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Les chiens du chasseur rustique

Les lecteurs de cette revue veulent bien me consulter de temps en temps pour le choix de leurs chiens, courants ou d'arrêt. Très souvent il s'agit d'un chien à tout faire dans chacune de ces deux variétés. C'est donc le chasseur moyen, qui est légion, qu'intéresse ce maître-Jacques. Voici mes réponses.

Le chasseur à tir au chien courant demande un serviteur lanceur, donc actif et d'un certain train, tenace en menée et de taille réduite puisque appelé à chasser tout gibier. Celui qui ne veut qu'un ou deux auxiliaires à quatre pattes a tout intérêt à choisir le Basset Griffon vendéen, que ce soit celui de 0m,40 ou celui de 0m,35, tous désormais à jambes droites, lestes, également doués des points de vue nez et initiative. Très ardents, quelques-uns ne sont pas toujours sages dans le change, étant sujets à partir derrière un gibier qui leur saute sous le nez au cours d'une menée ou durant un défaut. Pour un chasseur à courre, pareille éventualité est de nature à le faire réfléchir. Qui veut faire parler la poudre et garnir un carnier raisonne autrement. Un courant de chasse à tir doit nécessairement être plein d'ardeur et, s'il tombe en erreur, c'est évidemment du côté où penche son caractère. Toutefois, il ne faut pas croire que le change est, avec tel bouillant personnage, une fatalité et que, parti sur un lièvre, il vous fait retour derrière un lapin et cela régulièrement. En ce qui me concerne, si je chassais avec un ou deux chiens, c'est à des représentants de cette race que je m'adresserais. De mon point de vue, avec les deux variétés maintenant adaptées à tous les terrains, cette race représente l'idéal pour quiconque ne peut s'encombrer d'un nombreux équipage.

Dans la catégorie des Bassets à poil ras, celui qu'avait sélectionné le comte Lecoulteux était aussi un charmant compagnon pour le chasseur sans prétentions. De taille réduite, à jambes droites, leste et très actif, il avait toutes les qualités requises pour la chasse à tir de tous animaux et aussi le « rabbit hunting » ou courre du lapin, parce que possédant grande part des vertus du chien d'ordre. Beaucoup de tenue donc, quoique d'une activité qui le recommandait au chasseur à tir. Bien que la formule en ait été condamnée, il existe encore des représentants de la race que les chasseurs auraient tort de dédaigner.

Autre chien de taille réduite et jouissant d'une popularité sans égale : le Beagle sous ses deux variétés, celle de 0m,40 et celle de 0m,35. Les vertus sont les mêmes. Étant tout à fait chien d'ordre et conçu pour chasser en compagnie, ce n'est pas le compagnon solitaire du chasseur qui l'est aussi. Il y a avantage à posséder deux paires, d'ailleurs plus faciles à gouverner que tel griffon. C'est le plus discipliné de nos petits chiens et même faut-il éviter qu'il le soit avec excès. Certains ont dit qu'il n'était pas bon lanceur, ni assez audacieux dans les embarras. Toute qualité trop poussée tourne au défaut. Il y a des beagles trop peu indépendants quant aux initiatives, comme il y a des griffons dénués de sagesse et peu maniables. En tout cas, je puis dire qu'avec quatre beagles on peut faire bon et agréable travail et qu'au soir d'une journée de chasse on est certain de rentrer au gîte avec tous ses toutous. Ceci est également à considérer pour peu qu'on ait pratiqué les briquets de pays, souvent excellents, mais têtes folles aussi.

Il y a un peu partout depuis les deux guerres des Teckels, ou Bassets allemands, dont les qualités sont plus celles du chien terrier que du courant. Ce serait ambition pour eux que de les voir randonner un lièvre par pays. Ils ne peuvent prétendre à effectuer tout ce que sait faire un courant véritable, ils n'entrent donc pas dans la confrérie du courant propre à toutes fins.

Nos bassets à jambes torses ou mi-torses, en général trop lourds par surcroît, sont peu indiqués pour les terrains difficiles et les fourrés très denses. Toutefois, le Basset bleu de Gascogne, beaucoup plus léger, pourrait être utile un peu partout. Fin nez, superbement gorgé, il peut satisfaire les amateurs de chasse régulière et à beau bruit. Chien de meute surtout.

Je n'insiste pas sur le Basset fauve de Bretagne, tant les effectifs en sont réduits, ce qui est grand dommage, car c'est là un spécimen remarquable du chien convenant aux effectifs réduits. Des mustélidés aux grands animaux, tout lui est bon et sur n'importe quel terrain. Dommage que sa jolie livrée fauve lui vaille de périr trop souvent victime d'un fusil chaud.

Le chien d'arrêt à toutes fins est représenté par la plupart des races continentales, quelques-unes ayant été conçues spécialement pour le produire. On sait qu'outre la quête et l'arrêt ferme tout continental doit être bon retriever, même pour les « runners » les plus coureurs. Les chiens d'arrêt d'origine allemande sont particulièrement entraînés à la pratique de nombreux autres exercices et sont par conséquent « à tout faire » au sens le plus strict. En France, le plus répandu d'entre eux est le braque à poil ras ou Kurzhaar, dont la clientèle se rencontre un peu partout. Ce chien élégant, ayant les allures convenables, le nez, le style d'arrêt, avec les aptitudes de retriever qu'il a, est désigné pour la spécialité demandée. Les porteurs de poil dur allemands méritent aussi d'être cités comme aptes aux mêmes travaux. Tous ces chiens demandent une mise au point très poussée, leur personnalité étant en général très affirmée.

Notre Braque français, certainement apparenté au braque allemand primitif, est susceptible du même rendement, avec une aménité de caractère plus affirmée qui, en rendant la conduite plus aisée, mérite une attention qu'on ne lui accorde pas assez. C'est un excellent serviteur pour le chasseur moyen, qui veut un chien de qualité, aisé à mener, et dont le dressage est des plus faciles. On a le choix entre le modèle étoffé et un autre plus léger, dans le genre du néo-braque allemand, plus vif de train, mais l'un et l'autre de même moral. Le modèle allégé est absolument conçu pour satisfaire les goûts du jour, et il est inconcevable qu'on ne lui accorde pas plus d'attention.

Le Braque d'Auvergne est doué des mêmes qualités que le braque continental et peut donc satisfaire aux besoins du chasseur qui n'a qu'un compagnon. En dehors de sa province, il n'est pas assez connu. Depuis un demi-siècle, le volume en augmente et peut-être cela ne s'imposait pas, surtout que, chien d'arrêt important en taille et en poids, il ne jouit pas de la faveur des chasseurs.

Les Braques lourds tels que l’Ariégeois et le Charles X sont disparus, de même que l'élégant Dupuy, que son hérédité rendait difficile à fixer, les retours à la psychologie graioïde étant fréquents. La production du Saint-Germain n'est pas facilitée par la nécessité d'obtenir une tête continentale sur un corps pointéroïde. En tout état de cause, ce n'est pas un chien à tout faire. Il n'est pas conçu, en particulier, pour barboter dans les marais.

Le Braque du Bourbonnais, dont la formule est bonne, a été handicapé par l'exigence de la queue courte de naissance et le port de la livrée mouchetée sans grande marque. Il semble renaître sous l'influence d'idées plus larges. Donnant bien l'apparence d'un rustique, il devrait avoir les mêmes indications que le Braque continental, avec une taille très au goût du jour.

Parmi les Épagneuls, l'Épagneul français, si agréable de caractère, est à sa place partout avec des aptitudes remarquables de retriever. Ses variétés picardes aussi, dont l'une voulue assez étoffée par les chasseurs au marais de la province est appréciée surtout en son berceau. L'Épagneul français tel qu'il se présente maintenant ferait la joie de beaucoup qui l'ignorent et vont chercher des setters dont le maniement n'est pas à leur portée.

De l’Épagneul breton rien à dire que d'observer combien il est apprécié dans les pays les plus divers. Sa qualité, sa taille, sa résistance, sa psychologie qui en fait un chien d'arrêt pourvu de part de l'âme du spaniel, expliquent sa popularité. Chien à tout faire par excellence.

On travaille actuellement à la renaissance du Pont-Audemer, qui est notre chien d'eau national. Il a fait ses preuves, tant au bois qu'au marais. Est-il doué pour la plaine dans la même mesure ? Ce n'est pas absolument certain. Qui pratique surtout les marais à étang et les fourrés devrait s'intéresser à un chien de taille moyenne et endurant comme celui-ci.

Le Griffon, désormais appelé Korthals, du nom du grand éleveur qui en a défini le type et l'a fixé, a été déclaré par lui être essentiellement conçu pour répondre à tous les besoins sur tous les terrains. Sa qualité est connue, ses utilisateurs nombreux. On ne peut que souhaiter les voir encore plus nombreux. Sur terre et à l'eau, il est à sa place partout. C'est une des grandes réussites du dernier siècle.

Le Setter anglais, obstinément appelé en France Laverack, est, à l'état pur ou croisé, le chien d'arrêt sans doute le plus répandu chez nous. Ce succès témoigne de la multiplicité de ses aptitudes. Peut-être, de même que tous les chiens s'intéressant surtout aux émanations hautes, n'est-il pas aussi doué que les continentaux pour travailler les voies. Il est un peu spécialisé, comme tous les chiens d'arrêt anglais, le pointer compris. On ne saurait lui en vouloir. Normalement, il devrait compter sur le concours du retriever comme dans sa patrie.

Bien convaincu des hautes qualités du Pointer et du Setter anglais que j'ai longuement pratiqués, je ne les classerai pas parmi les races où chercher le chien à mettre à toutes les sauces tel que le désire le chasseur rustique, mais je tiens à rendre hommage à leur valeur comme chiens de chasse et comme améliorateurs des continentaux là où on a su s'en servir.

Entraînés depuis de nombreuses générations à accomplir tous les exercices exigés du chien d'arrêt, ceux des races continentales sont donc, en principe, celles où le chasseur qui n'a qu'un compagnon devra se procurer son serviteur. Il devra les étudier et se dire que c'est parmi les plus appréciées qu'il aura chance de trouver l'objet à sa convenance. Mais il devra aussi en sonder la psychologie et tenir compte du gibier et du terrain, se connaître enfin soi-même, et, si la patience n'est pas son fort, s'adresser aux membres des races réputées pour leur aménité. L'efficacité est le produit combiné des qualités psycho-physiques influencées par la bonté du caractère.

R. DE KERMADEC.

Le Chasseur Français N°670 Décembre 1952 Page 719