Ayant vu dernièrement les conditions nécessaires pour
réussir les introductions de reines, examinons à présent les diverses méthodes
utilisées.
Les procédés d'introduction que nous allons indiquer
concernent les reines fécondées, les reines vierges n'étant pratiquement pas
employées, sauf par les éleveurs professionnels. Disons seulement qu'une vierge
est toujours acceptée dans la demi-heure qui suit sa naissance, même dans une
colonie ayant une reine en ponte, mais, dans ce dernier cas, elle sera tuée au
bout de quelques jours.
Lorsque vous recevez une reine par la poste, en présence du
facteur vérifiez si elle est bien vivante, sans ouvrir la cage, et refusez-la
en cas de mortalité, le vendeur vous la remplacera. Si tout va bien, la cage
sera mise dans un endroit tempéré et à l'obscurité pour que la reine et ses
suivantes puissent se remettre des émotions du voyage, au moins quelques heures
avant l'introduction.
Les méthodes d'introduction directe sont simples et rapides,
mais ne sont pas à recommander à ceux n'ayant pas une longue pratique apicole.
Voici les principales :
Méthode de l'essaim.
— Réduire à l'état d'essaim une colonie dont on a
enlevé la reine deux jours avant en brossant toutes les abeilles dans une
boîte. Verser l'essaim à l'entrée de la ruche, placer la reine au milieu des
abeilles et saupoudrer le tout de farine.
Méthode de démoralisation.
— La colonie à remérer est enfumée abondamment à la
fumée froide jusqu'à ce qu'elle soit bien en bruissement et que les abeilles
soient gorgées de miel. Après quoi, ouvrir la ruche et invertir les cadres de
manière que ceux du centre se trouvent aux extrémités et, inversement, donner
ensuite la liberté à la reine sur un cadre de couvain ; comme elle sera
devenue calme lorsque la colonie reprendra ses esprits, elle sera acceptée.
Méthode de l'engluage.
— Contrairement au procédé décrit avant, pour réussir
il faut éviter d'alerter la colonie orpheline qu'on veut remérer, éviter le
bruit et l'enfumage. Le soir, un peu avant la nuit, ouvrir délicatement le trou
nourrisseur juste l'espace nécessaire pour y introduire la reine, qu'on aura
engluée de miel au préalable ; ceci l'empêche de courir sur les rayons au
risque de se faire emballer ; les abeilles se mettent à la lécher.
Méthodes indirectes.
— Ce sont les plus sûres, nous les recommandons
particulièrement pour les reines qui ont voyagé.
Avec cage d'expédition.
— C'est le procédé le plus employé, parce que le plus
simple et le plus sûr. La cage Benton normalement utilisée est un bloc de bois
creusé en trois parties reliées entre elles et avec l'extérieur ; le
dessus est garni de toile métallique. Une des cavités extrême est garnie de
candi ; les deux autres servent à loger la reine et ses suivantes. Le
moment venu d'utiliser la cage, enlever la petite plaque qui ferme le côté sans
candi et la remplacer par un morceau de celluloïd ou zinc perforé. Les abeilles
s'échappent par cette ouverture ; pour aller plus vite, faire l'obscurité
à la grille et enfumer un peu, bientôt il ne reste que la reine. Refermer le passage
à abeilles, introduire la cage entre deux rayons de couvain de la ruche à
remérer, la maintenir en la coinçant ou en l'attachant avec un fil de
fer ; veiller à ce que les abeilles puissent circuler sur le grillage pour
nourrir la reine. Quarante-huit heures après, et toujours le soir tard,
découvrir doucement le trou nourrisseur et voir ce qui se passe. Si les
abeilles sont excitées et cherchent à piquer la reine, il faut rechercher et
détruire ce qui s'oppose à l'acceptation : reine vierge, cellules royales
ou ouvrières pondeuses. Mais en général tout va bien, on voit les abeilles
passer la langue à travers le grillage pour nourrir la reine; dans ce cas,
ouvrir le passage des extrémités de la cage côté candi et côté grille à reine,
remettre doucement en place, le côté candi étant dirigé vers le couvain ;
refermer et ne plus toucher à la ruche de quelques jours, sauf pour nourrir si
c'est nécessaire. Les abeilles vont pénétrer dans la cage par le côté ouvert,
mais la reine ne pourra sortir que dans un ou deux jours, lorsque le candi qui
obture le grand passage sera consommé. Ayant eu le temps de faire ample
connaissance avec les abeilles, et notre majesté en sortant de la cage se
trouvant sur le couvain qui est sa place normale, les abeilles ne la molesteront
pas. Surtout, ne pas visiter avant huit ou dix jours, sinon on risque de faire
emballer la reine et de la perdre.
Avec cage automatique.
— L'emploi de cette cage oblige à enlever la reine de
la cage d'expédition pour la transférer dans l'autre ; il est utile de
procéder à cette opération dans une pièce close, de manière que si la reine
s'envole il n'y ait qu'à la cueillir sur les vitres de la fenêtre. Son avantage
est que la reine est libérée automatiquement au bout de deux ou trois jours,
sans intervention de l'apiculteur.
Avec cage américaine.
— C'est un carré de grillage de dix centimètres de côté
avec des rebords de 3 centimètres. Prendre dans la ruche un cadre de couvain
naissant, bien brosser toutes les abeilles et, dans une pièce fermée, lâcher la
reine seule sur le cadre, enfoncer la cage pour l'emprisonner à un endroit
contenant du couvain en cours d'éclosion et du miel. Replacer le cadre dans la
ruche en laissant un passage d'abeilles sur toute la surface de la cage. Deux
jours après, sortir le cadre : on peut voir la reine commencer sa
ponte ; percer le rayon au dos avec un crayon à l'endroit du miel pour
permettre à la reine de sortir, et remettre le cadre en place sans toucher à la
cage. Les abeilles, en léchant le miel, dégageront le passage par où la reine
sortira. Ne pas visiter la ruche avant quelques jours, pour vérifier la ponte,
et enlever la cage.
Lorsque nous avons des reines de valeur à introduire, les
ruches sont déplacées, après avoir enlevé le cadre contenant la reine qui est mis
dans une ruche vide au même emplacement pour recueillir les butineuses à leur
retour. La cage est introduite dans la ruche déplacée après avoir vérifié s'il
n'y a pas de cellules royales en construction. Ayant éloigné les vieilles
abeilles, l'acceptation de la reine est à peu près certaine. Bien entendu, il
faut compléter les deux ruches avec des cadres bâtis, si possible, et les
nourrir, surtout celle qui n'a plus de butineuses ; en contrepartie, on
augmente son rucher d'une unité.
Il existe de nombreux autres procédés d'introduction de
reines, mais, pour ne pas alourdir le texte, nous n'avons indiqué que les plus
courants et les plus sûrs.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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