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Les phacochères en A.O.F.

Les phacochères (Phacochœrus Sthiopicus ; Sus Sthiopicus ; Sus Verruquosus) se rencontrent partout en A. O. F., sauf toutefois dans la zone forestière du Sud.

C'est une véritable manne distribuée par la nature pour la satisfaction des sportifs malchanceux avec le très grand gibier, et qui évitent la sombre bredouille et la grande désillusion en abattant ces cochons sauvages. Plus tard, l'imagination aidant, ils verront là de véritables prouesses cynégétiques, surtout si quelques photographies ont fixé le faciès terrible de leurs victimes.

Car les phacochères, aussi puissants que les plus grands sangliers d'Europe, mais plus hauts sur pattes, ont une tête énorme ; leur hure, armée de défenses très fortes, très acérées, est affligée de grosses verrues proéminentes, ce qui leur donne un aspect impressionnant, redoutable, mais surtout hideux.

Adultes, ils atteignent à peu près les mêmes poids que les sangliers des Ardennes.

Ils circulent en bandes ; les mâles, toujours un peu à part, s'isolent de plus en plus avec l'âge et ne se rapprochent des femelles qu'à la période du rut.

C'est le moment des luttes épiques sanglantes, et parfois mortelles.

Ils vivent de tubercules, de racines, de fruits. Ils déterrent de leur boutoir puissant le manioc, déchaussent les pieds des végétaux les intéressant particulièrement et les font choir pour déguster graines et fruits : sorgho, maïs encore en lait, bananes, etc.

Les indigènes musulmans les tuent parfois, mais n'en consomment pas la chair ; ils ne prélèvent que les défenses soit pour les vendre, soit pour en confectionner des objets d'un art quasi préhistorique.

Au contraire, les indigènes chrétiens, fétichistes et autres, y compris quelques individus encore soupçonnés de cannibalisme, s'empiffrent de cette viande que d'autres savent impure.

Quant aux Européens, ils emportent leur gibier si les moyens de transport dont ils disposent sont suffisants ; sinon, ils prélèvent quelques quartiers de venaison et, bien entendu, les défenses.

Le reste n'est pas perdu pour tous : chacals, hyènes, charognards, magnans (1) viennent rapidement à la curée.

Et pourtant, comme dans le porc domestique, tout est bon ou utile chez les phacochères : viande, ivoire des défenses, peau avec laquelle on aurait des cuirs solides, souples, d'un grain assez fin, type peau de porc ou de pécari ; poils, soies ... Toutes choses dont la préparation pourrait donner naissance à une petite industrie intéressante pour certains.

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Il n'existe pas de méthode spéciale pour la chasse au phacochère, dont la peau ne résiste pas à la pénétration des chevrotines.

À 25 mètres environ et de flanc, une charge de petites ballettes suffit pour arrêter ce suidé ; il est inutile de le tirer s'il se présente en pointe ou en croupe, c'est de la chevrotine perdue.

La balle demeure le projectile le plus efficace.

Avec les fusils à canons lisses ou demi-choke des calibres 12, 16 ou 20, les balles hélices ou J. R. et ses dérivées donnent de bons résultats jusqu'à la distance où la précision devient incertaine.

Les carabines rayées de puissance moyenne sont très indiquées pour cette chasse.

Pendant longtemps, nombreux ont été les chasseurs très satisfaits de leurs carabines américaines établies en calibres 44-40 et 38-40.

Ces munitions sont à peu près passées de mode, malgré leurs réelles qualités balistiques, la facilité de s'en procurer à des prix abordables et, chose des plus appréciables dans l'éloignement de la brousse, la possibilité de les réfectionner à l'aide d'un outillage simple et bien compris.

Traqués par le chasseur, les phacochères fuient pour se cacher dans des fourrés épais d'où il est difficile de les déloger ; ils n'hésitent pas à se jeter à la nage, traverser un marigot pour mettre un terme à une poursuite.

Serrés de près, ils savent se mêler aux moutons et aux chèvres du premier troupeau qu'ils auront la bonne fortune de rencontrer au cours de leur fuite ; ils demeureront alors en contact avec ces animaux domestiques aussi longtemps que possible, se rendant compte, sans doute, de l'immunité provisoire qui leur est ainsi assurée.

Leur réputation de férocité est exagérée.

Oui, on en a vu se défendre après avoir été blessés ; oui, on en a vu, acculés dans une impasse, charger et bousculer ceux qui n'avaient pu se mettre à l'écart.

Mais le plus petit oiseau qu'on tient prisonnier dans la main n'essaie-t-il pas d'user de son bec pour se libérer ? Voyez comme il frappe, le misérable ! quelle bête féroce ! quel monstre que cette malheureuse bestiole qui n'a qu'un but ... la fuite !

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Les quelques faits suivants donnent une idée sur les réactions et la résistance physique des phacochères :

Tirant d'assez loin — 100 mètres environ — avec ma carabine 8 millimètres, je brise les reins d'un vieux phacochère ; je m'approche pour l'achever ; il se traîne sur ses membres antérieurs, les membres postérieurs paralysés, il cherche à fuir et n'amorce aucun signe de défense.

Un beau mâle poursuivi par des indigènes vient dans ma direction, j'étais invisible pour lui ; à 80 mètres, je lui envoie une balle, il tombe à genoux, se relève et continue sa course dans ma direction ; à 40 mètres, nouvelle balle, nouvelle chute, nouveau redressement, mais alors il ne court plus, il marche, titube et s'affaisse mort à quelques pas de moi.

Ma première balle lui avait fait sauter une défense, mon second projectile, entré en plein corps à hauteur de l'épaule, avait traversé le thorax, les intestins, pour ressortir par la cuisse, laissant un trou béant de 8 centimètres de diamètre.

Tiré en plein travers à moins de 30 mètres avec une balle hélice calibre 12, un jeune mâle qui passait au petit trot prend aussitôt le galop de charge. Je croyais l'avoir manqué, mais, regardant dans la direction qu'il avait prise, je vois s'élever par saccades des petits nuages de poussière ; j'avance, c'est ma victime qui se débat avant de mourir.

Je la fais dépecer ; ma balle, pénétrant dans le côté gauche, a brisé une côte, traversé le poumon, crevé le cœur pour rester entre chair et cuir, après avoir fêlé une autre côte du côté opposé à son entrée.

La cage thoracique était pleine de sang ; malgré les dilacérations produites par le projectile, l'animal avait parcouru au galop, sur un terrain sablonneux très meuble, une distance de plus de 200 mètres !

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Pris très jeunes, les phacochères sont assez sociables. Ils s'apprivoisent vite, mais deviennent rapidement encombrants du fait de leur carrure et de leur trop grande familiarité.

J'en ai élevé un couple au biberon ; j'avais tué leur mère.

Ils me suivaient partout, me gênant souvent : ils s'entendaient parfaitement avec mon chien, un braque sans pedigree.

Ils m'accompagnaient à près de 2 kilomètres de mon poste, mais n'allaient jamais plus loin ; si je continuais ma route, ils poussaient des cris aigus très semblables à ceux d'un porc qu'on égorge, puis rentraient at home en grommelant.

Ils étaient d'une propreté remarquable.

Par les fortes chaleurs, je les trouvais souvent vautrés sur un fauteuil transatlantique, plongés dans la plus profonde béatitude.

Un soir, je recevais des militaires de passage, j'avais fait fermer les portes pour qu'ils ne viennent pas importuner mes hôtes ; ils montrèrent leur mécontentement, d'abord par de petits grognements, puis par de timides tentatives d'ébranlement de portes et de cloisons ... puis il fallut tout ouvrir pour éviter le pire.

Ils périrent misérablement durant une de mes tournées assez prolongées.

MENGARDE.

(1) Magnans (Anoma Molesia) : très grosses fourmis noires qui cheminent en colonne compacte, formant comme un ruisseau envahissant ; elles s'attaquent à tout ce qui est viande — vivante ou morte. En très peu de temps, il ne reste de leurs proies, parfois énormes, qu'un squelette parfaitement nettoyé, véritable pièce anatomique.

Le Chasseur Français N°669 Novembre 1952 Page 691