— M. Marcellin a signalé sous ce titre, dans Le
Chasseur Français de juillet, certaines erreurs de chronologie dans
l'attribution à tel ou tel pays, par les peintres ou écrivains, de telle ou
telle plante.
M. Marcellin prend pour exemple la représentation de cactus
dans des tableaux consacrés à la vie du Christ et leur mention dans le Salammbô
de Flaubert. Il explique que les cactus, étant originaires du Nouveau Monde, ne
pouvaient exister dans l'Ancien avant Colomb.
Je crois que le peintre, que M. Marcellin ne nomme pas, et
Flaubert, dont la documentation était scrupuleuse, n'avaient pas tort. Car on
trouve dans Théocrite (300 av. J.-C.), les vers suivants : « Tu
traînes en arrière, comme derrière le troupeau une brebis blessée au pied par
un cactus » (Les Moissonneurs). Il est probable que
Théocrite ne cherchait pas à reconstituer une couleur locale, et que ses images
lui étaient suggérées par l'observation directe.
La question reste donc entière : y avait-il ou non des
cactus dans l'Ancien Monde, avant la découverte du Nouveau ?
Je serais heureux de connaître la réponse de M. Marcellin.
M. DE LA BICHE,
Abonné d'A. O. F.
Réponse.
— Il est bien vrai que le mot kaktos (κακτοσ)
est un mot grec qu'on trouve dans Théocrite et qui existait évidemment bien avant
lui. Mais il ne faut pas confondre le nom et la chose. Il s'agit évidemment,
dans l'idylle à laquelle il se réfère, d'une des nombreuses « plantes
épineuses » dont fourmillent tous les maquis, de Grèce ou d'ailleurs. Cela
ne signifie nullement que ce mot désigne les cereus et autres cactées
mexicaines auxquelles je fais surtout allusion dans mon article. Quand a été
établie la nomenclature linnéenne, il a bien fallu trouver des noms pour les
plantes et les animaux nouveaux, et on les a empruntés aux Anciens. Certaines
de ces plantes ont été appelées parfois « figuier des Indes », bien
qu'elles n'aient rien d'un figuier et ne soient pas plus originaires des Indes
que le « coq d'Inde » ou dindon, le « cochon d'Inde »,
etc., ni même les Indiens Peaux-Rouges.
Pour ce qui est d'une erreur commise par Flaubert, je suis
absolument de l'avis de M. de la Biche sur les scrupules de style de ce très
grand écrivain. Mais, même chez lui, ce lapsus n'est pas unique.
N'a-t-il pas dépeint, dans le cabinet du Dr Bovary, une « tête
phrénologique », couverte de chiffres « jusqu'au thorax » ?
Le thorax d'une tête ! ... Surtout ne lui jetons pas la pierre.
L'erreur est humaine, et nous sommes des humains !
L. MARCELLIN.
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