L'artisan majeur de cette reconstruction est le nouveau chancelier fédéral Konrad Adenauer (CDU/CSU chrétiens-démocrates) dont le parti vient de remporter les premières élections législatives, obtenant 139 sièges contre 131 pour le SPD (socialistes), 52 pour le FDP (libéraux), 17 pour le Parti Bavarois et 17 pour le Parti Allemand, 15 pour le KPD (communistes), 12 pour la Reconstruction Économique, 10 pour le vieux Zentrum et 9 sièges pour les députés sans étiquette.
La nouvelle assemblée élit également son premier président de la République en la personne de Theodor Heuss (FDP).
La forte personnalité et le passé irréprochable (sans trace d'implication dans le régime nazi) de Konrad Adenauer ont fait de lui l'interlocuteur incontournable des membres de la Commission de Contrôle alliée. Il domine aussi la vie politique intérieure allemande au point de laisser à sa période de gouvernement (de 1949 à 1963) le nom d'ère Adenauer !
Le chancelier sera le porte-parole infatigable de l'Allemagne face aux anciens adversaires européens (français, anglais) et américains ; il saura trouver les mots de la réconciliation et de la coopération politique et économique. Dès 1950, la RFA participe à la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, initiée par le ministre français des affaires étrangères Robert Schuman (voir notice biographique) et réunissant Benelux, Italie, Allemagne et France. Du coup le statut provisoire de la Ruhr est levé.
De 1952 à 1954, la RFA récupère petit à petit sa pleine et entière souveraineté.
Et malgré l'échec du projet de Communauté Européenne de Défense devant le parlement français, la RFA entre dans l'OTAN en octobre 1954.
On l'aura compris, Adenauer veut avant tout ancrer son pays à l'Ouest - la guerre de Corée marque le véritable début de la Guerre Froide - et il n'hésite pas à mettre en jeu son soutien auprès des alliés occidentaux pour leur arracher des concessions favorables à la RFA.
Sur la scène intérieure, il obtient l'interdiction du Parti Communiste en le faisant déclarer anticonstitutionnel par le Conseil Constitutionnel Fédéral. Il faudra attendre 1990, donc après la Réunification, pour voir à nouveau des communistes au parlement de la RFA.
Le fossé ne fait donc que s'accroître entre les deux nouvelles nations allemandes : RFA et RDA. Il faut dire aussi que l'évolution économique de la RFA est beaucoup plus rapide que celle de la RDA, d'où une disparité que les allemands de l'Est ne tarderont pas exploiter ; un exode germano-allemand massif se produit jusqu'au coup d'arrêt brutal du Mur de Berlin, le 13 août 1961 (voir document).
A l'Ouest, les années 50-60 sont celles du "Miracle Économique", tandis que la RDA met lentement en place de nouvelles structures. Cette période de prospérité est le fruit de plusieurs facteurs :
1°) l'aide financière à la reconstruction du Plan Marshall, qui permet à l'industrie allemande de se doter d'un outil de travail ultramoderne et ultra performant ;
2°) la volonté farouche des allemands de (se) prouver qu'ils sont capables de surmonter pacifiquement les épreuves ;
3°) la gestion économique et monétaire avisée du ministre de l'économie (1949-1963) puis chancelier fédéral (1963-1966) Ludwig Erhard, père de la légendaire stabilité du Deutsche Mark et garant du non moins légendaire pacte (consensus) social.
Ludwig Erhard permet à la RFA de mettre en place la "formule magique" de sa réussite : l'économie sociale de marché, un savant dosage de libre échange et de régulation de l'économie au service de la population.
Patrons et salariés s'organisent en puissantes centrales syndicales et contribuent en partenaires sociaux de rang égal à la bonne marche de l'économie. Le 22 mai 1950, le principe de l'égalité du capital et du travail se traduit dans la cogestion paritaire de la grande industrie.
Enfin, les années 50 et 60 sont celles de la réconciliation avec la France. La compréhension mutuelle des intérêts de chaque pays conduit Charles De Gaulle (arrivé au pouvoir en 1958) et Adenauer à développer et afficher des relations bilatérales très étroites qui donneront naissance à la fameuse "amitié franco-allemande" (le pacte est signé le 22 janvier 1963, voir Traité de l'Elysée), incarnée dans les années 70 par le "couple" Valéry Giscard d'Estaing/Helmut Schmitt, puis dans les années 80-90 par Helmut Kohl et François Mitterrand.
La récession économique de 1965, l'agitation sociale et politique des années 1966-69 se traduira en RFA par la formation inédite d'un gouvernement dit de "Grande Coalition" rassemblant TOUS les partis siègeant au parlement : CDU + FDP + SPD, sous la chancellerie de Kurt Georg Kiesinger (CDU). Willy Brandt (SPD) devient ministre des affaires étrangères et vice-chancelier.
Mais cette configuration politique présente aussi des dangers pour la démocratie dans la mesure où l'absence d'opposition parlementaire au gouvernement encourage la naissance d'une Opposition Extra-Parlementaire, mouvance gauchiste dans laquelle le terrorisme des années 70 trouvera quelques sympathies.
En 1969, la RFA se choisit, pour la première fois depuis la guerre, un parlement à majorité socialiste. Willy Brandt est élu chancelier, à la tête d'un gouvernement SPD/FDP, avec Walter Scheel (FDP) aux affaires étrangères. Ils seront les artisans du grand tournant diplomatique des années 1970 : l'Ostpolitik.
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(c) eric alglave 2000