LA REVOLUTION INDUSTRIELLE ET LES DEBUTS DU REICH
(1871-1890)

La guerre franco-allemande de 1870/71 fut déclenchée pour des raisons (prétextes) diplomatiques, mais elle fut soutenue par un réel mouvement national(iste) en Allemagne, né en réaction à la déclaration de guerre de la France, elle-même inquiète pour son hégémonie en Europe.
La rapide victoire de la Prusse tint en grande partie à l'avance technologique de ses troupes et à la logistique ferroviaire déjà bien implantée.

En effet, depuis le début des années 1850 la modernisation et la mécanisation de la production (que l'on n'appelle pas encore "Révolution Industrielle") avaient transformé l'Allemagne (voir documents). De grandes banques avaient vu le jour, l'industrie lourde s'était concentrée et développée dans des bassins de production (Ruhr, Sarre et Haute-Silésie), la population avait commencé à affluer en masse dans les villes pour constituer une main-d'oeuvre peu qualifiée mais disponible et inépuisable, dont Karl Marx théorisa la condition sous le nom de prolétariat.
Le hobereau - grand propriétaire terrien - qu'était Bismarck sut galvaniser les frustrations de cette population surexploitée en la dressant contre la France. Après la victoire de Sedan, Guillaume 1er (Wilhelm 1.) fut proclamé Empereur, en France dans la galerie des glaces du Palais de Versailles (!), le 18 janvier 1871 (voir document). Il aura donc suffi de neuf années à Bismarck pour réaliser l'union allemande tant réclamée en 1848. Mais à quel prix pour l'Europe ! La Russie est réduite au silence depuis la guerre germano-danoise de 1864, l'Autriche est humiliée par sa défaite de 1866, et la France est ridiculisée en 1871 !
Pourtant, la victoire éclair des troupes allemandes donne des ailes aux nationalistes. Ils réclament dès août 1870 l'annexion de l'Alsace-Lorraine (voir carte de l'Empire) même si certains sociaux-démocrates rappellent dans un manifeste, dès le 5 septembre 1870, que ces deux régions y sont hostiles : "Die Militärkamarilla, Professorschaft, Bürgerschaft und Wirtshauspolitik gibt vor, dies (die Annexion) sei das Mittel, Deutschland auf ewig vor Krieg mit Frankreich zu schützen. (...) Es ist das unfehlbarste Mittel, den kommenden Frieden in einen bloßen Waffenstillstand zu verwandeln, bis Frankreich erholt ist, um das verlorene Terrain herauszuverlangen. Es ist das unfehlbarste Mittel, Deutschland und Frankreich durch wechselseitige Selbstzerfleischung zu ruinieren."(La caste militaire, professorale, bourgeoise et commerçante prétend que (l'annexion) serait un moyen de protéger éternellement l'Allemagne de la France. (...) C'est le moyen infaillible de transformer la paix à venir en simple cessez-le-feu, jusqu'à ce que la France soit assez forte pour réclamer ce qu'elle a perdu. C'est le moyen infaillible de ruiner l'Allemagne et la France en les faisant se dépecer mutuellement.)

Le nouvel Empire s'appuie sur une alliance inégale entre la base nationale et libérale d'un côté et la tête de l'état conservatrice et prussienne de l'autre. Nul doute : le nouvel état fut constitué d'en haut (voir caricature). On est loin de la nation populaire et souveraine et du régime constitutionnel de 1848 ! Le Reich de 1871 est un état national autoritaire et monarchique.
Pendant trois ans, de 1871 à 1873, l'enthousiasme et les milliards français versés en dommages de guerre donnèrent un formidable élan à l'Empire naissant. Ces trois "glorieuses" années fondatrices se terminèrent par un Krach financier et boursier qui plongea ensuite le pays dans une grave et longue récession.
Sur le plan politique, Bismarck mena dans les années 70 un combat acharné contre ses "ennemis de l'intérieur", le parti catholique du Zentrum (en 74-75) et le Parti Socialiste Ouvrier Allemand SAPD (en 78-79). Il livra un véritable combat culturel, dans lequel il défendit les valeurs conservatrices de la noblesse de terre prussienne contre les valeurs humanistes et chrétiennes de l'opposition. En fait, il chercha surtout, en fin tacticien, à éliminer deux mouvements politiques écoutés des Allemands, qu'il accusa d'intérets internationaux et anti-allemands.
Il faut dire que la condition sociale de nombreux Allemands n'était guère brillante : 41 millions d'habitants, dont un tiers vivaient déjà en ville, logeaient alors dans des "cages à lapins" à 6-7 personnes par chambres, et travaillaient (enfants comme adultes) 18 heures par jour pour un salaire à la limite de la subsistance. Il n'est pas étonnant que la charité chrétienne et le syndicalisme socialiste aient trouvé à s'exprimer !

C'est d'ailleurs par peur de l'alliance en 1875 (voir document) des deux mouvements socialistes, jusque là rivaux, de l'Union Générale des Ouvriers Allemands de Ferdinand Lassalle (Allgemeiner deutscher Arbeiterverein) et du parti plus marxiste de August Bebel et Karl Liebknecht le Parti Ouvrier Social-démocrate (Sozialdemokratische Arbeiterpartei) que Bismarck promulgua en 78 loi anti-socialiste (Sozialistengesetz) et, par opportunisme en 79-80, les lois sociales de protection des travailleurs que reclamait l'opposition (voir document) : assurance maladie, invalidité, retraite et décès.

Les années 1880 (jusqu'au départ de Bismarck en 1890) furent marquées par un tournant économique et politique consécutif à la crise : le virage protectionniste entraîna la défection du groupe parlementaire national-libéral...

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