture, le souffle coupé,
les jambes flageolantes, blanc comme un linge.
Mon père, qui était en train d'allumer une cigarette et
discutait avec ma mère des mérites de leur fils en tant que jeune chasseur,
n'eut pas le temps de « réaliser » ...
— Un ... un ... un ... c'est un ...
— Un quoi ? demanda-t-il.
Je mis cinq minutes à répondre :
— C'est un tigre ...
Calmé enfin de ma grande frayeur, nous nous approchâmes de
mon fauve et, effectivement, c'était bien un tigre, un jeune tigre qui mesurait
50 centimètres au garrot.
Il était raide mort. Ma chevrotine l'avait foudroyé en plein
crâne.
Depuis ce jour mémorable, j'eus le droit de tirer sur toute
espèce de gibier du moment que je l'avais accroché avec ma lampe. Mais, chaque
fois aussi, je regardais plutôt deux fois qu'une à qui j'avais affaire ...
Paul AZÉMAR, abonné.
Fédération départementale des chasseurs de la Manche.
— La Fédération départementale des chasseurs de la
Manche a émis les vœux suivants au cours de son assemblée générale :
Vœu n° 1.
— Que le C. S. C. étudie les amendements
nécessaires au rajeunissement de certains articles de la loi de police de 1844,
notamment en ce qui concerne la fermeture totale d'un gibier, la visite des carniers
et des automobiles, le furetage, la chasse en limite des rivières, la répression
sévère des délits commis sur les réserves régulièrement constituées, etc.
Vœu n° 2.
— Institution d'un permis de chasse unique, avec répartition
par tiers entre l'État, les communes et les organismes cynégétiques, ainsi que
l'ont déjà adopté la Commission de l'agriculture et la Commission des finances
de l'Assemblée générale.
Vœu n° 3.
— Qu'une liaison plus étroite existe entre les
agriculteurs et les chasseurs pour que leurs intérêts, qui sont communs,
puissent être étudiés avec une plus grande compréhension, et qu'en particulier
la Commission des toxiques du ministère de l'Agriculture, qui a à connaître les
produits employés pour la destruction des ennemis de l'agriculture, soit
composée en proportion sensiblement égale d'agriculteurs et de chasseurs, en
raison des dangers que présentent les poisons à l'égard du gibier.
Vœu n° 4.
— Que les taxes frappant les chasses gardées soient
abolies.
Vœu n° 5.
— Que soit jointe à la demande de permis une quittance
comportant garantie illimitée pour les accidents causés au tiers, ainsi que
cela a lieu à l'étranger.
Vœu n° 6.
— Que soit rejetée, par le C. S. C. la
demande faite du tir à balle du broquart au printemps, ce qui serait un motif
de braconnage, et aussi le tir à balle du cerf en septembre au moment du brame,
ce qui serait une cause de la diminution du cerf, alors que, dans un but de
repeuplement, son tir est interdit dans 33 départements.
Vœu n° 7.
— Que le C. S. C. veuille bien prendre en
considération la demande faite par la Fédération de la Manche, afin d'obtenir
une aide efficace pour la création d'un centre de sauvetage des œufs de perdreaux :
a. Que le C. S. C. accepte de subventionner
pour création d'un minimum de trois centres par département ;
b. Que la subvention de 50.000 francs soit notablement
augmentée.
Vœu n° 8.
— Que la réglementation en vigueur pour l'homologation
des réserves soit amendée, surtout en ce qui concerne la durée du renoncement
au droit de chasse, soit ramenée à trois ans afin de ne pas arrêter l'effort
entrepris dans nos départements pour constituer des réserves, et pour
lesquelles la durée de six ans est un très gros obstacle.
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