Nombreux sont les ennemis de la betterave, et plus
particulièrement les insectes, qui causent des dégâts dans les cultures. Nous
allons, aujourd'hui, en étudier trois, choisis parmi les plus redoutables.
Le ver blanc.
— Le ver blanc, connu dans certaines régions sous le
nom de turc ou de man, est la larve du hanneton. Il est suffisamment connu pour
qu'il soit inutile d'en faire la description. Rappelons seulement qu'il arrive
à sa troisième année à mesurer de 4 à 5 centimètres, taille qui explique la gravité
des dégâts qu'il est capable de causer. Il se rencontre
un peu partout en France, mais surtout dans la moitié nord et dans le Sud-Est.
Les larves passent l'hiver en terre et remontent en surface en mars-avril,
quand la température du sol dépasse 10°. Elles rongent le chevelu des jeunes
racines et notamment des betteraves. Les semis peuvent être complètement
détruits. Une autre période critique est celle du démariage, puisqu'il n'est
plus possible de remplacer les pieds détruits. Ceux même qui sont simplement
attaqués et blessés peuvent être mis au passif de l'insecte, car ils sont
exposés à des infections secondaires par les maladies bactériennes ou
cryptogamiques.
La lutte contre le ver blanc lui-même est difficile,
mais la diffusion des insecticides de synthèse constitue un progrès
considérable sur les anciens procédés. On conseille l'application
d'hexachlorocyclohexane (H. C. H.) à l'automne de l'année du vol (on
sait que le cycle évolutif du hanneton est de trois ans), ou au plus tard au
printemps suivant. De toute façon, il est nécessaire d'opérer au moins quatre
semaines avant le semis des betteraves, et bien des échecs sont dus à ce que
cette prescription a été négligée.
On peut détruire de nombreux vers blancs par des façons
culturales énergiques qui ramènent les larves à la surface du sol. Il importe
alors de les ramasser et de les détruire. Ce travail est à effectuer
tardivement, puisqu'il ne sera efficace que dans la mesure où les vers blancs
seront déjà remontés dans la partie superficielle du sol, à portée des
instruments.
Le ver blanc a, en outre, un ennemi naturel, le corbeau.
Dans les régions où ces oiseaux sont nombreux, il n'y a pratiquement ni
hannetons, ni vers blancs. Le corbeau est considéré en général comme un
nuisible. Il rend cependant des services appréciables en participant à la lutte
contre les insectes et au hannetonnage.
L'insecte parfait est plus vulnérable que sa larve, et c'est
contre lui que s'orientera la lutte. Il est sensible aux insecticides type H. C. H.
ou S. P. C., et, dans diverses régions, des opérations d'ensemble
connues sous le nom d'« opération hanneton » ont été entreprises avec
des moyens puissants. L'efficacité n'en est pas douteuse et s'étend sur une ou
peut-être même deux générations. Elles ne sont toutefois pas possibles partout
et en toutes circonstances.
Parmi les insecticides les plus actifs et les plus employés,
il convient de citer l'hexachlorocyclohexane (H. C. H.) et le sulfure
de polychlorocyclane (S. P. C.). Le premier est un produit complexe qui
contient un certain nombre d'isomères, alpha, bêta, gamma, delta, etc., qui ne
semblent pas jouir tous de la même activité insecticide. L'isomère gamma paraît
être le plus efficace et de beaucoup. C'est donc lui qui est le plus recherché.
Le produit industriel courant en contient de 10 à 12 p. 100, mais, en
divers cas, on tend à employer des produits à concentration plus élevée, allant
jusqu'à 40 p. 100. Un des inconvénients de l'H. C. H. est
d'avoir un fort goût de moisi susceptible de se communiquer aux plantes qui
pousseront ultérieurement sur le terrain où il a été répandu, et cela pendant
une ou deux années. Il faut donc être très réservé là où on compte faire venir
des pommes de terre ou autres légumes. Il a, par contre, le grand avantage
d'être pratiquement inoffensif pour l'homme et les animaux à sang chaud.
Le sulfure de polychlorocyclane (S. P. C.) est un
dérivé de l'hexachlorocyclohexane et se montre également très efficace dans la
lutte contre les insectes. Bien entendu, l'action de ces produits ne se limite
pas à la destruction du ver blanc et des autres parasites de la betterave ;
ils sont utilisés contre la plupart des insectes nuisibles.
La teigne de la betterave.
— Moins connue et moins répandue que le hanneton, la
teigne de la betterave n'en constitue pas moins un ennemi redoutable pour les
cultures de la vallée du Rhône et de celle de la Saône et de diverses régions de
l'Est et du Centre-Est.
Elle se présente sous la forme d'un papillon de 10 à 12 millimètres d'envergure.
Les ailes antérieures sont fauves avec des taches plus foncées ; les
ailes postérieures sont grises avec une bordure de poils soyeux. La chenille
mesure 1 centimètre environ ; elle est gris jaunâtre. L'attaque de la
plante jeune se reconnaît à ce que les feuilles centrales sont ondulées et
réunies entre elles par des fils soyeux. Sur toutes les plantes on remarque au
collet un amas noirâtre formé essentiellement par les excréments des larves qui
ont pénétré dans la racine où elles se trouvent d'ailleurs à l'abri des
insecticides.
Seuls les jeunes semis sont détruits. Les plantes plus âgées
résistent et continuent à se développer ; elles souffrent cependant et
leur rendement est diminué. Il y a généralement deux générations chaque année,
l'une en avril-mai, l'autre en juillet-août. Dans les régions méridionales, il
y en a parfois une troisième en fin de saison.
La lutte est rendue difficile par le mode de vie de la
chenille qui se dissimule au collet de la racine. Le moment favorable pour
traiter est celui où s'envolent les papillons, mais l'efficacité du traitement
sera d'autant mieux assurée que celui-ci sera effectué sur une plus large
superficie comprenant toutes les cultures betteravières de la commune. Les
insecticides à employer sont ceux que nous venons de citer : H. C. H.,
S. P. C. ou encore le D. D. T., bien connu, ou
dichlorodiphényltrichloréthane, en pulvérisations.
Le taupin.
— Le taupin est un coléoptère dont la larve,
généralement connue sous le nom de « larve fil de fer », ressemble,
comme son nom l'indique, à un bout de fil de fer rouillé, de 18 à 25 millimètres
de longueur. Elle vit cinq ans avant de donner naissance à l'insecte parfait.
Elle attaque de nombreuses plantes, dont la betterave,
pour laquelle elle se montre particulièrement dangereuse au moment de la levée.
Elle provoque la mort des jeunes plants, tant par son action propre qu'en
créant des foyers d'infection souvent mortels. Elle est très sensible à la
sécheresse, et tous les travaux qui la ramènent à la surface du sol par temps
sec et chaud contribuent à sa destruction. Les insecticides généraux sont
également efficaces. On peut protéger les jeunes betteraves en recouvrant les
graines d'un insecticide contenant 40 p. 100 de l'isomère gamma de l'H. C. H.
(méthode valable également contre le ver blanc). On peut, d'ailleurs, mélanger
cet insecticide à un fongicide destiné à lutter contre une maladie de la
betterave, le « pied noir » ou « fonte des semis ».
Contre ces trois grands ennemis de la betterave que sont le
ver blanc, la teigne et le taupin, l'agriculteur est maintenant armé, mais,
contre les deux premiers tout au moins, une action collective apparaît
nécessaire pour être vraiment efficace. Elle n'exclut cependant pas la lutte
individuelle qui la complète et permet d'attendre que les conditions de la
réalisation de l'opération d'ensemble soient réunies. Il ne faut pas espérer
que ces redoutables parasites disparaîtront de la surface du globe, du moins
peut-on en limiter étroitement les dégâts.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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