Farnborough 1952 ... ou plutôt la fameuse manifestation
aéronautique anglaise qui s'y est déroulée en septembre dernier marquera une
date dans l'histoire mondiale de la conquête de l'air ! Une des plus
belles figures, parmi les innombrables qui ont fourni au monde les pionniers de
cette conquête, y a trouvé la mort, je veux dire John Derry ... Un pilote
d'essai anglais n'est plus. Il était de la lignée de nos Doret, Coupet, de nos Rozanoff,
Fred Nicolle, Bourriau, de nos regrettés Dellys, Mermoz, etc ...
Dépassant la vitesse réputée, bien à tort, fatidique de un « mach »
sur le terrain d'aviation de Farnborough, un des lieux les plus secrets
d'Angleterre, son appareil, le De Havilland 110, se pulvérisa littéralement à
quelques centaines de mètres d'altitude.
Il est certain que les experts désignés pour étudier les
causes de cet accident les décèleront. Faudra-t-il renforcer la structure de
l'avion supersonique ? Il est trop tôt pour l'affirmer, mais il est
logique de le supposer, le « mur du son » n'étant pas un mur au sens
propre du mot, les essais en soufflerie récemment réalisés l'ayant aisément
démontré.
Demain, les progrès aéronautiques avançant à pas de géant,
le mythe de ce mur ne sera plus qu'un souvenir, comme le sont aujourd'hui les
craintes qu'éprouvaient les milieux médicaux lorsque l'on envisageait, il y a
vingt ans, de faire voler l'homme à plus de 400 kilomètres à l'heure.
Radars.
— Mais il est bien évident que l'homme, pour voler à
une vitesse supersonique, ne pourra plus compter uniquement sur sa vue et sur
ses réflexes. Robots et radars viendront suppléer à ses sens insuffisants en
pareilles circonstances.
L'exposition de Farnborough a été, une fois de plus,
particulièrement édifiante dans le domaine de l'électronique. Nous étudierons
aujourd'hui plus particulièrement les nouveaux radars qui sont offerts par des
firmes spécialisées aux constructeurs aéronautiques.
Une très grande publicité avait été faite autour des
liaisons commerciales, très réussies, des avions à réaction d'outre-Manche.
En effet, depuis le 2 mai dernier, le quadriréacteur
anglais « Comet » effectue la liaison régulière hebdomadaire
Londres-Johannesburg (11.000 km.) à la moyenne stupéfiante de 600 kilomètres-heure.
En « pointe », les trente passagers atteignent le 800 kilomètres-heure
très gentiment, sans s'en apercevoir. Triomphe de la réaction et de la
technique des cabines pressurisées.
Le « Comet » est spécialement équipé pour ces vols
qui s'effectuent à haute altitude. Ainsi, une installation radar est placée
dans le nez même de l'appareil. Ce radar signale aux pilotes l'approche des
nuages d'orage ; il reflète tout objet solide se trouvant sur la route
dans un rayon de 65 kilomètres.
Le « Searcher », c'est son nom, émet un rayon à
haute fréquence qui couvre un certain espace en avant de l'appareil. Il balaie
un angle de 75° à la seconde et, s'il est intercepté par un objet solide,
celui-ci apparaît sur l'écran du radar. Tout nuage orageux, ou autre objet
compact qui se trouve dans l'espace couvert par le rayon, est ainsi
automatiquement reflété sur l'écran ; la distance à laquelle se trouve
l'obstacle ou le nuage est elle-même indiquée sur cet écran, à quelques
centaines de mètres près ; l'image obtenue révèle même les trouées
existant entre les bancs de nuages lorsqu'elles sont invisibles à l'œil nu. Au
cours des vols, le pilote peut ainsi choisir un point de passage exempt des
turbulences dangereuses créées par les zones nuageuses.
Volant sans risque au-dessus des couches nuageuses, le radar
peut alors être braqué vers le sol ; il balaye celui-ci au lieu du ciel.
Dans ces conditions, l'écran peut être utilisé comme un véritable lecteur de
cartes automatiques sur lequel apparaît l'image des côtes, des rivières, des
lacs et des navires. Un navire peut être reflété sur l'écran à 40 kilomètres de
distance et un petit canot à 8 ou 9 kilomètres.
Ce radar pèse 80 kilogrammes avec la totalité de ses
équipements. Avant d'être adopté par le constructeur anglais, des essais
particulièrement poussés avaient eu lieu au-dessus de Singapour, qui passe pour
une des régions les plus orageuses du monde.
Radar d'atterrissage.
— Nous avons vu (1) comment une firme française,
grâce à une technique très poussée dans le détail, s'était vu confier
l'équipement « radar d'atterrissage » de plusieurs grands aéroports
internationaux. Dans le cadre de l'exposition de Farnborough, une firme
anglaise a fait des démonstrations d'un nouvel équipement radar d'atterrissage.
Ces essais eurent lieu sur un circuit contrôlé avec atterrissages sans visibilité
de divers avions civils et militaires.
Pratiquement, l'avion peut être pris en charge par le radar
d'atterrissage à 1.500 mètres d'altitude et 16 kilomètres de distance. Au sol,
il peut être suivi et guidé jusqu'à près d'un kilomètre à l'intérieur du terrain
sur la piste d'envol, ceci par le brouillard le plus opaque et la nuit la plus
complète.
Les particularités techniques de ce nouveau radar anglais
résident dans le fait qu'il est très léger, très maniable et d'un prix de
revient très inférieur à ce qui a été fait. Une formule nouvelle de moulage
plastique et la mise au point d'un réflecteur très simple fait de papier de « nids
d'abeille » de feuilles d'amiante en « sandwich », le tout
soigneusement enrobé de résine et cuit au moule, à la forme de l'écran, telles
sont les causes de ce prix de revient réduit. Le radar, lui aussi, se
démocratise. À quand l'installation radar pour les automobilistes ? Radar
très certainement à bord des hélicoptères chargés depuis quelques mois de
régler la circulation sur nos autostrades ultra-modernes. L'hélicoptère se
jouera ainsi du brouillard le plus épais, l’ennemi le plus implacable des
fervents du volant sera vaincu ... Ce ne sera d'ailleurs pas la seule
satisfaction qu'ils devront à l'aviation.
Maurice DESSAGNE.
(1) Voir Le Chasseur Français de février 1952.
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