— Aux hasards d'une randonnée, vous pouvez avoir la
surprise d'apercevoir les toits d'une cinquantaine de cases qui avancent en
file indienne, en tressautant et en se tortillant au-dessus des broussailles.
— Allah douma dougou ... Allah douma dougou ...
Allah douma dougou ... (Dieu, donne-nous un village.)
Cette incantation incessante en provient ...
Approchez-vous pour éclaircir ce mystère, et vous verrez le défilé suivant :
un griot marche en tête ; une volée d'enfants claque des mains et lui fait
fête ... Chaque toit de case est porté par quatre hommes ... Des
femmes suivent, la tête surmontée de piles de calebasses. Des vieillards
terminent le cortège, en poussant devant eux de petits ânes gris chargés d'un
invraisemblable barda et de grappes de volailles attachées par les pattes à
toutes les aspérités ...
Ce sont quelques familles qui se sont groupées pour fonder
un village, ou des villageois qui viennent d'abandonner le leur. Sur
l'emplacement qu'ils occupaient hier, il ne reste plus que quelques « margelles »
qui vont s'effriter peu à peu.
Elles suivent maintenant l'étroit ruban vert qui borde un
marigot. À l'horizon se détache une masse de verdure qui doit être formée de
grands arbres. En effet, voici une dépression du sol où le petit ruisseau a
étalé son « ventre ». Sur une grande surface circulaire s'étend un
tapis de verdure, parsemé de brousse plus vivace et d'arbres nés de
broussailles qui ont atteint ici un développement plus complet ...
Tandis que vous vous éloignez, une épaisse fumée obscurcit le
ciel ; une grêle de pilons étouffe ses coups dans la glaise ; des
margelles jaillissent du sol, puis reçoivent un « chapeau » ...
Il arrive aussi que la terre d'un village, bien qu'encore
fertile, n'est cependant plus assez étendue pour nourrir une population qui a
prospéré ; alors un essaim se forme et : Allah douma dougou ...
Allah douma dougou ... Allah douma dougou ...
J. GRAND.
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