" La fusée à eau à
flux d’air inversé est à la fusée à
poudre ce que les fusées à ergols liquides sont aux fusées
d’artifices. "
Général Larigot, 1902 – 1968
* : Sur son lit de
mort, le fameux général Larigot atténua quelque
peu la rigueur de cette formule en y ajoutant : " Et
pareil pour
le micro-onde ! Du moins, est-ce mon opinion… "
LANCEMENTS DU
19 MAI 2000
Le vendredi soir 19 mai 2000,
nous avons procédé avec succès aux
lancements des deux fusées àeau à flux d'air inversé photographiées
ci-contre.
Le principe de ces fusées est de réaliser le stockage de l'eau en partie haute de la fusée, c'est-à-dire au-dessus de l'air. Cette configuration, (plus facile à réussir sur des engins composés de plusieurs bouteilles) offre l'intérêt d'un centrage très "avant" de la masse d'eau, ce qui permet de diminuer les problèmes de stabilité aérodynamique et conséquemment la surface des ailettes d'empennage
Comme l'air comprimé est stocké
sous l'eau, il faut qu'il remonte
à la surface de celle-ci pour l'éjecter vers le bas. Le flux d'air, qui
dans
une fusée classique se produit vers le bas, se produit donc ici d'abord
vers
le haut (pour remonter à la surface de l'eau) avant de
s'inverser et
de se faire banalement vers le bas (d'ou
l'expression
"flux d'air inversé").
Conséquemment, les deux fluides
vitaux se croisent à un moment donné, ou
plutôt dans un goulot (d'étranglement) donné ! (Les goulots sont
d'ailleurs
toujours d'étranglement ). Il y a donc à optimiser les diamètres de la
plomberie interne pour que ce croisement ne nuise exagérément à
l'écoulement
d'aucun fluide. JP Soulard, de la Flèche, à qui j'avais soumis il y a
plus d'un
an ce concept du "flux d'air inversé", a eu la bonne idée de nommer
aqueduc et aéroduc les différents conduits de ce que nous appelons la "techno-pipe"
intérieure.
Cette techno-pipe est,
pour peu de temps encore, le morceau le plus difficile à réaliser
rapidement
(faire les choses facilement, là est la difficulté ! ).
Deux modèles ont été testés lors
de cette séance d'essais :
- un modèle (0,5 + 1) litre (photo ),
entièrement démontable, qui malgré une légère hémorragie interne, a
fort bien
volé. (Selon le principe énoncé plus haut, l'enveloppe supérieure de
0,5 L
contenait la masse d'eau, tandis que l'enveloppe inférieure de 1 L
renfermait
l'air comprimé.
- un vieux modèle non-démontable ( photo ) datant d'août 99, de
(1,5 + 2,5) litres (souffrant également d'épanchements internes
congénitaux, et
remisé longtemps pour ce motif). Ce modèle a atteint une hauteur
supérieure au
précédent, sans doute à cause d'un rapport de masse plus favorable.
Pour l'ensemble des sept ou huit
vols réalisés avec ces deux prototypes,
les parachutes, déclenchés par minuteur-à-2-francs
et
garcette
élastique
sur poupée fendue, se sont déployés
correctement, merci.
Cependant, bien que dotés de tuyères
réduites
de 10 mm et donc d'un
pouvoir d'accélération modéré, les engins ont échappé à l'objectif de
notre
vidéaste patenté qui a dû attendre l'ouverture sympathique de la
corolle de
freinage atmosphérique pour recadrer son image. Le temps de culmination
n'étant
en conséquence pas connu avec précision, l'altitude atteinte est assez
difficile à estimer (sans doute 70 et 80 m selon les modèles).
La fusée (0,5 + 1) L haute de 70 cm , arborait pour la circonstance
quatre ailettes
de 25 cm², qu'on devraient pouvoir diminuer jusqu'à 12,5 cm².
Quant à la grosse fusée de (1,5
+ 2,5) L , haute de 1 m ,
elle exhibait 4 ailettes de 36 cm².
*1 : La
configuration classique "eau en bas" (la
plus couramment pratiquée) est par contre idéale pour la confection de
rétrofusées d'atterrissage (système réalisé par JP Soulard ) .
*2 : Nous nous
cantonnons ici à des fusées sans
canalisations externes, et donc à des bouteilles peu ouvragées,
aisément
interchangeables. Notre travail sur les fusées hydropneumatiques ne se
conçoit
d'ailleurs que dans le cadre d'une technologie "domestique",
"facilement
reproductible" (ou "scotch-cutter"). Au pire il faut que les
techno-fusées soient constructibles avec un "outillage de club"
(marbres, bers, gabarits et formes de thermoformage). Nous œuvrons à
terminer,
avec Gwen Samson, un tel outillage-club qui devrait permettre à un
pré-ado, ado
ou élève ingénieur moyen de réaliser simplement sa fusée à flux
inversé, pour
ne parler que de celles-là.
L’IDÉE DE BASE
L'idée qui a présidé à ce projet
"flux d'air inversé" est
qu'un mobile cylindrique à ogive conique est naturellement stable si
son centre
de gravité est placé suffisamment en "avant" (quelque chose comme au
premier 1/3 de sa longueur). C'est sans doute le centrage des javelots
planants qui ont eu leur heure de gloire en athlétisme, il y
a quelques
dizaines d'années. Ce centrage avant se réalise presque de lui-même sur
une
fusée cryotechnique dont le réservoir d'H² est placé en partie arrière
(basse)
: la très faible densité de ce fluide (11 fois moindre que celle de
l'eau)
rejette tellement le G des deux ergols vers l'avant que la présence
d'ailettes
d'empennage n'est plus nécessaire. Le simple calcul graphique du G de
deux
réservoirs cryotechniques au rapport stœchiométrique
est très explicite
à cet égard. D'ailleurs, dès les débuts de la conquête spatiale, de
telles
fusées sans empennage ont existé (fusées Titan qui mettaient en l'air
les
petites capsules Mercury).
PETITE HISTOIRE
Pour compléter la petite
histoire des fusées à flux d'air inversé, on
peut signaler que j'avais déjà lancé, avant la mi-août dernier au lieu
dit
Pen-ar-Creac'h près de Camaret, dans une précipitation née d'une fuite
interne
(ce souci 'découle' tout naturellement du principe), une première fusée
2 x 0,5
litre non-démontable. L'altitude de l'apogée n'a pas dû dépasser la
vingtaine
de mètres. Mais c'est encore le double des altitudes atteintes par les
premières fusées à propergols liquides de l'histoire du monde (hum ! :
de notre
monde, plutôt) : la fusée de 1926 de Goddard, et la fusée de 1931 de
l'allemand
Winkler, toutes deux à traction avant, me semble-t-il.
Cependant, je ne trouvais pas
satisfaisant mon mode de liaison
inter-bouteille utilisant, pour l'étanchéité, du mastique polyuréthanne
(c'est
aussi le cas de la grosse fusée (1,5 + 2,5) L ,à tuyère jaune). Il ne
suffit pas
en effet de réussir un lancement, il faut pouvoir proposer un modèle de
construction élégant et reproductible. Du moins est-ce ma philosophie...
Depuis, notre modeste
technologie a progressé, et l'ensemble de la
plomberie interne de la fusée (0,5 + 1) litre , à tuyère noire, est
visitable
et réparable à loisir. Ce qui est un grand progrès dans l'histoire de
la fusée,
et de la limonade.
Pour des scrupules
aérodynamiques et esthétiques, le réservoir supérieur
(celui contenant l'eau) est choisi de diamètre plus faible que le
réservoir
inférieur et donc doit être rempli presque jusqu'en haut. Mais c'est
peut-être
un choix éronné, il faut y réfléchir...
UTILITÉ ET
PRATICITÉ
Le but ultime de toutes ces
recherches (si la recherche ne se suffisait
pas à elle-même) est de mettre au point un dernier étage dispensé
d'ailettes.
Par effet de cascade, en effet, la présence de telles ailettes en tête
d'engin
oblige à l'installation d'ailettes de compensation à l'étage
immédiatement
inférieur, ailettes qui elles-mêmes, et cascada et cascada...
Une retombée
gratuite de l'architecture à flux d'air
inversé est incidemment que l'allumage d'un étage ainsi conçu peut se
faire
dans cet état d'apesanteur ou de pesanteur faiblement négative qui suit
forcément
l'arrêt de la propulsion de l'étage précédent (cette impesanteur impose
aux
vraies fusées l'emport de fusées pyrotechniques spéciales destinées à
la remise
en pesanteur artificielle des ergols, sinon il y a trop de
bulles dans
ceux-ci)(embolie gazeuse des pompes !).
D'autres systèmes tendant à exhausser
ou rehausser la masse d'eau
de propulsion sont bien sûr envisageables. En particulier une simple
corolle de
mousse à cellules ouvertes, revêtue intérieurement d'une peau étanche
pourrait
constituer un bon siège-rehausseur pour un coût massique négligeable.
Je mets
lentement la dernière main à ce système pour une fusée de 0,5 L qui
formerait
un très bel étage ultime.
On le voit, la réflexion est ouverte... Faites-nous la grâce de vos remarques .