La politique internationale de son successeur tentera toujours de concilier une ligne de fidélité indéfectible envers l'URSS (qu'elle soit dirigée par Brejnev, Andropov, Tchernenko ou enfin Gorbatchev) et une volonté de démarquage par rapport à la RFA (laquelle entretient avec l'URSS des relations en constante amélioration au cours de ces vingt années).
Au début des années 1970 - quoiqu'en dise la propagande officielle - la période des grandes transformations est passée ; les industries de RDA sont collectivisées aux deux tiers, la réforme agraire est achevée, le système scolaire et les organisations pour la jeunesse assurent l'enseignement et l'encadrement idéologiques et la contestation populaire est en sommeil.
Les années 1970 marquent le début de la normalisation des relations germano-allemandes (RFA-RDA). Dès décembre 1969, Ulbricht adresse au nouveau Président du Bundestag, Gustav Heinemann, un projet d'accord d'ouverture de relations bilatérales équitables entre la RFA et la RDA. En mai 1970 se rencontrent le chancelier Willy Brandt et le ministre-président Willi Stoph à Kassel ; la querelle linguistique sur la nature des relations bilatérales entre les deux pays ("interallemandes" pour Brandt, "internationales" pour Stoph) n'empêche pas qu'un premier pas soit accompli sur la voie d'un réchauffement concrétisé en janvier 1971 par le rétablissement de liaisons téléphoniques entre Berlin-Est et Berlin-Ouest (coupées depuis 19 ans !), en septembre par un accord sur les liaisons postales, et en décembre sur les transports et transits entre Berlin-Ouest et la RFA à travers la RDA.
Cette période consacre aussi l'inféodation inconditionnelle du pays au "grand frère" soviétique. Jamais depuis la répression (grâce aux chars russes) du soulèvement de juin 1953, le régime n'a été aussi fidèle : la RDA approuve sans état d'âme l'écrasement du Printemps de Prague à l'automne 1968 ou la répression de la contestation sociale en Pologne en 1970. Elle sera de même la seule à approuver la Chine lorsqu'elle écrasa la contestation étudiante de Tien An Men en 1989.
Mais Honecker manie habilement la carotte et le bâton. Soucieux d'éviter l'agitation sociale ou populaire (comme en 1953 à Berlin, en 1956 en Hongrie, en 1968 en Tchécoslovaquie, en 1970 en Pologne), les dirigeants laissent un temps (entre 1971 et 1976) s'exprimer un certain bouillonnement culturel. Les grands "classiques" de la littérature est-allemande datent de cette époque, ainsi :
- les pièces de Heiner Müller (Der Lohndrücker) ;
- les romans de Volker Braun (Hinze und Kunze), Christa Wolf (Unter den Linden), Ulrich Plenzdorf (Die neuen Leiden des jungen W.), Uwe Johnson (Zwei Ansichten)
- et même la musique de jazz des frères Kühn (entre autres).
L'état socialiste s'attache aussi tout particulièrement à l'amélioration de la condition féminine, multipliant les places d'accueil dans les crèches, encourageant la poursuite d'études supérieures et facilitant l'entrée des femmes dans la vie active ; dès 1974, 84,5% d'entre elles travaillent (et, du même coup, accroissent le potentiel économique du pays...).
Mais les deux chocs pétroliers (1973 et 1979) et un nouveau resserrement de la politique culturelle vont mener la RDA des années 1980 vers la sclérose. Sur le plan intérieur, Honecker reste sur une ligne idéologique "brejnévienne" tandis que monte - au PCUS comme au sein du SED - une opposition réformatrice (dont l'avocat des dissidents Gregor Gysi sera le porte-parole lors de la transformation en Parti du Socialisme Démocratique en 1989-1990).
Les divergences grandissantes avec la politique de Gorbatchev (à partir de 1985) creusent le fossé entre le régime et la population, l'élite intellectuelle se désolidarisant, pour la première fois massivement, des dirigeants est-allemands. Mouvements chrétiens et mouvements pacifistes se politisent et se radicalisent.
En pleine période de "Glasnost" en URSS, la Stasi (Staatssicherheit, sûreté de l'état) infiltre et "torpille" de nombreux milieux contestataires, aggravant le sentiment de malaise croissant de la société est-allemande. Des jeunes de Berlin-Est sont même arrêtés pour avoir écouté le concert de Roger Waters (The Wall), donné de l'autre côté du mur !
La protestation s'organise et prend la forme de veillées de prières hebdomadaires (notamment le lundi à Leipzig), rassemblant de plus en plus de monde.
L'année 1989, celle du 40ème anniversaire de la fondation de la RDA, marque le début de l'effondrement du socialisme. Le 2 mai, la Hongrie décide de démanteler le rideau de fer qui la sépare de l'Autriche voisine. Les Allemands de l'Est se précipitent cet été-là hors de leurs frontières et leur exode massif a valeur de désaveu pour Honecker. Même Gorbatchev condamne le SED lors des festivités du 40ème anniversaire ("La vie punit ceux qui arrivent trop tard").
Le 17 octobre 1989, Honecker démissionne. Il est remplacé par Egon Krenz, mais les mesures de libéralisation qu'il prend à la hâte ne suffisent plus à apaiser l'impatience de la population.
Le 9 novembre, Günter Schabowski, membre du Bureau Politique annonce l'ouverture immédiate du mur de Berlin...
... et dès le 20 novembre, le slogan fédérateur de l'opposition citoyenne "Wir sind das Volk" (nous sommes le peuple) devient "Wir sind ein Volk" (nous sommes un seul peuple). La réunification est en marche. Elle sera chose faite en moins d'un an...
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(c) éric alglave 2000