Accueil  > Années 1952  > N°669 Novembre 1952  > Page 694 Tous droits réservés

Aviation

Mur sonique et radars …

Farnborough 1952 ... ou plutôt la fameuse manifestation aéronautique anglaise qui s'y est déroulée en septembre dernier marquera une date dans l'histoire mondiale de la conquête de l'air ! Une des plus belles figures, parmi les innombrables qui ont fourni au monde les pionniers de cette conquête, y a trouvé la mort, je veux dire John Derry ... Un pilote d'essai anglais n'est plus. Il était de la lignée de nos Doret, Coupet, de nos Rozanoff, Fred Nicolle, Bourriau, de nos regrettés Dellys, Mermoz, etc ...

Dépassant la vitesse réputée, bien à tort, fatidique de un « mach » sur le terrain d'aviation de Farnborough, un des lieux les plus secrets d'Angleterre, son appareil, le De Havilland 110, se pulvérisa littéralement à quelques centaines de mètres d'altitude.

Il est certain que les experts désignés pour étudier les causes de cet accident les décèleront. Faudra-t-il renforcer la structure de l'avion supersonique ? Il est trop tôt pour l'affirmer, mais il est logique de le supposer, le « mur du son » n'étant pas un mur au sens propre du mot, les essais en soufflerie récemment réalisés l'ayant aisément démontré.

Demain, les progrès aéronautiques avançant à pas de géant, le mythe de ce mur ne sera plus qu'un souvenir, comme le sont aujourd'hui les craintes qu'éprouvaient les milieux médicaux lorsque l'on envisageait, il y a vingt ans, de faire voler l'homme à plus de 400 kilomètres à l'heure.

Radars.

— Mais il est bien évident que l'homme, pour voler à une vitesse supersonique, ne pourra plus compter uniquement sur sa vue et sur ses réflexes. Robots et radars viendront suppléer à ses sens insuffisants en pareilles circonstances.

L'exposition de Farnborough a été, une fois de plus, particulièrement édifiante dans le domaine de l'électronique. Nous étudierons aujourd'hui plus particulièrement les nouveaux radars qui sont offerts par des firmes spécialisées aux constructeurs aéronautiques.

Une très grande publicité avait été faite autour des liaisons commerciales, très réussies, des avions à réaction d'outre-Manche.

En effet, depuis le 2 mai dernier, le quadriréacteur anglais « Comet » effectue la liaison régulière hebdomadaire Londres-Johannesburg (11.000 km.) à la moyenne stupéfiante de 600 kilomètres-heure. En « pointe », les trente passagers atteignent le 800 kilomètres-heure très gentiment, sans s'en apercevoir. Triomphe de la réaction et de la technique des cabines pressurisées.

Le « Comet » est spécialement équipé pour ces vols qui s'effectuent à haute altitude. Ainsi, une installation radar est placée dans le nez même de l'appareil. Ce radar signale aux pilotes l'approche des nuages d'orage ; il reflète tout objet solide se trouvant sur la route dans un rayon de 65 kilomètres.

Le « Searcher », c'est son nom, émet un rayon à haute fréquence qui couvre un certain espace en avant de l'appareil. Il balaie un angle de 75° à la seconde et, s'il est intercepté par un objet solide, celui-ci apparaît sur l'écran du radar. Tout nuage orageux, ou autre objet compact qui se trouve dans l'espace couvert par le rayon, est ainsi automatiquement reflété sur l'écran ; la distance à laquelle se trouve l'obstacle ou le nuage est elle-même indiquée sur cet écran, à quelques centaines de mètres près ; l'image obtenue révèle même les trouées existant entre les bancs de nuages lorsqu'elles sont invisibles à l'œil nu. Au cours des vols, le pilote peut ainsi choisir un point de passage exempt des turbulences dangereuses créées par les zones nuageuses.

Volant sans risque au-dessus des couches nuageuses, le radar peut alors être braqué vers le sol ; il balaye celui-ci au lieu du ciel. Dans ces conditions, l'écran peut être utilisé comme un véritable lecteur de cartes automatiques sur lequel apparaît l'image des côtes, des rivières, des lacs et des navires. Un navire peut être reflété sur l'écran à 40 kilomètres de distance et un petit canot à 8 ou 9 kilomètres.

Ce radar pèse 80 kilogrammes avec la totalité de ses équipements. Avant d'être adopté par le constructeur anglais, des essais particulièrement poussés avaient eu lieu au-dessus de Singapour, qui passe pour une des régions les plus orageuses du monde.

Radar d'atterrissage.

— Nous avons vu (1) comment une firme française, grâce à une technique très poussée dans le détail, s'était vu confier l'équipement « radar d'atterrissage » de plusieurs grands aéroports internationaux. Dans le cadre de l'exposition de Farnborough, une firme anglaise a fait des démonstrations d'un nouvel équipement radar d'atterrissage. Ces essais eurent lieu sur un circuit contrôlé avec atterrissages sans visibilité de divers avions civils et militaires.

Pratiquement, l'avion peut être pris en charge par le radar d'atterrissage à 1.500 mètres d'altitude et 16 kilomètres de distance. Au sol, il peut être suivi et guidé jusqu'à près d'un kilomètre à l'intérieur du terrain sur la piste d'envol, ceci par le brouillard le plus opaque et la nuit la plus complète.

Les particularités techniques de ce nouveau radar anglais résident dans le fait qu'il est très léger, très maniable et d'un prix de revient très inférieur à ce qui a été fait. Une formule nouvelle de moulage plastique et la mise au point d'un réflecteur très simple fait de papier de « nids d'abeille » de feuilles d'amiante en « sandwich », le tout soigneusement enrobé de résine et cuit au moule, à la forme de l'écran, telles sont les causes de ce prix de revient réduit. Le radar, lui aussi, se démocratise. À quand l'installation radar pour les automobilistes ? Radar très certainement à bord des hélicoptères chargés depuis quelques mois de régler la circulation sur nos autostrades ultra-modernes. L'hélicoptère se jouera ainsi du brouillard le plus épais, l’ennemi le plus implacable des fervents du volant sera vaincu ... Ce ne sera d'ailleurs pas la seule satisfaction qu'ils devront à l'aviation.

Maurice DESSAGNE.

(1) Voir Le Chasseur Français de février 1952.

Le Chasseur Français N°669 Novembre 1952 Page 694