Enfin la 9ème et dernière saison s'intéresse sérieusement au personnage de John Doggett et donne de la consistance à son passé de flic new yorkais. Une affaire vieille de 13 ans - présentée en flash-back dans le prégénérique - revient à la surface à l'occasion de la libération du coupable que Doggett et son collègue avait pris sur le fait en 1989.
1°) Qu'est-ce qui fait de Doggett un "grand" flic ?
Le procédé du retour en arrière n'est certes pas nouveau dans les X-Files (cf. 4X07 The Musings of a Cigarette Smoking Man pour CSM, 5X03 Unusual Suspects pour les Lone Gunmen, 5X15 Travelers/Compagnons de Route pour le père de Mulder), mais il offre l'avantage de "densifier" un personnage en nous justifiant son caractère par ses expériences passées.
La réalisation classique et sobre sert ici admirablement le caractère du Doggett de 1989, lui-même flic intègre et sans grande originalité. C'est précisément ce manque d'imagination à l'époque qui va amener le Doggett d'aujourd'hui à réouvrir une enquête "bidonnée" à son insu par son propre collègue pour étoffer le dossier du suspect arrêté.
Tout comme Mulder s'était alarmé des inconsidérées de Eugene Tooms ou de Patrick Modell, Doggett ne digère pas la remise en liberté de Robert M. Fassl, dont l'innocence vient d'être prouvée au bout de treize ans ! Or, l'intuition et l'expérience acquise permettent à Doggett d'affirmer que Fassl est bel et bien coupable des crimes pour lesquels il l'avait arrêté en 1989. Pourtant, la preuve scientifique incontestable est là pour lui donner tort : l'ADN du cheveu retrouvé sur place ne correspond pas à celui de Fassl.
Mais même Scully ne parvient pas à faire fléchir la détermination et la conviction de Doggett (qui pourtant se trompe sur la probité de son ex-collègue !):
SCULLY: You know, John... Whatever we find here, sometimes... sometimes even good cops make mistakes.
DOGGETT: Yeah. And I've made more than I can count. But this wasn't one of 'em. Whatever you think, I'm not here tryin' to cover my ass. SCULLY: That's not what I think. It's not. I just... I just worry that maybe this is about you feeling guilty. DOGGETT: I feel guilty? Like what, subconsciously? Like I was told I set an innocent man to prison, only I refuse to accept it? A cop I know, a man I respect deeply, he told me one time... "You don't clock out at the end of your shift unless you know you did everything you could." That's what this is about. Me not clockin' out. |
Vous savez John... Quoique nous trouvions ici... Il arrive parfois que... que même les bons flics fassent des erreurs.
Oui. Et j'en ai faites plus qu'à mon tour. Mais pas dans ce cas. Quoique vous pensiez, je ne suis pas ici pour couvrir mes arrières. Ce n'est pas ce que je pense. Non. C'est juste que... Que je craignais que vous sous sentiez coupable. Moi coupable ? Comment ça ? Inconsciemment ? Comme si je me disais que j'avais mis un innocent en prison et que je refuse de l'admettre ? Un flic que je connais et que je respecte énormément m'a dit un jour : "Tu ne baisses pas la garde tant que tu n'es pas sur d'avoir fait du mieux que tu pouvais". C'est de cela qu'il s'agit. Je ne baisserai pas la garde. |
Tout est dit. Doggett n'est pas un "fonctionnaire" de police, il est un homme de devoir et d'honneur. Il donne à sa tâche le maximum de lui-même et ne "raccroche" (en V.O. "clocking out") que la conscience tranquille. Il ne peut donc pas se sentir coupable dans le cas de Fassl puisqu'il est persuadé d'avoir 1°) arrêté le bon suspect et 2°) mené l'enquête correctement. Pour lui, l'erreur ne peut venir que du laboratoire d'analyse ADN ou d'un vice dans la procédure judiciaire.
Les airs navrés de Reyes et Scully ne font que renforcer sa détermination car Doggett est aussi un peu macho et ces deux femmes complices qui n'ont aucune expérience du métier d'enquêteur ordinaire titillent en fait sa virilité ! Il va prouver à ces deux "gentilles" collègues ce que c'est qu'un enquêteur, un "vrai" !
Malgré les apparences, Reyes et Scully ne sont pas à égalité dans l'esprit de Doggett (et des scénaristes). C'est en effet Scully qui refait les tests ADN et comprend l'erreur commise treize ans plus tôt. C'est aussi Scully qui ébranle la certitude de Doggett et qualifie l'affaire Fassl en affaire non classée au sens surnaturel du terme :
SCULLY: I spoke to the forensic examiner who ran the tests, and he found a match in 12 of the 13 key genes.
DOGGETT: What does that mean? SCULLY: It means that the mitochondrial DNA in the hair sample is genetically similar to Fassl's. In fact, it is remarkably similar. It is so similar that it must be from a blood relative. DOGGETT: Wait a minute. Fassl's an only child. His parents died when he was 13. He's got nobody. SCULLY: I know. DOGGETT: You know. And you know that what you're sayin's impossible. SCULLY: And yet, somehow it's true. |
J'ai parlé au légiste qui avait procédé aux tests d'identification ADN et il avait trouvé 12 gènes concordants sur 13.
Qu'est-ce ça signifie ? Que l'ADN mitochondrial du bout de cheveu est génétiquement similaire à ceux de Fassl. En fait, il lui est même remarquablement similaire. Tellement similaire qu'il doit venir d'un très proche parent. Attendez une minute. Fassl est fils unique. Ses parents sont morts quand il avait treize ans. Il n'a aucun parent proche. Je sais. Vous savez. Et vous savez aussi que ce que vous dites est impossible. Et pourtant, d'une manière ou d'une autre c'est vrai. |
Il faudra donc toute la rigueur scientifique dont Scully est auréolée pour que Doggett, qui n'est quand même pas obtus, reconsidère son approche trop rigide de l'affaire. Et même si la théorie "mystique" de Reyes n'est guère convaincante en tant que telle, l'hypothèse d'un tueur schizophrène (avec une double personnalité) va finir par s'imposer.
2°) Un portrait "classique" de schizophrène :
C'est la partie décevante de l'épisode. Le tueur, Robert Fassl, ne soutient guère la comparaison avec les "grands méchants" déjà rencontrés dans les X-Files. Son double maléfique et assassin n'est guère plus qu'une caricature barbue qui écrit "tue-là" sur les murs en lettres de sang et les pleurnicheries de Fassl n'emportent pas la conviction du spectateur.
Le surnaturel ne produit pas non plus l'effet escompté. Dans les X-Files, on a normalement deux versions contradictoires (c'est le cas ici) qui sont ÉGALEMENT plausibles (ce qui n'est PAS le cas ici) et le spectateur est laissé libre de juger quelle est la "bonne" théorie. Or, ni Reyes - la spécialiste du paranormal - ni Fassl ne tiennent la route dans cet épisode.
Il est certes sympathique d'avoir placé Scully sur le devant de la scène, mais nous avons dès lors affaire à une enquête de nature hybride où une scientifique et un sceptique enquêtent sur un cas surnaturel que seule une Reyes peu présente a su réellement détecter.
Il aurait été plus logique que Monica assiste Doggett lors de l'enquête et que Scully ne les rejoigne qu'à la fin dans les égouts pour la grande scène d'action.
D'ailleurs ce "climax" est lui aussi raté. Mouvements de caméras trop lents, plans trop larges, dialogues stéréotypés, musique trop formatée, bref rien ne vient souligner l'atmosphère oppressante qui devrait se dégager de cette descente aux enfers où Reyes doit finir par exorciser le Mal qui hante Robert Fassl.